WEB - GOOGLE - ACTUALITE > International Allemagne : procès du gang des néonazis tueurs de Turcs
Mis à jour le 05/05/2013 à 22:29 - Publié le 05/05/2013 à 17:39
Photo non datée de Uwe Mundlos, Beate Zschäpe et Uwe Böhnhardt. Les deux garçons se sont suicidés en 2011.
Seule survivante d'un trio de marginaux accusés de dix meurtres de 2000 à 2007, Beate Zschäpe comparaît devant ses juges.
Murée dans le silence depuis novembre 2011, Beate Zschäpe comparaîtra menottée aux mains et aux pieds ce lundi au tribunal de Munich. Seule survivante du trio de tueurs néonazis de la NSU (Underground national-socialiste), cette brune aux traits juvéniles derrière de fines lunettes sera jugée pour participation à des meurtres dans l'un des plus grands procès de crimes racistes de l'après-guerre en Allemagne. Baptisée «Action brochette de kebabs», la série de dix meurtres commis par le groupuscule a révulsé l'Allemagne et provoqué une prise de conscience outre-Rhin sur les violences dont sont capables les cellules de fanatiques du IIIe Reich.
Sans père, ballottée entre sa grand-mère et une mère sans fibre maternelle, Beate Zschäpe se décrit comme «orpheline» depuis qu'elle a perdu sa «famille»: ses deux complices, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, qui se sont suicidés pour échapper à la police. Elle était l'amante, tour à tour, de ces deux skinheads épris de musculation et aux tatouages explicites, qui éveillaient les soupçons des voisins. Elle les avait rencontrés dans une Kameradschaft, une «fraternité» néonazie, en ex-RDA. Elle est décrite comme ouverte et aimable. Son rôle consistait à désamorcer les soupçons sur les activités du trio entré en clandestinité en 1998. Zschäpe expliquait être fiancée avec l'un des deux hommes alors que l'autre se faisait passer pour son frère.
Suicides dans un camping-carElle se livre à la police le 8 novembre 2011 en se présentant au commissariat de la ville de Zwickau, en ex-Allemagne de l'Est. «Je suis celle que vous cherchez», indique-t-elle simplement après avoir mis le feu à son appartement pour tenter d'effacer les preuves de ses crimes. Quelques jours plus tôt, la police avait retrouvé les corps de ses complices suicidés dans leur camping-car alors que l'étau des enquêteurs se resserrait sur eux après une attaque à main armée.
____________________________________________________________________
La NSU s'est financée en commettant une quinzaine de braquages de banques
____________________________________________________________________
C'est alors que les policiers retrouvèrent un DVD de 15 minutes mettant en scène une panthère rose et revendiquant les meurtres d'une policière et de «neuf Turcs» - en réalité, huit hommes d'origine turque et un Grec travaillant dans des restaurants de kébabs - tués par balle dans une sinistre «tournée d'Allemagne». Jusque-là, les autorités avaient mis ces assassinats, qui se sont déroulés entre 2000 et 2007, sur le compte d'une «mafia turque». Dans son DVD, la «NSU» affirmait former le noyau dur d'un «réseau national de camarades répondant au leitmotiv: des actions au lieu des mots».
Également responsable de deux explosions ayant fait vingt-deux blessés à Cologne, la NSU s'est financée en commettant une quinzaine de braquages de banques. La police et les médias ont surnommé ce trio originaire d'Iéna, en ex-RDA, la «cellule de Zwickau». Décrite comme la «fiancée nazie» par la presse populaire, Beate Zschäpe gère l'argent des braquages, fait la cuisine et s'occupe de ses deux chattes, Lilly et Heidi. Elle organise la location des appartements dans lesquels le trio se cache.
Les ratés de la policeLorsqu'ils rendent visite à la grand-mère de Zschäpe, Mundlos offre les fleurs alors que Böhnhardt se déplace maladroitement dans ses sabots de chirurgien blancs qui dissimulent ses rangers à lacets blancs, signe distinctif des néonazis… Il jugeait trop contraignant de les délacer. Leur vie bascule en 1998 lorsque, repérés par les renseignements intérieurs, ils passent dans la clandestinité. Zschäpe, aujourd'hui âgée de 38 ans, rompt alors tout lien avec ses proches.
Le trio de la NSU aurait bénéficié du soutien de la Thüringer Heimatschutz (TH, «protection de la patrie de Thuringe»), un autre groupuscule d'extrême droite, qui comptait quelque 170 membres. Quatre militants d'extrême droite issus de la TH comparaîtront aux côtés de la jeune femme à partir de lundi au tribunal de Munich. La justice tentera aussi de faire la lumière sur les ratés de la police et des services de renseignements ainsi que sur le rôle trouble de leurs informateurs dans les milieux d'extrême droite.
Le procès devrait aussi permettre de mieux comprendre ces groupuscules violents de néonazis. Les partis politiques proches de cette mouvance obtiennent des scores dérisoires aux élections législatives (1,5 % en 2009). Cependant, les néonazis font partie du paysage politique dans l'ex-RDA, en particulier dans les régions déshéritées qui ont perdu de nombreux habitants depuis la réunification et où vivent très peu d'étrangers. Quant aux motivations de Zschäpe… ses avocats ont prévenu qu'elle ne s'exprimerait pas sur les faits reprochés lors du procès. Engagée dès ses 20 ans dans les milieux néonazis, personne ne semble pourtant l'avoir jamais entendue tenir des propos racistes. Elle reste une énigme.