LE MONDE | 15.02.2014 à 10h25 • Mis à jour le 15.02.2014 à 11h14 | Par Emeline Cazi et Anne Michel
Claude Guéant, le 10 février 2012.
Pierre-René Lemas, le secrétaire général de l'Elysée de François Hollande, est formel dans cette lettre de trois pages qu'il adresse, le 22 mai 2013, au juge Roger Le Loire : « Le fonds d'archives papier de M. Claude Guéant n'a pas été reversé aux Archives nationales, et il n'en a pas été trouvé trace dans les locaux de la présidence de la République. » En d'autres termes, les écrits et notes de travail de celui qui fut, pendant près de quatre ans, le plus proche collaborateur de Nicolas Sarkozy à l'Elysée sont, à ce jour, introuvables.
La disparition de ces documents est pour le moins fâcheuse. Ces archives auraient pu être une mine d'information pour tout citoyen qui aurait voulu relire les épisodes de la Ve République sous M. Sarkozy.
Elles auraient surtout pu renseigner le magistrat du pôle financier, qui enquête sur le rôle joué par François Pérol dans le cadre de la fusion des Caisses d'épargne et des Banques populaires. L'ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée, chargé des affaires économiques auprès de M. Sarkozy, est suspecté d'avoir participé aux négociations qui ont abouti à la création de la banque, avant d'être propulsé à la tête du groupe aussitôt celui-ci créé, en février 2009.
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Au juge qui l'a mis en examen, le 6 février, pour « prise illégale d'intérêts », M. Pérol a juré n'avoir été qu'un simple « conseiller » du chef de l'Etat et n'avoir joué aucun « rôle exécutif » dans cette affaire.
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http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/07/mis-en-examen-pour-prise-illegale-d-interet-m-perol-entend-rester-a-la-tete-de-bpce_4362036_3234.html
Le versement des notes et écrits des collaborateurs de la présidence de la République au fonds des Archives nationales est pourtant l'usage à chaque changement de présidence. Le 3 avril 2012, peu avant la présidentielle, Christian Frémont, le directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy, a d'ailleurs rappelé à tous les « membres du cabinet et chefs de service », que « tous les messages professionnels importants doivent être imprimés et versés dans des dossiers papier ou enregistrés dans un répertoire nommé “Archives nationales” ». Cette note concerne les données numériques. Peut-il en être autrement pour les documents papier ?
« Comme vous le savez, j'ai quitté l'Elysée à la fin de février 2011. Je ne me suis donc pas trouvé en situation de gérer le suivi des archives de la présidence après l'élection présidentielle, a répondu succinctement Claude Guéant au Monde. Mais je crois me souvenir qu'il y a de toute façon un archiviste à l'Elysée. »
RENDEZ-VOUS FRÉQUENTS
A défaut d'avoir parcouru les écrits du supérieur de François Pérol, les enquêteurs ont fait « parler » la loge d'honneur de l'Elysée. Chaque fois qu'un visiteur se présente rue du Faubourg-Saint-Honoré, le jour, l'heure et la raison de sa venue sont enregistrés. Or, le juge a relevé que, entre l'été 2007 et le début de l'hiver 2009, les dirigeants des Caisses d'épargne et des Banques populaires, et leurs conseils, ont été fréquemment reçus par François Pérol et Claude Guéant.
Charles Milhaud, ex-patron des Caisses d'épargne, s'est entretenu à cinq reprises avec le conseiller économique de Nicolas Sarkozy entre le 30 juillet 2007 et le 9 février 2009 et quatre autres fois avec Claude Guéant. François Sureau, son avocat et ami de l'époque, a décroché un rendez-vous avec M. Guéant et au moins quatre avec M. Pérol. On compte 13 entrevues entre M. Pérol et le président des Banques populaires, Philippe Dupont, entre le 19 juin 2007 et le 19 février 2009.
Etait-ce, comme l'assure le collaborateur de M. Sarkozy, à simple titre d'information, ou parce que ce dernier œuvrait activement à la fusion des deux réseaux bancaires ?
Des e-mails et des courriers anonymes arrivés opportunément sur son bureau ont aussi permis au juge d'y voir plus clair. Dans un pli adressé à son nom et posté le 6 mai 2013, un petit mot tapuscrit l'informe que « dans l'affaire de prise illégale d'intérêts de François Pérol, Bernard Comolet, Philippe Dupont, Bruno Mettling, Alain Lemaire et Dominique Ferrero (…) peuvent relater les événements précisément ». Le juge Le Loire n'a pas manqué d'interroger tous ces anciens dirigeants des Caisses d'épargne et des Banques populaires.