Des nouvelles stratégies contre le Sida

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Des nouvelles stratégies contre le Sida

Publié le 30/11/2012


Dans de nombreux pays, des volontaires se sont mobilisés pour la Journée mondiale de lutte contre le sida. Ici, vendredi à Séoul.

En France, 150.000 personnes sont contaminées et plus de 15.000 seraient infectées sans le savoir.

Le nombre de nouvelles contaminations par le VIH est stable en France. En 2011, environ 6100 personnes ont découvert leur séropositivité. Rassurant d'une certaine façon, même si l'on doit admettre avec le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (Anrs) que «c'est toujours trop». Le fait que, pour la première fois depuis cinq ans, le nombre de dépistages ait augmenté de plus de 4 %, passant de 5 à 5,2 millions, pourrait aussi marquer l'impact des campagnes visant à promouvoir cette politique. Mais ces chiffres, tirés du bilan annuel de l'épidémie publié par l'Institut de veille sanitaire (InVS) dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire du 1er décembre, masquent d'autres données plus inquiétantes.

Ainsi la moitié des découvertes de séropositivité a encore lieu à des stades avancés de la maladie. De surcroît, 15.000 à 30.000 personnes sont aujourd'hui en France contaminées par le virus du sida (VIH) sans le savoir, à comparer aux 150.000 personnes qui se savent infectées. C'est là une occasion manquée évidente d'intervenir efficacement pour le bien du malade et de ses partenaires sexuels, car le dépistage précoce constitue désormais l'une des étapes clés du succès thérapeutique.

Disparité des contaminations

En intervenant au tout début de l'infection, on peut essayer d'obtenir une «rémission», c'est-à-dire permettre au patient de se passer de traitement, même si l'on ne parvient pas à éradiquer complètement le virus de son organisme. Dans l'étude Visconti menée par l'Anrs, quinze patients pris très tôt après leur contamination (dans les dix semaines) ont bénéficié d'un traitement antirétroviral pendant trois ans. Six ans après le dernier comprimé avalé, «l'infection de ces patients reste contrôlée, avec une charge virale quasi indétectable», se félicitait l'Anrs dans un communiqué de presse en juillet dernier. «Moins on laisse le virus s'installer dans l'organisme, meilleur est le pronostic à long terme», résume Jean-Marie Legall, responsable des actions de recherche à l'association Aides.

Autre sujet de préoccupation, la disparité des contaminations selon les groupes exposés. De fait, quatre nouvelles contaminations sur cinq concernent les gays et les personnes contaminées par rapports hétérosexuels, nées à l'étranger, les trois quarts en Afrique subsaharienne. «Ne faut-il pas des stratégies de prévention et de dépistage plus ciblées», s'interroge le Pr Delfraissy. Les tests rapides d'orientation diagnostic s'inscrivent d'ailleurs dans ce souci de mieux atteindre certaines populations exposées à un risque accru de contamination mais souvent difficile à atteindre par des messages de santé publique. Le diagnostic est obtenu en quelques minutes par le prélèvement d'une goutte de sang au bout du doigt. Il doit être ensuite confirmé au laboratoire.

Un médicament préventif

L'association Aides vient de dresser un premier bilan des tests effectués par ses militants au cours des neuf premiers mois de cette année, soit 12 695 tests. Les deux tiers des tests n'ont pas été faits dans les locaux d'Aides mais dans des lieux de rencontre en plein air, saunas, clubs, lieux d'affluences… De plus, 40 % des tests concernaient des homosexuels masculins et 30 % des hétérosexuels d'origine africaine et caribéenne, deux groupes parmi lesquels l'épidémie est particulièrement active. Au total, 1 % des tests se sont avérés positifs, «3 fois plus que dans les centres de dépistages anonymes et gratuits». Pour l'association, c'est le signe que «ce dépistage opère au plus près des populations touchées et atteint des publics qui ont peu recours au test du VIH. Pour preuve, 30 % des personnes testées ne l'avaient jamais été auparavant».

Enfin, l'année 2013 pourrait bien changer singulièrement la situation des personnes séronégatives exposées à un risque, si la France suit la position prise depuis juillet par l'agence américaine du médicament, à la suite d'essais convaincants. Celle-ci autorise désormais la prise quotidienne d'un médicament antirétroviral, le Truvada, pour les personnes séronégatives qui veulent réduire leur risque d'être contaminer lorsqu'elles sont très exposées au VIH. Pour le Pr Delfraissy, il sera intéressant «de regarder ce qui se passe si l'on prend le traitement de façon intermittente, à la demande, au moment de la prise de risque, en plus des moyens de prévention existants». Justement, c'est la question posée dans l'essai Anrs Ipergay qui vient de démarrer.

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La prévention est à revoir dans la communauté gay

Aujourd'hui, en France, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes représentent la population la plus touchée par l'infection par le virus du sida. La moitié des nouvelles contaminations chaque année les concerne. Toutes les données disponibles en France, mais aussi en Europe et aux États-Unis, révèlent que la prévention dans la population homosexuelle est un échec. Il existe en France un groupe de population jeune, vivant dans des grandes villes et qui prend des risques majeurs sur le plan sexuel. Dans une étude publiée dans The Lancet en juillet dernier, Chris Beyrer, un expert américain, estimait que «les tentatives pour modifier les comportements se heurtent à la réalité sociale de certaines communautés caractérisées par l'errance sexuelle ou le refus délibéré du préservatif». Les partenaires occasionnels étant un moteur important de l'épidémie chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, selon cet expert. Cette semaine, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire publie l'intégralité de l'étude Prévagay, menée en 2009 à Paris dans des lieux de convivialité gay, portant sur 886 personnes ayant accepté de répondre à un questionnaire et à se soumettre à un test de dépistage. Dans ce groupe, 18 % des tests étaient positifs, dont 20 % chez des personnes ignorant leur contamination lors du dépistage.