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Plongée dans la crise, Bangui attend l'intervention de l'armée française
Mis à jour le 01/12/2013 à 20:35 - Publié le 01/12/2013 à 19:54
Les soldats de la Séléka patrouillent, le 1er décembre, dans les rues de Bangui.
Les troupes de l'ex-rébellion qui ont pillé la ville et pris le pouvoir en avril sont particulièrement impopulaires.
Le défilé traditionnel de la fête nationale a été annulé à Bangui. Au lieu de fêter l'anniversaire de son indépendance, la Centrafrique attend une nouvelle fois dans l'anxiété et l'incertitude l'intervention de l'ancienne puissance coloniale pour enrayer une crise politique qui a atteint ces derniers mois un point de non-retour.
Moins d'un an après avoir été porté au pouvoir par les rebelles de la Séléka (la «Coalition»), le président Michel Djotodia a presque entièrement perdu le contrôle du pays. Retranché dans le camp de Roux, sur les hauteurs de Bangui, il est plus dépendant que jamais des soldats auxquels il doit son pouvoir. Or les troupes de la Séléka, après avoir pillé la capitale en mars dernier, sont aujourd'hui presque considérées comme des troupes d'occupation par une grande partie de la population de la ville.
Craignant un attentat ou une émeute, Djotodia a donc préféré à la dernière minute éviter une apparition publique au cours du défilé, au grand soulagement des invités de la tribune officielle.
La crise politique s'aggrave d'un soulèvement général des campagnes, qui atteint presque les faubourgs de Bangui. Les milices Anti-Balaka ont pris les armes, et affrontent les soldats de la Séléka dans des combats sporadiques dont la population fait les frais. Ce qui restait de l'appareil d'État a parallèlement connu une désagrégation accélérée, alors que la colère populaire contre les musulmans risque de déboucher sur des violences à grande échelle si les circonstances le permettent.
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Les milices Anti-Balaka affrontent les soldats de la Séléka dans des combats sporadiques dont la population fait les frais_______________________________________________________________________________________________________
Cette rapide détérioration de la situation conduit une nouvelle fois la France à intervenir en Centrafrique. Depuis l'opération «Barracuda», qui avait déposé en 1979 l'empereur Bokassa Ier, l'armée française a été régulièrement engagée dans diverses missions de rétablissement de l'ordre dans une ancienne colonie devenue au fil des années une faillite presque complète.
François Hollande avait cru pouvoir échapper à la malédiction en refusant de venir en aide au président François Bozizé au printemps 2013, quand les colonnes des rebelles de la Séléka avaient pris Bangui sans coup férir. Mais le risque de voir un complet effondrement de l'État centrafricain et la perspective d'une crise de grande ampleur ont finalement contraint la France à une nouvelle intervention où elle a beaucoup à perdre et peu à gagner.
Militairement, l'affaire ne présente guère de difficultés. L'armée française est intervenue tellement souvent en RCA qu'elle peut se déployer dans Bangui les yeux fermés. La réouverture des principales routes, vers le Tchad et le Cameroun, axes vitaux dans un pays enclavé, est aussi une mission relativement aisée: l'opération n'a officiellement pas d'adversaires définis. Le rétablissement de l'ordre peut impliquer de réduire les éléments «incontrôlés» des troupes de la Séléka. Même si certains groupes décident de résister, ils ne font pas tellement le poids face aux unités françaises, en partie composées de forces spéciales et de parachutistes du 8e RPIMa.
Le volet politique est en revanche beaucoup plus délicat. «Ce n'est pas comme le Mali, qui était presque aussi simple qu'un jeu vidéo, avec les ennemis devant dans le désert, et les amis derrière», dit l'analyste Roland Marchal, chargé de recherche au Ceri. «En Centrafrique, ils sont partout et nulle part. La Séléka est intégrée dans les forces armées de l'État que l'on vient aider, et les Anti-Balaka sont aussi responsables de violences et de meurtres. Le pari est de rétablir la loi et l'ordre, arrêter les criminels et enclencher un processus de réconciliation nationale.»
«Or, poursuit-il, je crains que les figures politiques du gouvernement de transition, le président Michel Djotodia et son premier ministre, ne soient déjà délégitimées et que la France ne se repose un peu trop sur l'ONU pour le volet politique de l'opération.»
D'autres analystes regrettent que l'intervention ait lieu aussi tardivement. Mais les options sont à présent limitées. La France ne peut laisser son ancienne colonie s'enfoncer dans le chaos. La résolution de l'ONU autorisant l'intervention des troupes françaises pour le rétablissement de la paix doit être votée cette semaine. L'opération pourrait commencer aussitôt après. Les renforts sont déjà en train d'arriver sur l'aéroport de Bangui M'Poko, et environ 1 500 soldats français devraient être engagés dans l'opération. Officiellement, les troupes françaises seront déployées en soutien d'une force panafricaine, composée de contingents congolais, camerounais et tchadiens. Mais tout le monde sait, à Paris comme à Bangui, que la responsabilité du succès ou de l'échec de cette mission de la dernière chance sera finalement imputé à la France.