Le Monde.fr | 31.01.2014 à 11h32 • Mis à jour le 31.01.2014 à 12h03 | Par Eric Nunès
Au conseil régional d'Île de France, le 20 décembre 2012.
Les séances plénières et réunions de travail du conseil régional d'Ile-de-France sont-elles si pesantes qu'elles poussent les élus régionaux à faire « l'assemblée buissonnière » ? Oui, à en croire les 6 181 absences relevées en moins de quatre ans par les services administratifs de la collectivité. Plus grave, le virus de la chaise vide semble contagieux : en 2010 – soit dès la première année du mandat – l'absentéisme concerne 21,59 % des élus franciliens, puis 28 % en 2011 et 2012 pour atteindre le taux le record de la mandature, lors du premier semestre 2013, avec 35 % de manquants à l'appel.
DEUX SOCIALISTES EN TÊTE, PUIS L'UMP DOUILLET
Les élus régionaux préfèrent positiver : sur cette dernière période, si l'on soustrait les absences justifiées, le taux affiché est contenu à 16 %. Toutefois, rien de plus simple que de se faire excuser : les élus cumulards le sont d'office si deux instances réclament leur présence le même jour. Pour les autres, une simple déclaration de « nécessité professionnelle » ou « personnelle justifiée » envoyée par mail aux services administratifs suffit pour passer à travers les filets du contrôle. Il n'est pas nécessaire de produire un justificatif. « La réglementation est basée sur la confiance et la responsabilité des élus », défend un porte-parole du conseil régional. « Mais tous les élus ne le savent pas. Les moins bien organisés se font prendre », souligne Mounir Satouri, président du groupe Europe Ecologie-Les Verts.
En ce qui concerne les absences aux travaux en commission, les listes nominatives ne sont pas rendues publiques. Interrogés sur l'identité des spécialistes de la chaise vide, les présidents des principaux groupes (PS, UMP, EELV et UDI) font front commun pour couvrir leurs troupes.
En revanche, les élus participant aux séances plénières du conseil régional d'Ile-de-France sont invités à signer un registre de présence, qui peut être consulté. C'est la partie visible de l'absentéisme des conseillers régionaux. LeMonde.fr a compilé les absences sur les 49 feuilles d'appel pour autant de délibérations tenues de mars 2010 à juillet 2013, ce qui représente une moyenne de 15 journées de présence demandée par an.
Avec 19 absences, la médaille de bronze revient à un habitué des podiums : David Douillet, député UMP des Yvelines, ancien ministre des sports et champion olympique de judo. Il est devancé d'une courte tête par deux élues socialistes : Geneviève Wortham et Marianne Louis qui comptabilisent 20 absences et prennent, ex aequo, la première place du classement de l'absentéisme régional en séance plénière.
Wortham, Louis et Douillet en tête des abstentéistes
http://cf.datawrapper.de/OT0Ph/1/?fs=1
ABSENTÉISTE RÉCIDIVISTE
Dans ce domaine, on note également la régularité de l'UMP Frédéric Lefebvre, député de la première circonscription des Français de l'étranger. L'ancien secrétaire d'Etat est quatrième du classement avec 18 absences. C'est également un récidiviste : entre 2005 et 2006, son taux d'absentéisme frôlait les 60 % selon une enquête du Parisien. Un « score » que Nathalie Kosciusko-Morizet avait toutefois largement dépassé (75 %) durant la précédente mandature. Cela n'avait pourtant pas retenu l'ancienne ministre de l'Ecologie de se représenter et d'être réélue en mars 2010 pour finalement démissionner huit mois plus tard.
La socialiste Anne Hidalgo, 1ère adjointe au maire de Paris, conseillère régionale et rivale de Mme Kosciusko-Morizet dans la bataille municipale parisienne, cumule 11 absences en séances plénières. Des absences « justifiées » par des obligations de représentation pour la capitale ou des déplacements liés à sa campagne électorale.
De gauche comme de droite, les élus régionaux expliquent leurs difficultés à assumer plusieurs mandats de front tout en refusant de choisir. A titre d'exemple Jean-Vincent Placé, ancien vice-président EELV de l'Ile-de-France, n'avait jamais manqué une délibération avant l'automne 2011 et son élection au Sénat. Il a décidé de cumuler les deux mandats, mais a depuis manqué cinq séances.
PAS DE TRANSPARENCE
En 2010, le conseil régional avait voté à l'unanimité un article du règlement intérieur censé décourager l'absentéisme des élus frappant au portefeuille les conseillers à temps partiel par une réduction de leur indemnité (2 661 euros bruts par mois pour un simple conseiller). Inquiet de salir la crédibilité de l'institution, l'exécutif de la région Ile-de-France garde jalousement les chiffres de la participation aux obscures mais indispensables commissions de travail où s'élaborent ses politiques. « Le dispositif voté en début de mandat visait à dissuader l'absentéisme, pas à la transparence », reconnaît un porte-parole du groupe socialiste. Peut-être faut-il réaliser que l'un ne va pas sans l'autre.