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Copé, la victoire au forceps
Mis à jour le 20/11/2012 à 07:18 | publié le 19/11/2012 à 23:30
Jean-François Copé en campagne, le 16 novembre.
Le secrétaire général sortant n'était pas le favori des sondages. À 48 ans, sûr de ses chances, il a su séduire les militants UMP en ne se détournant jamais de sa ligne stratégique, « la droite décomplexée ».La défaite, Jean-François Copé n'y a jamais songé. Certain de son fait, l'homme «sans langue de bois» ni «tabou» s'est même interdit de jouer le jeu et de s'imaginer un instant battu. «Je ne joue pas, expliquait-il encore la semaine dernière. Et ce n'est pas un jeu.» Jean-François Copé n'a pas joué mais il a quand même gagné. Il l'a annoncé dimanche à 23 h 30, l'a répété pendu au téléphone jusque tard dans la nuit, l'a martelé toute la journée de lundi. Et la commission interne de l'UMP lui a finalement donné raison. «Sans surprise.» Copé voulait «faire mentir les sondages», renverser les «barons» qui se sont détournés de lui, rouler dans la farine les «commentateurs du microcosme parisien». Pour cela, il s'est appuyé sur une poignée d'«amis» et sur une campagne entièrement tournée vers les adhérents de l'UMP.
Durant les 84 jours de campagne, de sa déclaration de candidature le 26 août à Châteaurenard au scrutin dimanche, le secrétaire général candidat a tenu 106 meetings. «Nous n'avons refusé quasiment aucune demande d'interview et nous en avons sollicité au moins autant», s'amuse un proche qui décompte «une quarantaine d'interviews dans des médias nationaux» et au moins autant dans la presse locale.
Cernes profonds, traits tirés, cordes vocales usées… Copé porte les stigmates de cette campagne menée tambour battant. «Dès cet été, j'ai demandé que l'on me dégage le maximum de temps pour être sur le terrain. Je suis allé dans des villes et même des fédérations qui n'avaient pas vu un représentant national de l'UMP depuis cinq ans», se félicite-t-il. Avec toujours le même cérémonial. Une entrée «au plus près des militants», de l'humour avec les élus locaux fillonistes, des compliments pour ceux qui se sont ralliés à sa candidature, un discours rodé directement inspiré de son Manifeste pour une droite décomplexée. Et, après La Marseillaise, un maximum de temps avec les militants pour recevoir une doléance, prendre des photos, signer des dédicaces.
«Il a “créé” le job»C'est l'un des nombreux paradoxes de cette campagne. Moins le candidat Copé rencontrait la faveur des électeurs de la droite selon les sondages, plus l'ambiance dans ses meetings semblait euphorique. «Peu importe sa popularité auprès des Français ou même auprès des fameux sympathisants, confiait son bras droit Jérôme Lavrilleux. Le cap qu'il s'est fixé est de répondre aux attentes des militants et à leurs inquiétudes depuis la défaite à la présidentielle.» Avec la certitude que l'ex-premier ministre se trompait d'élection en cherchant «le soutien des Français plutôt que la proximité avec les militants».
Cela n'allait pas de soi. Quand Copé a pris la direction de l'UMP fin 2010, l'homme était plus à l'aise sous les spotlights des plateaux de télévision que dans les réunions militantes. Son discours de campagne dans lequel il moque «les élites politico-médiatiques de Saint-Germain-des-Prés» et les «beaux esprits parisiens» en a fait rire plus d'un à l'UMP où l'on rappelle que le député maire de Meaux était en 2007 collaborateur du cabinet d'avocats d'affaires Gide, Loyrette et Nouel. «La vie politique est un chemin initiatique, confie un proche. Quand il a pris le groupe UMP, on disait qu'il n'était pas fait pour le job et qu'il ne tiendrait pas le quinquennat. Résultat, il a “créé” le job. Il a fait la même chose à l'UMP. Il a créé cette fonction au fur et à mesure, sans la résumer à un tremplin pour l'avenir.»
Un «job» qui passe par la définition d'une ligne politique pour l'UMP. Pour Jean-François Copé, elle se résume à une formule qu'il décline à loisir: «la droite décomplexée». Ses adversaires y ont vu la marque d'une «droitisation» de l'UMP. L'expression a le don de le hérisser: «Elle a été inventée par la gauche et l'extrême gauche contre Nicolas Sarkozy.» Sur le fond, qu'il s'agisse du refus catégorique d'un front républicain avec la gauche face au FN ou de son discours sur «le racisme anti-Blancs», il assume parfaitement ce «virage à droite». Et se défend d'avoir forcé le trait pour la campagne interne du parti. «Si je l'ai écrit dans un livre, c'est parce que je m'engage sur ces valeurs», confie-t-il. «Ce n'est pas un discours de circonstance. Ce sont mes convictions profondes. Et c'est la ligne que je défendrai devant les Français. Car nos convictions peuvent les rassembler dans leur écrasante majorité», avait assuré Copé au Cannet la semaine dernière.
Quant à la réconciliation avec ceux qui ne l'ont pas soutenu, Copé assure qu'elle sera «facile et naturelle» et qu'il n'y aura pas de goudron ni de plumes pour les perdants. «Ce n'est pas ma façon d'agir, il faut savoir oublier en politique», assure-t-il. «Et puis, de toute façon, les fournisseurs de goudron et de plumes sont en rupture de stock. Nos amis ont déjà tout raflé en prévision de leur victoire», lâche-t-il en éclatant de rire.