LE MONDE | 28.04.2014 à 10h51 • Mis à jour le 28.04.2014 à 11h17 | Par Patrick Roger
Manuel Valls à l'Assemblée nationale, le 16 avril.
« Il faut savoir arrêter une fronde », a prévenu le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, dimanche 27 avril. A la veille du vote du programme de stabilité, mardi à l'Assemblée nationale, l'avertissement est solennel. Comme le sera la position arrêtée lundi soir par le bureau national du PS. Ceux qui, au sein du groupe majoritaire, franchiront le pas d'un vote de défiance se voient préventivement soupçonnés de nourrir « une démarche de sécession ».
Rarement, le ton aura été aussi dramatisé entre l'exécutif et sa majorité. Le 8 avril, onze députés socialistes s'étaient abstenus lors du vote de confiance au gouvernement de Manuel Valls. Même si le scrutin de mardi n'est que « consultatif », c'est bien un nouveau vote de confiance que réclame le premier ministre après avoir présenté le plan d'économies de 50 milliards d'euros qui accompagne le pacte de responsabilité de 30 milliards d'euros en faveur des entreprises et la trajectoire des finances publiques sur 2014-2017 qui en découle.
Toute la fin de semaine précédente a été consacrée à d'ultimes calages avant que M. Valls reçoive à Matignon, lundi à 9 h 30, une délégation du groupe socialiste de l'Assemblée nationale conduite par son président, Bruno Le Roux. A la suite de cette rencontre, le premier ministre devait faire une déclaration précisant les propositions mises sur la table.
Lire notre analyse : Manuel Valls aux prises avec sa majorité
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LE GEL NE CONCERNERA PAS LES PETITES RETRAITES
Le premier point en discussion porte sur les petites retraites. Le plan d'économies prévoyait le gel, pendant un an, des pensions du régime de retraite de base, un effort similaire étant demandé aux retraites complémentaires. Seul le minimum vieillesse (791,99 euros pour une personne seule) était épargné par le gel. Selon nos informations, le gouvernement devrait annoncer que le gel ne concernera pas les petites retraites jusqu'à environ 1 000 euros.
Les modalités ne sont pas encore arrêtées : gel différencié, crédit d'impôt, chèque de remise. A priori, l'élément fiscal, du type crédit d'impôt, tenait la corde mais « c'est compliqué », concède le ministre des finances, Michel Sapin, faisant référence à des mesures antérieures retoquées par le Conseil constitutionnel au titre de l'égalité devant l'impôt. La revalorisation annuelle au niveau de l'inflation des pensions de retraite jusqu'à 1 000 euros représenterait un coût de l'ordre de 200 millions d'euros.
Lire le décryptage : Plan d'économies de 50 milliards : si vous avez raté un épisode
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Le deuxième point de blocage concerne le gel, jusqu'en 2017, du point d'indice de la fonction publique, qui sert à calculer les salaires des fonctionnaires, ce qui revient à bloquer leurs salaires (hors carrière et avancement) pendant sept années consécutives. Les marges de manoeuvre pour le gouvernement sont étroites. Le gel du point d'indice représente une économie d'environ 800 millions d'euros par an.
Le gouvernement veut convaincre que la revalorisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C (et de certains agents de catégorie B) qui a pris effet à compter du 1er février représente déjà un effort substantiel. Pour les agents rémunérés autour du smic, la revalorisation moyenne est de 46 euros bruts par mois. Le plan de revalorisation prévoyait cependant une nouvelle étape au 1er janvier 2015. Quid de celle-ci ? Les députés socialistes plaident pour qu'elle soit maintenue. Le gouvernement se contente de promettre une vague « clause de revoyure ».
Lire nos explications : Quelles sont les conséquences du gel du point d'indice des fonctionnaires ?
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ÉVITER LES EFFETS DE SEUIL
Le troisième point en discussion porte sur l'impôt sur le revenu des petits contribuables. « Nous voulons avoir l'assurance qu'ils ne rentreront pas dans l'impôt s'ils n'ont pas de revenu supplémentaire d'une année sur l'autre », défend M. Le Roux. Le gouvernement devrait s'appuyer sur les propositions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages concernant le bas du barème pour éviter les effets de seuil. Tel quel, cependant, l'allégement proposé par le groupe de travail représenterait un coût de 2,1 milliards d'euros. « Il faut continuer à élaborer », élude M. Sapin, pour qui ce coût représente un palier inatteignable.
Enfin, le plan d'économies de M. Valls prévoit de décaler d'un an les engagements de revalorisation du RSA, du complément familial et de l'allocation de soutien familial décidés dans le cadre du plan pauvreté de janvier 2013. « Je continue à dire que, s'il y a eu un plan pauvreté adopté en 2013, c'est pour qu'il soit valable pendant la crise », plaide M. Le Roux, qui demande que ces engagements soient respectés. Le gouvernement devrait faire un geste dans cette direction.
Après la montée en puissance des contestations chez les députés socialistes, qui avait connu son point d'orgue mercredi 23 lors d'une réunion du groupe où nombre d'entre eux avaient vidé leur sac, ces aménagements sont-ils de nature à calmer la fronde ? M. Le Roux se dit confiant. « La plus grande partie des abstentionnistes devrait revenir mardi à un vote pour, assure-t-il. Beaucoup se disaient que ce serait plus facile pour eux de passer le week-end en mettant la pression et de pouvoir en sortir à la fin. Restent ceux qui, de toute façon, pensent que la politique menée n'est pas la bonne. » Il espère contenir le déficit à une trentaine de voix.
Une défection plus importante des voix socialistes fragiliserait M. Valls dans la mise en oeuvre de ses orientations. Le premier ministre se dit convaincu de l'« esprit de responsabilité » de la majorité : « J'écoute et j'agis. » Mais il n'entend pas, pour autant, dévier de la ligne qu'il s'est fixée.