LE MONDE | 18.03.2014 à 11h06 • Mis à jour le 18.03.2014 à 11h34
Vladimir Poutine a tout lieu d'être satisfait. Les Européens ont réagi a minima au forfait que le président russe vient de commettre en Crimée. Moscou a découpé une partie de l'Ukraine, pays indépendant, et les Européens font profil bas. Cette situation est dangereuse.
Venant après une première série de sanctions – sur le gel des visas et des investissements –, celles qui ont été décidées, lundi 17 mars à Bruxelles, par les vingt-huit membres de l'Union européenne restent cosmétiques. Elles se résument à quelques mesures de représailles individuelles à l'encontre de vingt et une personnes : députés et chefs militaires russes, dirigeants de Crimée mis en place par le Kremlin – des seconds couteaux. Les Etats-Unis sont allés plus loin, en s'en prenant à des personnalités de l'entourage direct de M. Poutine.
Lire : Sanctions contre la Russie : les Européens frappent moins fort que les Américains
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Comme souvent en politique étrangère, la décision, à Bruxelles, relève du plus petit dénominateur commun de pays aux tropismes différents. L'Europe du Sud tirait dans un sens (rien contre la Russie), celle du Nord dans un autre (fermeté face à M. Poutine), et, au milieu, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France étaient incapables d'un choix clair.
MODIFICATION DES FRONTIÈRES ET SURENCHÈRE ULTRANATIONALISTE
Pêle-mêle, entrent ici en considération des paramètres qu'il serait trop simpliste de négliger. Une bonne partie de l'Europe dépend du gaz russe. La Russie, qui, hormis des hydrocarbures, des armes et de la vodka, ne produit presque rien, est aussi un formidable débouché pour les exportateurs européens.
Résultat : pour la deuxième fois après la Géorgie en 2008, la Russie a modifié les frontières du continent par la force sans en payer grand prix. Cela impose aux Européens, au minimum, de se tenir aujourd'hui fermement aux côtés de Kiev.
De par son histoire et sa population, la Crimée a une singularité russe affirmée. Mais un coup de force reste un coup force, fût-il consacré a posteriori par un référendum. Ramenés à leur simplicité brutale, les faits disent toute la vérité : déniant à Kiev la liberté de ses alliances commerciales, Moscou a puni l'Ukraine en s'emparant par la force d'une partie du territoire de ce pays.
C'est une violation du traité conclu en 1994 par Moscou sur l'intangibilité des frontières de l'Ukraine. C'est contraire à toutes les règles internationales. Enfin, l'affaire a été menée dans une ambiance de surenchère ultranationaliste entretenue à Moscou par les médias russes au service du pouvoir. Comme s'il fallait préparer l'opinion à d'autres aventures militaires – en Ukraine, dans les régions russophones de l'est du pays, par exemple.
L'UE affirme avoir voulu préserver les chances d'un dialogue avec Moscou sur l'avenir de l'Ukraine. Elle prend le risque que le Kremlin interprète la mollesse de sa réaction comme un signe de faiblesse. L'Europe aura alors incité M. Poutine à poursuivre le démembrement de son voisin ukrainien.