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Manuel Valls renforce l'arsenal antiterroriste
Mis à jour le 04/10/2012 à 09:23 | publié le 03/10/2012 à 20:20
Le ministre de l'Intérieur manuel Valls.
La loi vise à combler les lacunes constatées lors de l'affaire Merah.Consolider l'arsenal policier et combler certaines lacunes judiciaires pour mieux lutter contre le spectre islamiste. Telle est l'ambition du projet de loi «relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme» porté mercredi par Manuel Valls en Conseil des ministres. Jetant les bases d'un «dispositif fiable, amélioré et répondant aux nouvelles exigences du terrain», ce texte a été concocté depuis trois mois par un groupe de travail associant, de façon assez originale, des magistrats spécialisés, des policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT) et du contre-espionnage (DCRI) ainsi que deux conseillers de la Cour de cassation.
«La première urgence était de reconduire et sanctuariser le précieux outil, qui tombait à échéance à la fin de l'année, permettant aux services spécialisés de se brancher aux données de connexions téléphoniques et Internet, vecteur de choix pour les candidats à l'autoradicalisation, précise un conseiller de la Place Beauvau.Nous devons consolider la surveillance des cyber-djihadistes qui investissent le Web pour recruter et endoctriner. Ou ceux, de plus en plus nombreux, qui utilisent les forums pour diffuser des recettes de bombes, des photos de décapitation et toute une logorrhée fondamentaliste.» À ce titre, les délais d'expulsion des fous de Dieu déversant leur haine sur la Toile devraient enfin être limités dans le temps. Car, dans trop de cas, la procédure met encore des mois avant l'exécution de la reconduite à la frontière.
Sur le front de la lutte contre les filières djihadistes, le projet de loi prévoit la mise en place d'un dispositif inédit offrant la possibilité de poursuivre les Français partis s'entraîner dans les zones de combat, notamment en Afghanistan et au Pakistan. «Jusqu'à présent, il fallait matérialiser le début d'une infraction sur le sol français, par l'achat de billets d'avions par exemple, pour lancer une action pénale, précise un haut fonctionnaire. Mais nous n'avons strictement aucun moyen de neutraliser certains de nos compatriotes, pourtant bien identifiés, qui ont grandi à l'étranger, se rendent en zones tribales pour basculer dans la violence et qui peuvent revenir en France à tout moment.» Le projet prévoit donc de conférer une «compétence universelle» à tous les tribunaux, en particulier celui de Paris, pour juger d'entreprises terroristes commises par des Français n'importe où sur la surface du globe. «En fait, il s'agit juste d'appliquer au terrorisme ce qui est prévu depuis une dizaine d'années pour les affaires de pédophilie ou de fausses monnaies», résume-t-on Place Beauvau.
Une refonte des servicesÀ la différence du texte échafaudé par l'ex-garde des Sceaux Michel Mercier, la nouvelle loi, qui pourrait être «adoptée si possible avant la fin de l'année» conformément au souhait de François Hollande, exclut de criminaliser la consultation de sites islamistes. «Cette disposition, difficilement applicable en terme de libertés publiques, aurait pénalisé les chercheurs et, surtout, engorgé les services de police au détriment des enquêtes de fond», considère-t-on dans l'entourage du ministre.
Au-delà de ce texte, la Place Beauvau réfléchit à une refonte des services de renseignements, chahutés par l'affaire Merah. «Chacun est conscient qu'il y a eu échec, puisque Mohamed Merah a pu agir et tuer», observait Manuel Valls le 12 juillet dernier devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le premier flic de France avait alors ordonné d'«organiser des retours d'expérience, d'interroger les services sur leurs méthodes de travail» pour «évaluer ce qui a dysfonctionné et, surtout, d'en tirer les leçons opérationnelles».
Convaincu qu'un «service unique de renseignement de sécurité intérieure», en l'occurrence la DCRI, est un «socle à préserver pour éviter les doublons dangereux», le ministre de l'Intérieur a souhaité remédier aux «failles» apparues lors de la traque de Merah. Constatant «l'affaiblissement trop marqué de la couverture territoriale quand la menace est d'origine interne», Manuel Valls entend «repenser l'articulation» entre «renseignement intérieur (DCRI) et les services départementaux de l'information générale (SDIG)», c'est-à-dire les ex-Renseignements généraux aujourd'hui passés sous la coupe de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Les gendarmes, qui ont eux aussi développé un outil très performant de détection des «signaux précoces» grâce à leur maillage territorial, ont été eux aussi associés à la réflexion. Des conclusions sont attendues d'ici à une quinzaine de jours.