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Bayrou, Borloo et le mythe de l'âge d'or du centrisme
Publié le 28 septembre 2012 à 19:26
François Bayrou, en mai 2012, et Jean-Louis Borloo, en septembre 2011.
Analyse : Le pari du Modem d'exister en tant que troisième voie semble perdu. Et le projet de l'UDI de s'imposer comme seconde force à droite paraît utopique.François Bayrou et Jean-Louis Borloo ont fait tous deux le même rêve, recréer un âge d’or du centrisme, celui du giscardisme triomphant et d’une famille politique pesant suffisamment fort pour ne pas être cantonnée au rôle de supplétif ou de force d’appoint de la grande formation gaulliste.
Pour cela, le patron du Modem a cru pouvoir imposer sur la scène politique une troisième force indépendante et briser la logique du bipartisme de la V
e République – un bipartisme accentué par l’inversion du calendrier électoral qui réduit les élections législatives à l'octroi d’une majorité parlementaire au Président nouvellement élu.
Jean-Louis Borloo, président du Parti radical valoisien longtemps associé à l’UMP, suit le même but mais avec une différence essentielle : l’ancien ministre de l’Ecologie du gouvernement Fillon revendique l’indépendance de la famille centriste mais se positionne sans ambiguïté dans le cadre d’une alliance majoritaire avec la droite républicaine. A long terme, son pari est d'établir un rapport de force en sa faveur en rassemblant la diaspora centriste, et de prendre le pas sur la toute-puissante UMP.
Et si dans les deux cas, ces stratégies n’aboutissaient qu'à des échecs? Un pari perdu pour Bayrou et une impasse programmée pour Borloo...
Grands principes et idées fortesEn 2007, en refusant d'appeler clairement à voter pour Nicolas Sarkozy, François Bayrou avait provoqué l’implosion de l’UDF. Lors du congrès fondateur du Modem en novembre de la même année, il aspirait à transcender le clivage droite-gauche en réunissant des hommes et des femmes de bonne volonté autour de grands principes et d’idées fortes comme la réduction des déficits publics. Une perspective dans laquelle des piliers de l’UDF comme Jean Arthuis ou l’ancien garde des Sceaux Michel Mercier et des nouveaux venus comme Pierre Laroutourrou ont communié un temps.
La stratégie à géométrie variable d’alliance un coup avec le PS et l’autre avec des candidats UMP est adoptée par le Modem à l’occasion des municipales de 2008 avec des résultats mitigés. L'année suivante, l'échec du Modem aux européennes porte un autre coup à cette vision d’une troisième voie. Les anciens de l’UDF et les nouveaux venus désertent progressivement pour revenir au bercail, à droite pour la plupart. Seuls restent avec François Bayrou ceux qui venaient de la gauche ou des écologistes comme Jean-Luc Bennahmias. Paradoxalement, l’ancien député des Pyrénées-Atlantiques, qui ambitionnait de se positionner entre le PS et l’UMP, aura démontré l'importance de ce clivage.
L'UDI, née bancaleLes perspectives qui s’ouvrent devant Jean-Louis Borloo ne semblent pas plus porteuses d’avenir. Dès sa création, en proclamant sa volonté de ne nouer des alliances qu'à droite, l’UDI (Union des démocrates et indépendants) est née bancale. Cette position ne vaut que si la formation parvient à concurrencer l’UMP en nombre de députés. Sinon, elle se condamne à la sujétion.
Pour les centristes, une alliance avec une UMP conduite par François Fillon n’a pas la même signification aux yeux des Français qu’une collaboration avec cette même UMP dirigée par Jean-François Copé, prêt à dénoncer le
«racisme anti-blancs» sur le même ton que la présidente du FN. Les valeurs humanistes et sociales portées par les centristes risquent de s’en trouver fortement brouillées. D’autant plus que l’UMP table sur les élections municipales – scrutin intermédiaire généralement défavorable à la majorité au pouvoir – pour se refaire une santé et qu'elle risque, au cas par cas, de se tourner vers la formation à même de lui apporter la victoire. Or, dans de nombreuses villes, ce ne sont pas les centristes qui peuvent faire basculer le vote mais les électeurs du Front national. L’UDI peut-elle accepter une alliance au niveau national avec un parti qui va, localement, faire plus que lorgner vers son extrême droite?
La fin du «troisième homme»Au-delà de ces facteurs conjoncturels, la renaissance d’une famille centriste se heurte au fonctionnement même des institutions de la V
e République, comme le reconnaît Hervé Morin, président du Nouveau Centre adhérent de l’UDI. En l’absence de proportionnelle qui pourrait permettre aux électeurs de s’exprimer dans toutes les nuances de leurs opinions, les élections législatives se réduisent à un vote utile pour donner une majorité correspondant à la famille politique du nouveau locataire de l’Elysée.
Les primaires mises en place au sein du PS lors de la dernière présidentielle et adoptées maintenant par l’UMP pour la désignation de son futur champion condamnent presque irrémédiablement l’apparition d’un «troisième homme». Cette compétition interne revient à désigner les duellistes du second tour, renforçant chez les électeurs le réflexe de vote utile dès le premier tour. Dans ces conditions, la renaissance d’une famille centriste glorieuse en France devra, peut-être, attendre une VI
e République.