PRÉSIDENTIELLE DE 2014 :
Qui seront les candidats à la prochaine élection ?
Mercredi 11 Juillet 2012
Par Aïssa Hireche
La formation du prochain gouvernement est certes une question importante, mais plus importante encore est celle de savoir qui aurons-nous comme candidats pour la prochaine présidentielle.
Le retard dans la formation du gouvernement a beau être expliqué par des raisons conjoncturelles telles que la préparation de la célébration du Cinquantenaire de l'Indépendance, celle des examens ou tout autre prétexte dans le genre, chacun sait au fond que ce ne sont pas les vraies explications qui sont données au citoyen.
On peut bien gérer des festivités et les examens avec un nouveau gouvernement pour la simple raison que ce ne sont pas les ministres qui s'occupent de ces choses. Il faudrait un jour cesser de prêter aux ministres des tâches qui ne sont pas leurs et aussi cesser de les prendre pour ce qu'ils ne sont pas. Un ministre, lorsqu'il fait quelque chose bien sûr, ça s'occupe de politique ou, si l'on veut, de l'aspect politique des choses. Les affaires de gestion sont, quant à elles, menées par d'autres personnes et supervisées par un secrétaire général du ministère.
Même, à la limite, les dossiers politiques peuvent être pris en charge par le chef de cabinet du ministère. De ce point de vue, les raisons immédiates et conjoncturelles ne peuvent suffire pour expliquer le retard dans la formation du nouveau gouvernement. Il faudrait donc chercher ailleurs les éventuelles explications.
Certaines sources font circuler l'information comme quoi il y aurait des tractations dans les coulisses pour la formation du nouveau gouvernement et elles prêtent même à tel parti des prétentions, à tel autre des exigences, à telle personnalité des conditions et à telle autre des clauses, etc.
Pour notre part, il nous semble que ce ne sont là que de faux arguments destinés à «meubler» la scène politique nationale pour servir de justifications à un retard qui n'est pas normal mais que nous savions dès le départ inéluctable (voir le Quotidien d'Oran du 26 mai 2012).
La formation du prochain gouvernement est certes, une question importante mais plus importante encore est celle de savoir qui aurons-nous comme candidats pour la prochaine présidentielle.
FLN-RND, les frères ennemisS'il est désormais clair que Bouteflika ne sera pas candidat à sa propre succession, il n'en demeure pas moins que d'autres de son entourage, immédiat ou non, nourrissent bien cette ambition qui, au demeurant, n'est pas illégitime. Parmi ceux-ci, les plus en vue sont bien sûr les secrétaires généraux des deux grands partis du pays, Abdelaziz Belkhadem pour le FLN et Ahmed Ouyahia pour le RND. D'autres personnalités en dehors du cercle immédiat du Président aspireraient bien à une candidature pour un destin national et nous aurons le temps de revenir là-dessus plus loin.
Ce qu'il y a lieu de remarquer, c'est que les deux hommes les mieux placés pour être candidats (on reste encore au niveau de la candidature) ont connu des actions déstabilisatrices presqu'instantanément.
Aussi bien le FLN de Belkhadem que le RND d'Ouyahia ont été subitement secoués par des appels à retrait de confiance, des regroupements de militants autoproclamés «redresseurs» qui se présentent à la presse et au peuple comme étant «clean» et, surtout, comme étant les sauveurs de leurs partis respectifs. En réalité, ces partis «frères-ennemis», qui n'ont jamais cessé de se tirer dans les pattes (et surtout dans le dos) même au plus fort de leur alliance, ont ceci de particulier qu'ils sont pratiquement inattaquables de l'extérieur et leur implosion ou, du moins, leurs problèmes ne peuvent réellement venir que de l'intérieur. Ceci signifie que même si elles sont l'oeuvre de militants (de l'intérieur), ces actions de déstabilisation ont beaucoup de chance d'avoir été commandées, tout comme elles ressemblent à s'y méprendre à des tirs croisés, du genre, tu cherches ma peau, je vais te faire la tienne.
Dit plus clairement, cela signifie que certains avaient intérêt à empêcher Belkhadem d'être le futur candidat du FLN et d'autres ne voulaient pas de Ouyahia et, comme il y a toujours des mécontents dans tous les partis du monde, il a juste été nécessaire de savoir les provoquer pour assister à ce qu'il nous a été donné de suivre au lendemain des législatives. Pour nous, les mouvements de redressement qui eurent lieu dans les deux partis ont probablement été provoqués par des parties externes à chacun avec, bien entendu, pour toile de fond, la présidentielle de 2014.
Si les deux actions s'étaient terminées en queue de poisson, c'est-à-dire sans lendemain, cest parce que, à notre avis, il ne s'agissait là que d'un premier test, histoire d'évaluer la résistance et surtout la réactivité de l'autre. Mais si cela se confirme, cela signifie que nous allons avoir, dans un avenir pas très lointain, d'autres problèmes qui viendront fortement secouer un seul des deux partis. Mais, même si certains signes désignent déjà le parti en question, il serait difficile, voire un peu trop déplacé, de se prononcer dès maintenant.
En attendant, les deux secrétaires généraux ont su désamorcer, chacun à sa manière, le piège qui leur était tendu et il va de soi qu'ils ont dû prendre des décisions pour se prémunir, à l'avenir, contre la répétition de pareilles actions. Il ne fait donc aucun doute que, dans le proche avenir, nous allons assister à des mesures, pas nécessairement de distorsion, qui viseront à sécuriser un peu mieux «la maison» aussi bien au FLN qu'au RND. Ces mesures seront révélatrices de l'orientation générale de chaque parti quant à leur prétention pour 2014.
S'ils arrivent à surmonter les épreuves de leurs partis, nous aurons d'un côté Belkhadem avec un parcours long mais assez contesté. Ses 69 ans le jour de la prochaine présidentielle ne sont pas un handicap mais, il sera toujours énigmatique aux yeux des Algériens à cause surtout de ses tenues vestimentaires.
Par ailleurs, il a appartenu au système que les Algériens veulent changer à tout jamais. D'un autre côté, il y aura Ouyahia, âgé de 62 ans, avec des compétences reconnues et un parcours plus constant, cependant, il traînera deux tares essentielles: il a appartenu au système qu'il sera censé changer, ce qu'il ne nie pas, et son nom est lié aux sales missions. Cela aussi, il ne le nie pas, il l'a même dit lui-même.
Des hiéroglyphes dans les rêvesAussi bizarre que cela puisse paraître, il en est, parmi nos «hommes politiques», qui rêvent mais pas comme ils devraient rêver car, et jusqu'à preuve du contraire, chacun rêve dans sa langue. Or, ces messieurs rêvent en égyptien. Djaballah voit, en effet, dans la révolution égyptienne un exemple digne d'être suivi. Il a déclaré que «la révolution égyptienne nous a donné une belle leçon de la conquête de la liberté et un symbole puissant, un modèle sur le respect de la volonté du peuple qui ne sera pas oublié de sitôt malgré la persistance de toutes sortes de pressions» (voir L'Expression du 8/7/2012). En dehors du fait que cette déclaration, parce qu'elle ne voit pas tous les aspects de ce qui se passe en Egypte, dévoile une myopie politique à toute épreuve, il est à noter qu'elle trahit incontestablement certains fantasmes de Djaballah qui doit, sans doute, se trouver des points communs avec Morsi, le nouveau raïs égyptien.
S'il est facile de concéder à Djaballah que le bilan de cinquante années d'indépendance n'est pas bon, et s'il est tout aussi facile de partager son opinion quant à la mauvaise gestion du pays, il est cependant impossible d'être d'accord avec ses rêves du bord du Nil. Trois raisons essentielles expliquent cela. Tout d'abord, l'Algérie est différente de l'Egypte. Nous n'avons, en effet, ni les mêmes conditions sociales ni les mêmes conditions économiques ni même celles politiques. Ensuite, notre pays a connu sa «révolution de jeunesse» en Octobre 2008 et nous n'avons donc pas de modèle à prendre des Egyptiens.
En troisième lieu, la manière dont le changement égyptien a eu lieu n'intéresse certainement pas les Algériens qui aspirent à autre chose. Il va sans dire que, pour un «homme politique», Djaballah commet une bien grande erreur en faisant ces déclarations.
Bien sûr, Djaballah nourrit l'espoir d'être un jour président. Bien sûr qu'il est libre de faire acte de candidature comme il l'a déjà fait en 1999 et en 2004.
Et nous ne trouvons rien d'illégitime à cela. Toutefois, il lui sera nécessaire d'abord d'interpréter ses rêves en Algérien et, mieux encore, les faire carrément en Algérien, ensuite, il lui sera nécessaire, plus que les candidats de l'Alliance verte, de convaincre l'électorat acquis aux partis islamistes. Peut-être ses 58 ans seront-ils un petit atout? Mais Djaballah n'est pas le seul à voir des hiéroglyphes dans les rêves. Nul n'ignore avec quelle joie certains responsables de partis islamistes de chez nous ont accueilli le résultat des dernières élections égyptiennes. Et il y a tout lieu de croire que l'expérience égyptienne risque de donner des motivations supplémentaires à ces partis pour s'organiser en vue des échéances de 2014 et qu'elle leur servira d'exemple pour présenter un seul candidat commun pour ne pas émietter l'électorat.
Une question se pose dès à présent: qui sera le candidat du consensus? Bouguerra Soltani est bien connu pour son intention et son appétit politique, mais arrivera-t-il à convaincre ses partenaires de l'Alliance verte? L'enjeu est si important, en fait, qu'il y a obligation pour les trois partis impliqués dans cette alliance de s'entendre, faute de quoi le risque d'explosion de cette alliance peut s'avérer grand. D'ici là, attendons de voir plus clair. Au vu des résultats des dernières législatives, tout porte à croire que l'électorat islamiste en Algérie n'est pas si fort que certains voudraient bien nous le faire croire. Comme quoi un travail de mobilisation risque de voir le jour d'ici là, si ce n'est déjà pas fait.
Hamrouche? Il y a des chances qu'il soit candidat!En plus de Belkhadem, de Ouyahia, de Djaballah et du candidat de l'Alliance verte, il peut y avoir la candidature de Mouloud Hamrouche. L'ex-chef de gouvernement a opté certes pour un repli tactique parce que selon lui le jeu était fermé tant que Bouteflika était au pouvoir, mais la succession de ce dernier étant ouverte, en principe, rien ne devrait l'empêcher de se porter candidat. Hamrouche a laissé une bonne impression générale lors de son passage à la chefferie du gouvernement, mais depuis son retrait beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. En fait, cela fait un peu trop longtemps qu'il est éloigné des sphères de décision. Et, en plus, s'il n'avait que 46 ans lorsqu'il fut nommé chef de gouvernement, en 2014, par contre, il aura 71 ans. Sera-t-il toujours attiré par une présidentielle?
De toute façon, pour les observateurs, Hamrouche présente une candidature sérieuse dont il faudrait tenir compte. Fort de son expérience, de son parcours et de ses relais, les chances pour qu'il présente sa candidature sont assez grandes.
Hocine Aït Ahmed peut-être trop tardDernière figure historique d'une période qu'il faudrait qu'on nous explique sérieusement un jour, Hocine Aït Ahmed sera âgé lors de la prochaine élection présidentielle de 88 ans. C'est dire que l'homme risque simplement de ne pas se porter candidat, d'autant plus qu'il s'est toujours maintenu un peu loin de la scène politique nationale. L'entrée, cette année, du FFS à l'hémicycle est certainement un indicateur à analyser pour mieux saisir les intentions de ce parti. A suivre donc, bien que l'âge semble avoir définitivement écarté Da L'Ho de la course!
N'empêche... un homme n'est jamais grand par les courses qu'il fait mais par celles qu'il gagne et, de ce côté-ci, Aït Ahmed n'a certainement pas beaucoup de choses à se reprocher. Il est déjà un historique et il appartient à tous les Algériens.
Louisa Hanoune, les urnes ont parléEn tant qu'habituée des élections présidentielles, Louisa Hanoune ne manquera certainement pas de se présenter en 2014. A moins qu'il y ait une autre pour le faire à sa place, Hanoune a toujours bien cautionné, à sa manière, un système qu'elle jure pourtant de combattre. Peu importe! Pour 2014, les choses semblent plus difficiles pour celle qui semble avoir bénéficié d'une période de grâce lors des trois mandats de Bouteflika. La preuve la plus frappante, et cela ressemble à un signe lancé par une certaine démocratie, est le résultat du PT lors des dernières législatives qu'elle a qualifiées de «hold-up» et de «mascarade». Il y a lieu aussi de relire ses déclarations au lendemain de l'annonce des résultats par Ould Kablia pour se rendre compte qu'elle a compris, en effet, que quelque chose a bien changé désormais pour elle et pour son parti. Pour les autres, car il y aura certainement d'autres, il n'est pas facile de le savoir dès maintenant... donc wait and see!