Le Monde.fr | 11.02.2014 à 11h38 • Mis à jour le 11.02.2014 à 12h06
Des membres de l'association Aldeva en juin 2012 militent pour la reconnaissance de l'exposition à l'amiante de l'usine de Condé-sur-Noireau.
Dans son rapport public annuel rendu public le 11 février, la Cour des comptes analyse à nouveau l'indemnisation des victimes de l'amiante. Elle critique ses dysfonctionnements, auxquels il n'a pas été remédié malgré les reproches qu'elle avait déjà formulés dans un rapport de mars 2005.
Elle avait relevé à cette occasion « la complexité du système mis en œuvre » et « un défaut de ciblage susceptible de provoquer des ruptures d'égalité ». Elle constate dans son nouveau rapport que « les difficultés qu'elle avait identifiées demeurent quand elles ne se sont pas aggravées ».
L'indemnisation des victimes de cette fibre minérale utilisée pour ses capacités d'isolation thermique a été mise en place en 1999 et 2001. L'Etat a reconnu qu'il n'avait interdit que tardivement, en 1997, ce matériau provoquant des cancers du poumon. Il a, par conséquent, créé un dispositif spécifique, sous la double forme d'un accès des victimes à une préretraite et d'une indemnisation de leurs préjudices. Plus de 76 000 demandes d'indemnisation ont été déposées depuis par des personnes affectées par l'amiante.
ABUS SUR LA CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ
La Cour expose que le système de cessation anticipée d'activité a été l'occasion d'abus de la part d'entreprises, qui l'ont utilisé comme « instrument de gestion de l'emploi pour faire face à des réductions d'activité ou des restructurations ». Des préretraites ont ainsi été accordées à des salariés « sans qu'aucun motif avéré de santé publique ne justifie » la mise en œuvre de ce dispositif réservé aux victimes de l'amiante. Les magistrats financiers notent également que « la pression est souvent forte pour son utilisation dans le cadre de plans de sauvegarde de l'emploi ».
La haute juridiction relève en outre la quasi-absence de versement d'indemnités directement par les sociétés dans lesquelles des salariés ont été victimes de l'amiante. Selon le rapport, « l'essentiel du financement des dispositifs d'indemnisation des victimes de l'amiante repose de plus en plus largement sur des cotisations mutualisées » versées par l'ensemble des entreprises et non sur des contributions des sociétés responsables d'exposition à l'amiante.
LENTEUR DU VERSEMENT DES INDEMNITÉS
La Cour souligne par ailleurs les inégalités accrues entre les victimes de l'amiante. En effet, si certains salariés peuvent bénéficier automatiquement de préretraites, d'autres occupant des emplois précaires doivent prouver qu'ils sont atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante. Les travailleurs indépendants et une partie des fonctionnaires sont même exclus de tout dispositif de préretraite y compris en cas d'exposition à l'amiante.
En dépit de quelques progrès, la Cour met aussi en avant la lenteur du versement des indemnités, notamment aux victimes de maladies graves. Elle estime de même que le contentieux est trop abondant pour un système destiné, au contraire, à limiter les recours devant un juge. Les magistrats suggèrent au final de profiter de la relative stabilisation des demandes des victimes pour améliorer le dispositif d'indemnisation.