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Cour des comptes : presque 40 milliards d'économie d'ici 2013
Mis à jour le 02/07/2012 à 17:26 | publié le 02/07/2012 à 10:30
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, et Jean-Marc Ayrault, le premier ministre, lundi matin à Matignon.
La juridiction financière chiffre ainsi l'effort pour ramener le déficit public à 3% l'an prochain avec une prévision de croissance abaissée à 1%. Une hausse «temporaire» de CSG ou de TVA paraît «difficilement évitable».Attendu de longue date, l'audit de la Cour des comptes a été remis ce lundi au premier ministre. Il n'a finalement rien d'une charge contre le gouvernement précédent. En revanche, il donne la mesure de la tâche qui attend l'équipe actuelle. Tâche qui s'annonce titanesque. Pour tenir ses objectifs de déficits publics, la France va devoir faire 6 à 10 milliards d'efforts en 2012 et pas loin de 40 milliards en 2013.
Pour 2012, les magistrats de la rue Cambon n'ont pas constaté de dérapage des dépenses. Certes, ces dernières pourraient dépasser de 1,2 à 2 milliards les prévisions. Certaines charges, comme les bourses étudiantes, la prime de Noël ont été sous-budgétisées par le gouvernement Fillon. «Mais de telles sous-budgétisations se produisent chaque année», explique-t-on à la Cour des comptes. Voilà qui contredit la thèse de «l'ardoise cachée» développée par Bercy ces derniers jours. Pour tenir les comptes, les magistrats recommandent de mettre en réserve 1 milliard. Message entendu: Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, a décidé de geler 1 milliard de dépenses cette année.
En revanche, le précédent gouvernement a péché par excès d'optimisme en matière de recettes pour 2012, en partie parce qu'il tablait sur une croissance économique meilleure que prévue. La Cour des comptes estime que 6 à 10 milliards de recettes manqueront à l'appel, en faisant l'hypothèse d'une croissance réduite à 0,4% - le budget actuel a été bâti sur une prévision de 0,5% et le ministre de l'Économie vient d'expliquer au
Figaro qu'il retenait bien ce 0,4%. L'impôt sur les sociétés et les droits de mutation (un impôt lié aux transactions immobilières) sont particulièrement fragiles. Sur ce point aussi, le gouvernement a décidé d'agir. Le projet de budget rectificatif 2012, présenté mercredi en conseil des ministres, prévoit plus de 7 milliards de hausses d'impôt. Hausse de l'ISF, des droits de succession, taxation de 3% des dividendes sont notamment au menu.
Une hausse temporaire de TVA ou de CSGMais c'est en 2013 que la marche sera la plus difficile. En faisant l'hypothèse que la croissance ne sera que de 1% l'année prochaine, et non de 1,75% comme prévu jusqu'à présent, la Cour estime que pour atteindre 3% de déficit, la France va devoir trouver 33 milliards. Les magistrats recommandent de partager à 50-50 l'effort entre recettes et dépenses. «Les exemples étrangers le montrent, pour un redressement durable des comptes, il faut d'abord agir sur les dépenses», souligne-t-on à la Cour. Une véritable inflexion par rapport au budget rectificatif 2012, qui prévoit sept ou huit fois plus de hausses d'impôts que de baisses de dépenses…
Trouver 16,5 milliards de recettes ne sera pas le plus difficile. La France l'a déjà fait. Une hausse temporaire d'impôt - TVA ou CSG - apparaît «difficilement évitable», selon les termes des Sages de la rue Cambon. Le plan Fillon de septembre dernier par exemple s'élevait à 11 milliards. En revanche, côté dépenses, le défi est réel. Économiser 16,5 milliards par rapport à la tendance revient à stabiliser en volume les dépenses publiques ou, dit autrement, à interdire qu'elles ne progressent plus vite que l'inflation. Or le programme présidentiel de François Hollande ne prévoyait pas du tout cela! Il tablait sur une hausse de 1,1% en volume des dépenses publiques. D'ailleurs, la France n'a jamais réussi à limiter à zéro la croissance de ses dépenses.
Mettre bon ordre dans les effectifs des collectivités locales qui ont dérapéLa potion recommandée par la Cour pour trouver ces 16,5 milliards est sévère. Il faut revoir tous les postes de charges. Y compris les dépenses sociales, ou même certains investissements publics, comme dans les transports. La Cour pointe aussi dans son rapport le dérapage des effectifs des collectivités locales ces dernières années et recommande d'y mettre bon ordre. Sa conclusion est également sans appel pour les fonctionnaires de l'État. «Une stabilisation de la masse salariale, sans baisse des effectifs, impliquerait le gel de la plupart des éléments entrant dans la politique salariale et le déroulement de carrière», lit-on dans le rapport. Bref, le maintien des effectifs, option choisie par François Hollande, a une contrepartie pour les fonctionnaires: des rémunérations en berne.
Enfin, le gouvernement va devoir aussi faire face aux conséquences de procès perdus au niveau européen (affaires de la fiscalité des OPCVM et du précompte d'impôt sur les sociétés). Des contentieux qui vont obliger l'État à décaisser 5 milliards en 2013. Au total, il faudra donc trouver 38 milliards en 2013… «La France a déjà fourni un effort de cette ampleur dans les années 1990 pour se qualifier à l'euro», se rassure-t-on à la Cour. Pas sûr que cela suffira à mettre du baume au cœur des Français.