Le Monde.fr | 19.05.2014 à 12h35 • Mis à jour le 19.05.2014 à 13h24
Jean-François Copé, le 5 mars.
Dans l'affaire Bygmalion, Jean-François Copé a changé de ligne de défense. Invité dimanche 18 mai de BFMTV, le patron de l'UMP, qui se débat depuis des mois dans ce dossier où il est soupçonné de favoritisme, semble avoir changé de stratégie. Quitte à frôler l'incohérence.
Rappelons les faits : l'UMP, déjà très endettée, n'a pu bénéficier du remboursement des frais de campagne de Nicolas Sarkozy, ceux-ci n'ayant pas été validés par la commission des comptes de campagne.
Or Le Point puis Libération ont montré, preuve à l'appui, que le parti avait réglé des sommes très importantes – près de 20 millions d'euros – à la société de communication Bygmalion, dirigée par des proches du clan Copé. Surtout, certaines des prestations semblent tout simplement ne pas avoir existé.
Lire : Affaire Copé, ce qu'on sait, ce qu'on savait, ce qu'on ignore
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1. Un « coup monté de manière ignoble »
A la fin de février, M. Copé a réagi aux révélations du Point. Après enquête, l'hebdomadaire a accusé Bygmalion, société dirigée par des proches de M. Copé, dont Bastien Millot, d'avoir surfacturé des prestations pour l'UMP lors de la présidentielle.
Face à ces révélations, le député-maire de Meaux est affirmatif, voire martial :
« [Il s'agit d']un coup monté de manière ignoble. Il n'y a qu'une manière de répondre, c'est par la voix des tribunaux. Il y a derrière ça un homme, Franz-Olivier Giesbert, qui depuis des mois et des mois nous attaque, Nicolas Sarkozy comme moi-même, pour nous détruire ».
En somme, aucune des révélations du Point n'est exacte et tout relève du coup monté, non seulement contre M. Copé, mais aussi et surtout contre Nicolas Sarkozy lui-même. Le député UMP Georges Fenech parle d'ailleurs de « tentative de déstabilisation de Jean-François Copé […] orchestrée par le magazine Le Point, à partir de supputations sans le moindre fondement ».
Bygmalion: Jean-François Copé ne se "dérobera pas" - 18/05
Jean-François Copé, président de l'UMP, mis en cause par plusieurs médias sur un supposé favoritisme au détriment de son parti, a promis dimanche sur BFMTV de "dire exactement ce qu'il en est" après les élections européennes.
Résultat, la première stratégie de défense vise donc à montrer que M. Copé est décidé à résister. Mais quelques détails posent question. Ainsi, si M. Copé porte bien plainte, comme annoncé, contre l'hebdomadaire, il le fait auprès du doyen des juges d'instruction, selon une procédure peu habituelle et très longue, mais dont le dossier restera clos, comme le relève Le Point.
2. La transparence ? « D'accord, mais pour tout le monde »
Acte deux, le 3 mars, M. Copé convoque une conférence de presse, au cours de laquelle il parle de « lynchage », « chasse à l'homme », « campagne de presse haineuse », fustige les médias. Et se fait martial : il annonce qu'il va placer les documents comptables de l'UMP dans une pièce scellée, qui ne sera ouverte que si une grande loi sur la transparence, non seulement des élus, mais aussi des « principaux dirigeants et salariés des médias », est votée.
« Les victimes de ce triste spectacle sont avant tout les Français qui regardent, atterrés, ce nouveau cirque médiatique (...) Nous devons impérativement restaurer la confiance perdue. Au nom des Français, nous devons agir pour que l'ère du “tous-pourris” soit définitivement révolue.»
Deux mois plus tard, l'UMP n'a toujours pas déposé cette proposition de loi, qu'elle annonce désormais « pas avant le mois de juin, [car] tout le monde est trop occupé avec les élections européennes ».
Lire : Que devient la transparence promise par Copé ?
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3. « J'ai évidemment des interrogations »
Entretemps, les révélations se sont poursuivies. Libération a enfoncé le clou, en publiant, le 14 mai, de nouvelles preuves des 20 millions d'euros de facturation. Surtout, selon le quotidien, certaines des prestations réglées par l'UMP à Bygmalion pourraient tout simplement ne pas avoir existé.
M. Copé est une fois de plus mis en difficulté dans une UMP qu'il a ravie à François Fillon au terme d'élections internes catastrophiques. Mais cette fois, le ton est différent. Plus de « chasse à l'homme » ni de « coup monté » du Point :
« S'il est normal, dans un grand pays démocratique, de poser toutes les questions, d'abord, on peut le faire de manière moins agressive et moins violente que celle de ces articles et, deuxièmement, la réponse que je fais, c'est “la transparence, c'est tout à fait normal mais au calme”. »
Quant à la fameuse proposition de loi supposée conditionner la publication des comptes de son parti, M. Copé semble l'avoir oubliée :
« Je demande une semaine pour pouvoir faire la campagne pour l'Europe [...]. Dans les jours qui suivent [...], nous dirons exactement ce qu'il en est. [...] Vous aurez tous les éléments, je les donnerai. »
Car, et c'est, là encore, nouveau, M. Copé a admis avoir lui-même des « interrogations » sur certains points. Une manière assez limpide de renvoyer la balle dans un autre camp, celui de M. Sarkozy et de sa campagne.
« En tant que président de l'UMP, je ne suis pas directement en charge de tout cela. Non seulement je ne signe pas tous les chèques, mais je ne suis pas dans la procédure elle-même. De même, je ne l'étais pas du tout dans la campagne présidentielle. Moi, en tant que président de l'UMP, j'anime un grand parti politique. »
Le patron de l'UMP, qui estimait en mars qu'à travers lui c'était Nicolas Sarkozy qui était visé, semble désormais chercher à distinguer son rôle de chef de parti de l'animation de la campagne de M. Sarkozy, qui avait été émaillée d'irrégularités financières.