Le Monde.fr | 15.01.2014 à 15h14 • Mis à jour le 15.01.2014 à 15h31 | Par Abel Mestre
Après la lune de miel, arrivent les premières tensions du quotidien. Deux mois après l'officialisation de leur alliance au sein de l'Alternative – qui regroupe UDI et MoDem –, le couple Bayrou-Borloo se chiffonne encore sur certains problèmes qui n'ont pas été réglés concernant les prochaines échéances municipales et européennes.
S'agissant des municipales, le nœud du problème est la présence de certains élus MoDem sur des listes de gauche. Il en va ainsi, entre autres, à Dijon, Lille, Roubaix et Tourcoing. En tout, l'UDI a relevé une trentaine de villes où le MoDem et l'UDI ne partent pas ensemble. « Dans 90 % des cas, il n'y a aucun souci », se rassure un dirigeant centriste proche de Jean-Louis Borloo. Confirmation du MoDem : « Sur 900 villes de plus de 10 000 habitants il n'y a que 5 à 10 % des cas où nous ne sommes pas sur la même option que l'UDI », souligne Marc Fesneau, secrétaire général du parti bayrouiste.
La règle est que le parti de François Bayrou ne soutiendra pas les sortants en alliance avec la gauche. Mais cette solution ne satisfait pas les plus droitiers de l'UDI, comme le député de Côte-d'Or, François Sauvadet. « La question est : flingue-t-on nos élus qui travaillent avec la gauche depuis des années ? », se demande pour sa part un cadre du MoDem, qui se dit « très sceptique » sur la logique adoptée par son parti pour les municipales. Ce thème sera surement abordé samedi 18 janvier lors du congrès statutaire du MoDem. Sans enjeu – François Bayrou était seul candidat à sa propre succession –, le congrès devrait se concentrer sur « les questions de fond ».
« AMBIANCE TENDUE »
Deux réunions sur ce sujet ont eu lieu la semaine dernière pour aplanir les problèmes. D'abord le mercredi 8 entre les deux leaders, puis le dimanche suivant en formation élargie. La première réunion est décrite par beaucoup comme « extrêmement tendue », « à la limite de la rupture ». Des allégations rejetées par l'entourage de M. Borloo : « Aucun de ceux qui disent cela n'étaient présents. C'est n'importe quoi. »
En tout cas, la réunion dominicale a été plus constructive. « On a bien progressé dans l'appréhension des problématiques municipales. Il faut une cohérence nationale et locale », explique l'un des participants. Hervé Morin a lancé l'idée d'établir une liste des villes de plus de 3 000 habitants pour désigner au cas par cas les têtes de liste, pour éviter tout couac. « On ne peut plus finasser », estime-t-il.
Autre travail sur le métier : la désignation de la tête de liste en Ile-de-France pour les élections européennes. Le MoDem soutient la candidature de Marielle de Sarnez. L'UDI, celle de Rama Yade, qui serait, selon le parti, plus à même de faire un bon score. « Ça coince là-dessus, c'est le cœur du sujet. Tout s'est envenimé à cause de cela », estime un dirigeant UDI. Jean-Louis Borloo a proposé à Mme Yade d'affronter Marine Le Pen dans la circonscription Nord-Ouest.
« DEUX CROCODILES »
Le déclencheur des tensions entre les « deux B » a été le détricotage de l'accord avec NKM qui avait donné lieu à une explication de texte entre la candidate à la mairie de Paris et l'ancien ministre d'Etat, mais aussi entre les deux leaders centristes. En tout cas, une équipe de travail commune a aussi été mise en place pour organiser les européennes.
Par ailleurs, des tensions personnelles existent entre les deux hommes. « Ce sont deux crocodiles dans un même marigot. Mais il n'y a pas de difficultés sur le fond », assure un pro-Borloo. Un autre dirigeant de l'UDI est beaucoup plus dur : « Les névroses de Jean-Louis sont un calvaire, il n'est pas fiable. Il donne dix versions différentes à dix personnes. »
L'entourage du député du Nord reconnaît que la vie commune avec le Béarnais n'est pas un long fleuve tranquille. « Ce sont des personnalités totalement différentes, même si cela ne se situe pas au niveau des idées. De toutes façons, Bayrou n'est pas sensible à la pression et Borloo n'est pas de nature à aller au clash », assure un proche de Jean-Louis Borloo. Et il résume la situation des relations avec François Bayrou de façon assez imagée : « Ils ne partiront jamais en vacances ensemble, mais au fond, on s'en fout. Cela ne va ni mieux ni moins bien qu'entre Fillon et Copé. »
Abel Mestre
Journaliste au Monde Suivre Aller sur la page de ce journaliste
Une opposition qui se veut « constructive »
Lors de ses vœux à la presse, mercredi 15 janvier, Jean-Louis Borloo a souhaité que « 2014 soit l'année de l'Europe ». A quatre mois des élections européennes, le président de l'UDI a estimé qu'il n'y avait « que deux visions possibles », anti ou pro-européenne.
« Il y a les petits-enfants d'André Maginot, qu'ils s'appellent Jean-Luc, Marine ou quelques autres, qui pensent que les frontières statiques, les barbelés sont l'avenir de l'Europe », a lancé M. Borloo. « Nous souhaitons que les Français disent non à l'europhobie, à la regression, au repli sur soi, à la peur de l'autre et qu'ils disent oui aux valeurs démocrates et européennes », a-t-il encore ajouté.
Hollande est « passé aux aveux »
M. Borloo est aussi revenu sur la conférence de presse de François Hollande. Pour lui, le chef de l'Etat est « passé aux aveux. Il a reconnu la crise, que le matraquage fiscal était une pure folie, que les entreprises sont une richesse essentielle et qu'il ne fallait plus opposer économique et social ». Il conclut : « Bref, François Hollande tourne le dos à la politique menée jusqu'à présent ».
Jean-Louis Borloo a redit qu'il était certes dans l'opposition, mais dans une opposition « constructive ». « Etre dans l'opposition ne nous empêchera pas de soutenir telle ou telle mesure qui ira dans le bon sens », a-t-il asséné.
Le député du Nord a aussi souhaité que trois chantiers s'ouvrent en 2014 : la rénovation de la démocratie institutionnelle, sociale et locale.