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Amiante : Martine Aubry mise en examen
Mis à jour le 06/11/2012 à 23:27 | publié le 07/11/2012 à 06:00
Martine Aubry, mardi à son arrivée au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris.
L'ancienne dirigeante du PS va demander l'annulation. Le dossier de l'amiante vient de rattraper Martine Aubry, mise en examen pour «homicides et blessures involontaires».
L'ancienne dirigeante du Parti Socialiste en a fait l'annonce, hier soir, à sa sortie du pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, sans toutefois en préciser le motif.
Convoquée en sa qualité d'ancienne directrice des relations du travail (DRT) de 1984 à 1987, la maire de Lille s'est présentée mardi à 14 h 30 devant la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris. Les griefs qui lui sont reprochés s'articulent autour de trois thèmes.
DIRECTIVE DE 1983 La magistrate reproche une transposition bien tardive de la directive de 1983 abaissant le seuil limite d'exposition de deux fibres à une fibre par millilitre. Cette nouvelle réglementation a été appliquée en France en 1987. «Le texte, préparé par la DRT entre 1983 et 1986, a été transmis dans les délais», certifie Me Yves Baudelot, conseil de Martine Aubry. Cette dernière fait valoir, par ailleurs, que seules la Belgique et l'Allemagne avaient appliqué ce nouveau seuil quelques semaines seulement avant la France. La juge reproche aussi un travail incomplet. Trois articles de cette même directive n'ont pas été transposés. Ils portent sur la sécurité et la santé des travailleurs ainsi que sur la tenue par les états d'un registre des cas reconnus d'asbestose (maladie pulmonaire liée à l'inhalation de poussières, NDLR) et de mésothéliome (cancers de la plèvre). «Ils n'ont pas été transposés tout simplement parce qu'ils existaient déjà dans la législation française depuis 1977», souligne le conseil de Martine Aubry. En 1978 notamment, un registre portant sur les mésothéliomes avait été créé par le Pr Bignon. Après avoir alerté en 1977 le premier ministre de l'époque, Raymond Barre, sur la nocivité de l'amiante, ce dernier fut à l'origine de la première réglementation en France limitant, par un décret de 1977, le seuil limite d'exposition à deux fibres.
INERTIE DE L'ADMINISTRATION La magistrate reproche l'inaction de la DRT, cet organisme chargé de la santé et de la sécurité des employés. La liste des griefs est longue: absence de réglementation pour protéger les salariés, de contrôle du décret de 1977, d'étude nationale sur les méfaits de l'amiante et de toute analyse des données de la CNAM permettant de comprendre qu'une épidémie se développait. Marie-Odile Bertella-Geffroy souligne également qu'aucune étude sur les produits de substitution à l'amiante n'a été réalisée. Des accusations rejetées par Me Baudelot. Selon lui, il faut se replacer dans le contexte de l'époque, où les maladies liées à cet isolant minéral hautement cancérogène étaient peu nombreuses car le délai entre l'exposition et la survenue d'un cancer est de trente à quarante ans. «En 1984, on dénombrait 200 cas», dit-il en ajoutant: «Les maladies professionnelles explosent en 1994 en raison des fortes expositions des années 1960. Avant le décret de 1977, limitant à deux fibres, l'exposition pouvait aller jusqu'à 1 000 fibres. On ouvrait les sacs d'amiante comme on ouvrait les sacs de ciment.» Et de rappeler qu'«aucune alerte scientifique n'indiquait qu'il fallait cesser d'utiliser cette fibre». Cette dernière a été interdite en France en 1997. Martine Aubry devait, quant à elle, remettre diverses pièces à la magistrate attestant, selon elle, de l'action de ses services préoccupés par l'amiante. Elle a notamment adressé une circulaire de 1985 qui demandait aux inspecteurs et aux directeurs du travail «de regarder la prévention des cancers d'origine professionnelle comme une priorité». Ce même document leur précisait «qu'en matière de prévention, l'objectif ne peut être que la réduction à un niveau le plus bas possible de l'exposition». Elle a, par ailleurs, communiqué une étude de 1985 sur l'usage de produits de substitution et qui concluaient a des risques équivalents à ceux constatés avec l'amiante.
L'EMPRISE DES PROFESSIONNELS La juge reproche à la DRT d'avoir été sous l'emprise des industriels qui s'étaient constitués en groupe de pression, notamment au sein du Comité permanent amiante (CPA). Jean-Luc Pasquier, l'un des adjoints de Martine Aubry et depuis lors mis en examen, y siégeait. Or, Martine Aubry assure qu'elle n'a jamais entendu parler de cette structure. «Et il n'y a pas l'ombre d'une influence quelconque du CPA dans le dossier. Pas de trace de correspondance, de réunions, de coïncidence entre une demande émise par le CPA et une exécution au sein de la DRT», assure Me Baudelot.
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