WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Société École : la Cour des comptes dénonce l'erreur de Hollande
Mis à jour le 23/05/2013 à 07:01 - Publié le 22/05/2013 à 20:26
En 2011, les enseignants pesaient près de 49,9 milliards d'euros, soit 17 % du budget de l'État.
De l'embauche des professeurs à leur « temps de service », les Sages de la Rue Cambon sonnent la charge contre le «mammouth».
Avec son rapport dévoilé mercredi, «Gérer les enseignants autrement», la Cour des comptes s'attaque au «mammouth» de la rue de Grenelle. Les magistrats de la Rue Cambon dirigés par le socialiste Didier Migaud chargent sabre au clair. Premier constat, l'Éducation nationale «ne souffre pas d'un manque de moyens ou d'un nombre trop faible d'enseignants, mais d'une utilisation défaillante des moyens existants». Plutôt gênant, alors que le gouvernement de François Hollande a décidé d'embaucher 60.000 enseignants d'ici à la fin du quinquennat! La Cour estime ainsi que «l'évolution du nombre d'enseignants est déconnectée de celle des élèves». Les effectifs des professeurs du secondaire n'ont pas cessé d'augmenter entre 1993 et 2005 alors que celui des élèves diminuait. «Chaque année, c'est le volume d'heures de cours et le souci d'assurer un débouché satisfaisant aux universités qui guident les décisions de recrutement», déplore Didier Migaud.
Multiplication des matièresPourtant, une «bonne gestion» constitue un enjeu primordial de maîtrise de la dépense publique: les enseignants pesaient près de 49,9 milliards d'euros en 2011, soit 17 % du budget de l'État. «Nous ne sommes pas contre des créations de postes quand elles sont justifiées. Le sujet est de regarder là où il y a des pertes en ligne», pointe Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, qui prend l'exemple des sorties scolaires: «Les professeurs qui n'accompagnent pas les élèves ont relâche et ne sont pas utilisés à autre chose, car le système ne le permet pas. Dans l'académie de Versailles, 1600 heures sont utilisées pour vérifier que l'ordinateur ne s'est pas trompé dans l'application du barème des décharges syndicales. Ce n'est peut-être pas le plus judicieux.»
Plus inquiétant, en dépit du nombre d'enseignants, les résultats du système français sont inégalitaires et ses performances se dégradent. La part des élèves les plus faibles s'est accrue de 26 % en lecture et de 37 % en mathématiques entre 2000 et 2009. Le système français est un de ceux où le poids des origines socio-économiques pèse le plus sur les résultats.
Pour la Cour, il existe un écart entre la réalité du métier d'enseignant et le statut. Leur «temps de service» n'est centré que sur les seules heures de cours, alors que la loi leur assigne d'autres missions: relations aux parents, travail en équipe, aide au travail personnel des élèves, orientation. Le temps qui y est consacré par les enseignants, très imparfaitement mesuré, n'est rémunéré que partiellement, à travers un système de décharges et d'heures supplémentaires. Cette organisation conduit à ne pas valoriser l'implication des enseignants. La Cour recommande d'élargir leurs obligations à l'ensemble des activités effectuées dans l'établissement, sous la forme d'un forfait annuel, la répartition de ce temps de service devant pouvoir être modulée en fonction des besoins locaux.
Autre constante, le coût moyen d'un lycéen français est de 31 % supérieur à la moyenne de l'OCDE. En cause, un temps d'instruction plus long, un nombre d'élèves par classe plus faible et la multiplication des matières, options et modules. La Cour prône une «indispensable rationalisation» car «l'éparpillement progressif de l'offre de formation au lycée, qui ne se constate nulle part ailleurs en Europe, a conduit à une augmentation des besoins d'enseignants et à un renchérissement progressif du coût du système scolaire». Elle propose également d'instituer la possibilité d'enseigner deux disciplines au collège: il existe 375 sections discipli­naires pour 272 matières enseignées. Cette «dispersion et la monovalence ont un coût», insiste la Cour, car les enseignants exerçant dans de petits établissements n'ont parfois pas un service complet, ce qui représente une perte d'un millier de postes.
Par ailleurs, le système d'affectation automatique des enseignants «au barème» en fonction de différents critères (ancienneté, situation familiale) est «inadapté». Tous les postes sont considérés comme équivalents et tous les enseignants sont jugés également qualifiés. La Cour recommande de fonder le système sur une meilleure adéquation entre les exigences du poste et le profil des enseignants, sur la base d'entretiens entre les candidats et les chefs d'établissement, en s'inspirant… du système des établissements privés catholiques.