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Hollande et les socialistes dans le piège de la fiscalité
Mis à jour le 21/03/2013 à 23:17 | publié le 21/03/2013 à 18:52 Le président de la République et plusieurs membres du gouvernement lors d'un séminaire ministériel sur l'emploi, le 17 janvier, au Palais de l'Élysée.
Le président de la République cherche comment aménager son intenable promesse d'une taxe à 75 % sur les plus hauts revenus.Ils ont atteint leurs propres limites. Particulièrement créatifs en matière de fiscalité, les socialistes se heurtent désormais au mur de la taxe à 75 %. Censurée par le Conseil constitutionnel, corrigée par le Conseil d'État, l'idée qui avait fait les beaux jours de la campagne de François Hollande l'année dernière ne parvient pas à franchir le mur de la réalité. Celle d'une taxe à 75 % qui ne rapporte rien, ou si peu. Celle d'une taxe d'une folle complexité à mettre en œuvre. Celle d'une taxe qui, même si elle devait voir le jour, présenterait des avantages sans commune mesure avec ses inconvénients. Il y a un an, c'était une martingale. Aujourd'hui, c'est un boulet. Dont l'Élysée aimerait bien pouvoir se défaire.
«Il n'y a aucun fétichisme à avoir sur le taux lui-même», explique-t-on dans l'entourage du chef de l'État. L'idée était installée depuis quelque temps déjà que le seuil de 75 % ne pourrait pas être atteint. Au début de l'année, on assurait déjà à Matignon travailler «sur plusieurs hypothèses, ce ne sera peut-être pas 75 %». Alors, à l'Élysée, après l'avis du Conseil d'État, on minimise. «Il n'y a pas de nouveauté. Ce qui compte, c'est que des revenus exceptionnels soient taxés de manière qu'ils puissent contribuer à l'effort de redressement national.» Dans l'entourage du président, on souhaite que les nouvelles modalités de la taxe puissent être connues sans trop tarder, «avant l'été» dit-on, tout en remarquant que l'échéance juridique est lointaine. En tout état de cause, la taxe ne pourra être mise en œuvre qu'après l'adoption du budget 2014.
De quoi laisser les partisans de la taxe se faire progressivement à l'idée, sinon d'un abandon, au moins d'un sévère allégement? Pour l'heure, la gauche du PS n'en démord pas, la taxe à 75 % doit être maintenue. «En quoi le Conseil d'État est-il légitime pour fixer ce seuil incroyablement mathématique de 66,66 %? En quoi ce taux ne serait-il pas confiscatoire alors qu'un taux de 66,67 % le serait?», s'agace Emmanuel Maurel, le leader de l'aile gauche, pas loin de penser la même chose que Jean-Luc Mélenchon. «L'idée de niveau “confiscatoire”, c'est une invention de bourgeois et de la propagande de droite», selon le patron du Front de gauche.
La piste d'une taxe sur les entreprisesMême si l'idée de surtaxer les plus riches en avait laissé sceptiques quelques-uns, notamment l'ancien ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac, plus personne ne songe à abandonner purement et simplement le symbole. Trop coûteux politiquement. «Il faut maintenir» le principe d'une taxe, explique Pierre-Alain Muet, député du Rhône et vice-président de la commission des finances. «Je suis favorable à une taxe dissuasive sur les très hauts revenus», insiste-t-il en souhaitant, pour éviter l'écueil, que le gouvernement explore l'autre piste parfois évoquée mais qui n'avait pas les faveurs de Bercy jusque-là: celle d'une taxe prélevée sur les entreprises plutôt que sur les personnes. «C'est le même symbole», assure-t-il. Le gouvernement a écarté l'hypothèse pour ne pas donner le sentiment de taxer à nouveau les entreprises.
En matière de fiscalité, les marges de manœuvre n'existent plus. Même les socialistes le reconnaissent. Halte au «concours Lépine des propositions fiscales», avait lancé il y a deux semaines le sénateur maire de Dijon François Rebsamen, en pensant notamment aux propositions de taxation du diesel. Fin février, la mise en garde était aussi venue du premier secrétaire du PS Harlem Désir, qui a invité le gouvernement à «ne pas rajouter de nouveaux prélèvements». L'exécutif s'est engagé à ne pas augmenter les impôts en 2014… En tout cas seulement «subsidiairement», avait glissé François Hollande il y a quelques semaines.
Mais certains à gauche restent sur leur faim. Au sein du groupe de la Gauche populaire, on continue de réclamer la «grande réforme fiscale» promise par le candidat à la présidentielle. François Hollande avait proposé de fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG. Une promesse oubliée. Pour les partisans de la Gauche populaire, une telle réforme aurait pourtant permis d'introduire plus de redistribution et de justice dans le système.