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Comment le piège du chômage s'est refermé sur Hollande
Mis à jour le 27/12/2013 à 20:22 - Publié le 27/12/2013 à 19:17
François Hollande, le 16 décembre à l'Élysée, lors d'une cérémonie marquant le 70ème anniversaire du Conseil représentatif des associations juives de France.
La promesse du chef de l'État d'inverser la courbe du chômage avant fin 2013 est en train de se retourner contre lui, affaiblissant encore davantage un pouvoir plongé dans l'impopularité.
François Hollande avait fait de son pari d'inverser la courbe du chômage fin 2013 la pierre philosophale de son quinquennat: une promesse censée transformer le plomb (impopularité, difficultés du gouvernement…) en or. Mais c'est l'inverse qui se produit, même si les compteurs ne seront clos qu'à la fin janvier, quand les derniers chiffres de l'année 2013, ceux de décembre, seront publiés. «Ce pari était hasardeux, il est raté, ce qui ajoute une difficulté à gérer pour l'exécutif, analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique à l'Ifop. Deux sujets majeurs engagent la responsabilité de François Hollande en ce moment: la Centrafrique et le chômage. Sur chacun des deux, le président a voulu se montrer volontariste. Or, la situation en RCA est enlisée. Et les chiffres du chômage sont mauvais. Les Français ont le sentiment que le roi est nu.»
S'ils sont inaudibles, les arguments avancés par le gouvernement peuvent pourtant s'expliquer sur le papier. Un conseiller élyséen tente de convaincre: «Si on avait fait - 1500 chômeurs en octobre et - 1500 chômeurs en novembre (soit - 3000 au total, NDLR), cela aurait été considéré comme un bon résultat. Là, on fait - 20.500 en octobre et + 17.800 en novembre (soit un total de - 2700, NDLR). Ce qui revient au même sur deux mois. Or, c'est considéré comme un résultat négatif, voire très négatif. Il faut revenir à l'arithmétique!» Certes.
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«Ce pari était hasardeux, il est raté, ce qui ajoute une difficulté à gérer pour l'exécutif.»
Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique à l'Ifop
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En d'autres temps, Nicolas Sarkozy avait, lui aussi, déployé des trésors d'imagination sémantique pour «vendre» quelques maigres résultats sur le front de l'emploi: en mars 2012, il avait ainsi vanté «une baisse tendancielle de l'augmentation du nombre de chômeurs». Soit une baisse… de la hausse. Ironie du sort, cette déclaration lui avait valu les critiques acerbes du Parti socialiste, alors dans l'opposition: Alain Vidalies, responsable de l'emploi dans l'équipe de campagne du candidat François Hollande, avait également accusé le gouvernement d'utiliser l'essentiel des moyens budgétaires consacrés aux contrats aidés pour l'année 2012 sur les premiers mois de l'année. «Deux tiers des contrats sont mobilisés à la hâte, dans l'unique but de faire baisser artificiellement les chiffres du chômage au moment de l'élection présidentielle», avait ainsi fustigé Vidalies, aujourd'hui ministre.
Coup dur pour François Hollande
Quoi qu'il en soit, cette hausse du nombre de demandeurs d'emploi au mois de novembre est un coup dur pour François Hollande qui, il y a un an, avait semblé jouer son quinquennat sur cette promesse risquée - courageuse, avancent les socialistes - d'inverser la courbe avant fin 2013. Comme un piège, le pari se referme sur lui. Le président, qui avait repoussé à janvier sa conférence de presse semestrielle pour s'appuyer enfin sur des résultats tangibles, va devoir faire un impossible service après-vente de cette «baisse tendancielle», non perceptible aux yeux des Français. Pis, il n'aura que quelques minutes à la télévision, le 31 décembre au soir, lors de ses vœux, pour produire la même explication, encore une fois difficilement audible par l'opinion. «Les Français ne croient plus au grand soir mais à la politique par la preuve, analyse encore Jérôme Fourquet. Si François Hollande n'est pas le premier à ne pas réussir sur le front de l'emploi, il a engagé sa crédibilité et son autorité là-dessus. Les mauvais chiffres atteignent cette crédibilité et cette autorité.»
Pour Gaël Sliman, directeur de BVA opinion, «la séquence de communication est évidemment mauvaise car l'explication “ça monte, donc ça baisse” passe mal dans l'opinion». Mais ce spécialiste de l'opinion relativise: «Les Français n'y croyaient pas. En octobre, seuls 10% des sondés pensaient que François Hollande réussirait son pari fin 2013. Rappelons en outre que Lionel Jospin avait bénéficié de quatre années d'embellie économique et d'une cinquième mauvaise. Hollande, lui, mise sur un parcours à l'envers. L'enjeu pour lui, ce n'est pas tant de réussir l'inversion avant fin 2013 que de faire baisser durablement le chômage avant 2017. Et que les Français se disent que c'est un peu grâce à lui. Pour l'instant, ces derniers ont l'impression qu'il subit plutôt qu'il ne provoque.»