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La Cour des comptes dénonce les dérives de la Sécu
Mis à jour le 13/09/2012 à 11:27 | publié le 13/09/2012 à 11:22
Le déficit devrait déraper de 900 millions d'euros en 2012 par rapport aux prévisions pour s'établir à 14,7 milliards. Sans mesure correctrice sur les dépenses, la dette pourrait donc gonfler de 60 milliards d'ici à 2020.Alerte rouge: les comptes de la Sécu dérapent une nouvelle fois et le retour à meilleure fortune n'est pas pour demain. Loin de là. C'est le constat, sans ambages, que dresse la Cour des comptes dans son rapport 2012 sur la Sécurité sociale rendu public ce jeudi matin. «La trajectoire de réduction des déficits marque le pas, tranchent en effet les magistrats de la rue Cambon. Le chemin de redressement des comptes sociaux reste à faire».
Les ennuis commencent dès cette année. Le déficit du régime général - qui cumule les branches maladie, famille et vieillesse - dérapera de 900 millions d'euros par rapport à la loi de financement votée à l'automne 2011, pour grimper à… 14,7 milliards d'euros. Soit la facture totale des Jeux olympiques organisés cet été à Londres. À qui la faute? Moitié au gouvernement socialiste qui a fait voter en juillet quelques unes de ses promesses de campagne (ouverture du droit à la retraite anticipée, hausse de 25% de l'allocation rentrée scolaire…). Et moitié à la crise à cause d‘une croissance désespérément en berne et de l'explosion du chômage. La hausse de 1,4 milliard d'euros de prélèvements nouveaux (hausse du forfait social taxant les revenus de placement, taxation sur les stocks options…) n'aura donc au final permis que d'éponger une petite partie du dérapage en cours.
«L'effort à réaliser demeure considérable»Cette nouvelle dégradation fait qu'au 31 décembre prochain le contraste sera important avec la fin 2011. Le déficit du régime général - bien qu'atteignant des sommets à 17,4 milliards d'euros - avait alors affiché un niveau inférieur aux prévisions de la loi de financement votée un an avant. Un exploit, rare, sur lequel la Cour s'est penchée. L'amélioration constatée fin 2011 était due en fait «à l'apport de ressources nouvelles», comme la suppression de niches fiscales sur les complémentaires, et à une résistance meilleure que prévue du marché de l'emploi. Les cotisations sociales et la CSG, assises sur les salaires, avaient donc plus progressé que prévu et gonflé les caisses de la Sécu. Des raisons conjoncturelles et fiscales donc qui n'ont rien à avoir avec une évolution des comportements, notamment à l'hôpital…
«Ces efforts sont très appréciables, mais l'effort à réaliser demeure malgré tout considérable», soulignent les magistrats de la rue Cambon. Et pour cause: le déficit observé fin 2011 représente plus du double de ceux enregistrés lors des années d'avant crise. Et l'institution, contrairement au gouvernement, ne parie pas sur un redémarrage massif de l'économie ces prochaines années et préfère prendre des hypothèses plus «prudentes» que le nouvel exécutif pour évaluer la trajectoire des comptes. Résultat, la Cour des comptes n'entrevoit pas de retour rapide à l'équilibre «sans mesures significatives de redressement en dépenses comme en recettes».
Sans action volontariste de l'exécutif, la dette sociale gonflera ainsi de 60 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2020. Soit l'équivalent, peu ou prou, du budget de l'enseignement scolaire… Le trou de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), organisme qui finance notamment le minimum vieillesse, avoisinerait 9 milliards d'euros à l'horizon 2018. «Bien loin du retour à l'équilibre que la réforme Fillon des retraites ambitionnait pour la même date», rappellent, non sans une certaine perfidie, les sages de la rue Cambon.
«Marges de manœuvre substantielles à tous niveaux»Quant à l'Assurance-maladie, dont le déficit a atteint 8,6 milliards fin 2011, son salut dépendra de sa seule maîtrise des dépenses de santé. Or le gouvernement s'est voulu généreux pour 2013, en fixant à 2,7% leur plafond d'évolution, soit 0,2 point de plus que l'exécutif précédent. Si un tel rythme de progression était confirmé, le retour à l'équilibre des comptes serait donc repoussé de deux ans, en 2019. Deux ans de dette sociale en plus!
Fidèle à son habitude, la Cour des comptes boucle son rapport annuel en faisant des recommandations au gouvernement. Pour réduire le déficit de la Sécu, il existe «des marges de manœuvre substantielles à tous niveaux, à dimension des efforts certes de grande ampleur, mais en aucun cas hors de portée». Et les sages de la rue Cambon de lister les réformes à mettre en œuvre: révision de l'organisation des soins de moyen séjour à l'hôpital, suppression de certains allégements de cotisation jugés «discutables» en faveur des médecins, réorganisation de la branche famille, etc.
Pour les limiers des comptes publics, il n'y a aucun doute possible: ce sont les dépenses, surtout, qui doivent être réduites. Et non les taxes qui doivent être augmentées. On verra le 10 octobre prochain, lors de la présentation de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, si le gouvernement a fini par entendre les sages conseils de la Cour des comptes…