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Jean-Louis Borloo : «Respectons l’indépendance de Bayrou»
Publié le 08.04.2012, 07h06
Paris (VIIe ), vendredi. Jean-Louis Borloo croit « à la nécessité d’une force centrale, centriste, radicale, d’écologie positive. Et cette force, j’ai bien l’intention de la faire peser à l’avenir ».
Après avoir un temps songé à se présenter à l’élection présidentielle, l’ex-ministre d’Etat à l’Ecologie a rallié Nicolas Sarkozy. Mais il compte peser sur le programme.
Le programme de Sarkozy vous satisfait-il ?
Jean-Louis Borloo. C’est un programme courageux, le seul qui soit précis sur la réduction des dépenses.
J’observe qu’un certain nombre de recettes correspondent à ce que j’avais proposé avec le Parti radical le 4 février, comme la taxe sur les transactions financières ou celle sur les grands groupes. Je souhaiterais qu’on y ajoute une réduction des déductions fiscales des achats de PME par des fonds de pension. Cela pourrait rapporter 4 Mds€ supplémentaires à l’Etat.
Vous le signez donc, des deux mains ?Oui, mais il faut l’accompagner d’un nouveau pacte de croissance et d’emploi, comme le plan de cohésion sociale en 2005, sur le logement, la formation… Ce pacte s’articulerait autour de trois points. Point no 1, le financement de long terme des PME. Nous disposons en France de près de 200 Mds€ d’épargne. Une partie est dans les banques. Il faut mettre 30 Mds€ de cette épargne à disposition des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire. Point no 2, il faut que l’Etat stratège lance des Grenelle des filières pour supprimer les blocages et augmenter la croissance et l’emploi de chaque filière. Dès l’été, il faut lancer 20 groupes sur 20 filières.
C’est-à-dire ?Agir sur les filières, c’est réunir tous ses acteurs. Exemple, la filière bois : on a la plus grande forêt d’Europe ; or, c’est le premier poste de déficit commercial français après le pétrole : 7 Mds€! La filière, c’est à la fois les normes, les capacités industrielles, la distribution, la fiscalité, la formation, la communication, bref, tous les acteurs, de la production à la consommation. On doit être capables d’élaborer en un an une vraie stratégie pour cette filière. Il y a 20 grandes filières en France, de l’énergie à l’automobile en passant par la santé ou les services à la personne.
Et votre troisième point ?Nous avons été au secours des banques et Etats surendettés. Il faut aussi le faire pour les familles françaises surendettées qui ont connu un accident de la vie. Je souhaite qu’il y ait un grand plan sur le surendettement, que les établissements de crédit abandonnent 80% de leurs créances sur les ménages surendettés de bonne foi, afin de leur permettre un nouveau départ. Il faut étendre la faillite civile qui existe déjà dans le Haut-Rhin et en Moselle.
Sarkozy vous écoute-t-il pour sa campagne ?On se parle régulièrement, et notamment sur les sujets qui me tiennent à cœur, l’emploi et l’aide aux plus fragiles.
Avez-vous, comme lui, le sentiment que dans cette campagne les syndicats font trop de politique ?Certains ont peut-être envie de coller à Jean-Luc Mélenchon. Le Parti communiste se redresse grâce à lui…
Qui associeriez-vous à votre pacte de croissance ? François Bayrou ?François Bayrou a payé le prix de son indépendance, c’est très respectable. Il est en campagne, il dit des choses, fait ses propositions. Respectons sa liberté, son indépendance et surtout le temps de sa campagne présidentielle. Ne pensons pas que ses convictions soient achetables. Après, qu’il puisse y avoir des points de convergence de programme, de projet… Il y aura ou non des discussions, mais, en tout état de cause, cela ne se fera que sur des convictions. Ceux qui pensent à des promesses de maroquins se trompent.
Vous le verriez à Matignon ?Il est libre, il parle aux Français, je ne veux pas perturber sa campagne aujourd’hui. C’est une question de respect, même si je suis centriste comme lui et que nous venons de la même famille politique. Mais ce à quoi je crois, c’est à la nécessité d’une force centrale, centriste, radicale, d’écologie positive. Et cette force, j’ai bien l’intention de la faire peser à l’avenir. Elle aura des candidats aux législatives. Peut-être en parlerons-nous ensemble, après la présidentielle, s’il le souhaite. Ce n’est pas l’actualité du jour.
Y a-t-il des choses qui vous gênent dans la campagne de Sarkozy ?Comme dans toute alliance. On est indépendants de l’UMP, on n’est pas fabriqués pareil, c’est le propre des coalitions : à l’Assemblée, on n’aura pas les mêmes positions sur tout.
Après cinq ans à la tête du pays, vous pensez qu’il peut impulser un nouveau départ au pays ?Oui. Et quand il dit « J’ai appris, j’ai compris », je crois que c’est vrai. Sur l’éducation, les banlieues, la maîtrise des comptes publics, la compétitivité et l’emploi, la croissance verte, il peut transformer la France. Parce qu’il a quelque chose de transgressif, il aime l’action publique, avec tous les risques d’incompréhension et le courage nécessaire pour les réformes.
Regrettez-vous d’avoir renoncé à vous présenter à la présidentielle ?J’avais jugé, dès le mois d’août, qu’il y aurait une finale et une demi-finale, que cette demi-finale se jouerait entre l’extrême gauche et l’extrême droite et qu’il était peu probable que le centre puisse être présent au second tour. Je l’ai écrit dans mon livre. Je n’ai donc aucun regret.
Vous pensez encore à Matignon ?Ce n’est pas dans mon champ de vision et de préoccupation aujourd’hui.
Marine Le Pen est encore un danger selon vous ?Je vois comme vous les sondages… Contrairement à une idée reçue, je trouve que le pays est plus apaisé aujourd’hui qu’il y a dix ans. L’intégration française a progressé considérablement, ainsi que le vivre-ensemble. Le racisme a reculé. Bref, je suis assez optimiste.
François Hollande a-t-il l’étoffe d’un président ?Nicolas Sarkozy est plus dans la modernité de la compréhension du monde. En cas de crise, je crois profondément qu’il est l’homme de la situation, comme il l’a déjà prouvé. Chez Hollande, au PS en général, je ne trouve pas de vision pour un monde en mutation.
L’incident nucléaire de Penly ne souligne-t-il pas l’absence de débat à ce sujet dans la campagne ?C’est un incident de classe 1 sur une échelle de 7. Notre mix énergétique est en train d’évoluer. Pour preuve, la réussite de l’appel d’offres du programme des éoliennes en mer cette semaine, qui créera 10 0 00 emplois. La croissance verte du Grenelle est en marche.