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La troïka au pouvoir en Tunisie au bord de l'éclatement
Publié le 05/02/2013 à 08:28
Le refus du parti islamiste Ennhada de renoncer à certains ministères régaliens après son succès aux législatives, fragilise la coalition au pouvoir, confrontée à la montée du malaise social et des violences.
La crise politique s'amplifie en Tunisie, faute de compromis entre les trois partis de la coalition gouvernementale. Le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki et Ettakatol, la formation dirigée par le président du parlement Mustapha Ben Jaafar, menacent de claquer la porte si leurs alliés islamistes d'Ennadha, grands vainqueurs des législatives d'octobre 2011, refusent de céder plusieurs ministères régaliens.
Les consultations sur un remaniement réclamé par la classe politique avaient commencé il y a plusieurs semaines jusqu'à ce que le premier ministre Hamadi Jebali dresse, le 26 janvier, un constat d'échec. Ennadha refuse de limoger le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, critiqué en raison de la montée des violences politiques et sociales, celui de la Justice, Nourredine Bhiri, ainsi que le chef de la diplomatie, Rafik Abdessalem, impliqué dans un scandale de corruption. Ce detrnier est également le gendre de Rached Ghannouchi, cofondateur et président d'Ennadha. Le CPR a donné une semaine au premier ministre pour exclure les trois ministres mis en cause, faute de quoi il se retirera du gouvernement.
Hamadi Jebali, qui représente l'aile modérée d'Ennadha, souhaite confier ces trois ministères à des alliés politiques ou à des indépendants, mais les «faucons» du parti s'y opposent. Signe de ces luttes intestines, Lotfi Zitoun, conseiller politique très controversé du premier ministre et proche de Rached Ghannouchi, vient d'annoncer sa démission, arguant qu'Ennadha n'avait rien à gagner dans un remaniement.
«Des pratiques rappelant l'ère révolue de Ben Ali»Depuis plusieurs mois, les relations entre les trois partis de la coalition ne cessent de se dégrader. En août dernier déjà, le président Marzouki avait publiquement accusé ses alliés islamistes de vouloir «contrôler tous les rouages administratifs et politiques de l'État» et de se livrer à «des pratiques rappelant l'ère révolue de Ben Ali».
Deux ans après la révolution du jasmin, la Tunisie semble faire du surplace. L'Assemblée constituante s'était donné initialement un an pour rédiger et adopter une nouvelle loi fondamentale ouvrant la voie à de nouvelles élections. Faute de consensus, elle a dû reporter cette date butoir, à savoir le 23 octobre 2012.
Ces crispations politiques se greffent sur un malaise social croissant et une situation sécuritaire précaire avec la multiplication, ces derniers mois, d'incidents violents impliquant des groupuscules islamistes radicaux. Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne, Chedly Ayari, a reconnu il y a quelques jours qu'à moins d'un «miracle», le chômage, ce mal endémique qui avait déclenché la révolution, allait persister - il se situe actuellement à près de 18 %. La Tunisie a perdu les deux tiers de ses marchés à l'exportation du phosphate et le chiffre d'affaires réalisé dans ce secteur a chuté de 66 % depuis deux ans en raison des conflits sociaux à répétition. L'industrie des phosphates, implantée dans le centre déshérité du pays, est cruciale pour la Tunisie qui en était le 5e exportateur mondial jusqu'à la chute du régime Ben Ali.