Chronique du jeudi: «TRIBULATIONS D’UN BELABBESIEN A SIDI-BEL-ABBES »
Alors que je me creusais les méninges pour trouver comment passer le reste du temps de ces trois jours de congé pris, le hasard faisant souvent bien les choses, quelle ne fut ma surprise de constater aujourd’hui, alors que j’accompagnais mon fils à l’examen du BEM, que le CEM que choisit le Wali pour le lancement de l’opération, fut celui auquel a été affecté mon descendant : Belbachir Cheikh. Première remarque : cela nous change un peu des habitudes de voir toujours les établissements réputés huppés qui bénéficient généralement de ces évènements, genre Ibn Zeidoun, Malek Haddad et autres Belkhodja. Le CEM Cheikh Belbachir, est situé en pleine agglomération de Sidi-Djillali, au cœur de la cité «les Mimosas»
À 7h 30, j’étais déjà dans les lieux : «Il faut que tu aies le temps de localiser ta salle » je disais au fiston qui s’interrogeait sur ma prudence temporelle. Une fois mon fils rentré, alors que je m’apprêtais à quitter les lieux, je fus accosté par mon ami et collègue, Benkhelouf. Après les salamalecs d’usage, il m’apprit la nouvelle. Je me dis alors : « je n’ai jamais couvert une visite de Wali, pourquoi pas aujourd’hui.» Avec la complicité de mon collègue, je fis irruption, surpris que personne ne prêta attention à ma présence, alors que je n’avais ni badge d’officiel ni celui de presse.
A l’intérieur de la Cour, le chef du centre se démenait comme un diable stressé par deux problèmes à la fois : Veiller à canaliser les 400 élèves vers leurs classes respectives, affecter les surveillants, et préparer la visite du Wali. Les élèves agglutinés autour du seul tableau qui indiquait les affectations par salle, ne savaient pas – par stress ou juste par incompréhension – trouver leur salle. Je fus plusieurs fois abordé par des jeunes désorientés qui, convocation en main, demandaient leur salle d’examen. Le désarroi était tel que personne n’a fait attention au bac de bonbons, posé bien en vue à l’entrée. Personne n’y toucha.
Ce n’est qu’à 8h05 que le calme commençait à revenir, et c’est le moment que choisit le Wali pour arriver. La délégation qui l’accompagnait n’était pas dense : juste le directeur de l’éducation, le nouveau chef de sûreté, le chef de Daïra et le PAPC.
Deux salles après, la délégation se dirigea vers des lieux censés être un projet devant servir à la construction d’un demi-pensionnat. Dès notre arrivée sur les lieux, il était déjà pénible d’y accéder de par les gravats et détritus abandonnés fermant hermétiquement le passage, sans compter le risque de blessures qu’encourraient les enfants qui s’aventureraient lors des récréations, à venir jouer jusqu’ici.
A partir de cet instant, on oublia carrément l’objet de la visite, tant les insuffisances constatées sur place étaient chicanières. Le projet qui donnait l’air d’avoir été terminé, était en réalité abandonné. Ce qui devait servir de cantine était juste une construction inachevée, l’encadrement des portes non finis, des fenêtres existantes, ni commodités, ni électricité, ni eau… Enfin, rien. L’air surpris, contenant péniblement son gêne, le Wali ne put que lancer «Mais que fait le DLEP?» Se retournant vers un de ses collaborateurs : «prenez-note. L’inauguration aura lieu le 5 juillet. Comme ça, chacun assumera ses responsabilités » Certainement déstabilisé par l’ampleur de la constatation, je ne sus comment, se retournant vers le PAPC, il lance «Où en êtes-vous avec la réhabilitation du jardin Public ? Je vous ai envoyé au jardin d’essai, pour que vous en inspiriez» «Et le Gazon du Bd la Macta ?» «On n’a pas d’argent, M. Le Wali» «Mais a-t-on besoin de l’inscription d’une enveloppe pour acheter les grains de gazon ? » «Et le comité de la société civile. Je vous avais demandé de constituer un comité composé de riverains, notables et journalistes et discuter avec eux sur l’aspect des aménagements de la ville» « …… »
La discussion fut close par un inattendu : « Non vraiment, je ne suis pas satisfait!»
Venu lancer l’examen du BEM, dans une ambiance qu’il supposait certainement bon enfant, il se retrouva avec des problèmes de gestion qui lui rappellent que décidément, il y avait encore beaucoup de choses à faire.
Moi, votre serviteur qui accompagne pour la première fois un Wali en visite, j’ai du réaliser que j’avais parfaitement raison, quand je disais qu’Il a toujours fallu en Algérie que ce n’est que lorsque c’est le premier responsable qui se déplace, qui prend en charge le problème que ce dernier est susceptible de trouver sa solution. Ce qui n’est pas normal chez nous, c’est cela. La gouvernance, c’est que chacun à son niveau fasse son boulot. Car, en fin de compte, ce projet de demi-pensionnat qui dure plus de trois ans risque de se concrétiser dans moins d’un mois, parce que le Wali l’a décidé. C’est cela qui n’est pas normal. Alors que logiquement quand le premier responsable (Wali, Ministre ou Président) remarque que le travail n’a pas été fait, il prend les sanctions et ne se contente pas de régler le problème. Car faire le travail des autres ne pourra jamais constituer la solution. «Le management ce n’est savoir faire, c’est savoir faire faire» a dit celui qui fut considéré à une certaine époque comme le Gourou du Management, Peter Drucker.
A 9 heures, j’étais déjà libre. Que faire ? Après une pause-café près du campus, véritable désert en ce moment de la journée, une lecture en diagonale de la presse, je me résolus à aller voir le Directeur de l’environnement au sujet d’un projet que BAI a en gestation. La belle bâtisse, certainement fraîchement occupée à voir le plastique entourant encore les sièges et bancs de salle d’attente, qui abrite cette administration, renseigne un tant soit peu sur l’importance du sujet qu’elle est censée représenter. La propreté y règne et c’est déjà un bon signe. Il n’y a pas foule. Le contraire m’aurait étonné, car que peut prétendre le contribuable auprès de la direction de l’environnement ? Manque de pot, le directeur est absent.
En quittant la bâtisse, je remarque un autre édifice mitoyen réalisé de la même architecture, la même forme et le même « verre ». Sur le fronton il est écrit «maison de l’environnement » C’est quoi, ça ? Pour avoir le cœur net, je poussais la porte vitrée et y entre. Silence de mort, lumières éteintes. Pénombre. Sorti de je ne sais où ; surgit devant moi, un appariteur : « Oui, Khayi ! » «Je voudrais voir le responsable » «Qui dois-je annoncer ? » «Un journaliste.» Il monte quatre à quatre les étages et en un temps deux mouvements, il était encore devant moi. «Elle vous attend » Elle, c’est la coordinatrice de la Maison. Elle m’accueille dans son bureau dont l’espace est inversement proportionnel à la silhouette frêle de l’occupante, l’air d’être ravie que l’on s’intéresse à ce qu’elle fait. Jeune, diplômée en biologie, elle a été recrutée dans le cadre du pré-emploi au niveau de la Direction voisine et insérée dès l’ouverture de la maison, il y a à peine un mois. Elle me dit qu’à défaut de budget, elle a financé de sa poche, la journée d’ouverture, où elle a invité des enfants, et réalisé une exposition de plantes assurée par un pépiniériste de la ville.
Tout de go, je lui lance : « C’est quoi, la Maison de l’environnement ? » C’est une structure de la Conservation nationale de formation et de sensibilisation à l’environnement, dont le siège est à Alger et qui est une entreprise à caractère commercial (EPIC) Notez l’ésotérisme de la dénomination, qui sonne carrément erroné avec « à caractère commercial ». Depuis quand la sensibilisation est source de profit?
« Quel est votre programme pour cette année ? » « Nous commençons à peine, nous attendons le budget et le programme. On nous a encore rien envoyé, mis à part les tarifs de location des salles » « Vous avez des salles à louer ? » « Oui. Nous avons également des halls d’exposition » « On peut faire le tour de propriété ? « Bien sûr ! Allons-y » Effectivement, le bâtiment est bien équipé : Des salles de réunion, des salles de conférences de 50 personnes minimum dotées de tous les moyens pédagogiques (tableaux, data-show…) des halls d’exposition etc….
Mais pourquoi louer tout ça? La maison n’est-elle pas capable d’organiser des manifestations concernant l’environnement ? Et si j’ai un projet relatif à la sensibilisation sur l’environnement, dois-je également louer la salle? Pourtant, c’est l’objet de l’existence de cet organisme. Sincèrement paradoxal !
« Notre objectif est de créer des « clubs verts » dans les écoles, lycées et centres de formation » C’est, je crois, le plus important de ce que j’ai retenu de cette visite ! Pourvu que cela se réalise !
Dommage, car la jeune coordonnatrice est pleine de volonté, d’abnégation et d’envie de bien faire. Mais il semble que la tutelle est trop occupée à autre chose qu’à dynamiser une » Maison de l’environnement » de la province.
Après la sieste de l’après-midi, la soirée passée à décortiquer non pas les sujets du BEM de la journée, mais plutôt le match Benin-Algérie, les prouesses de Slimani et le professionnalisme rigoureux de Medjani, le lendemain, je dus accompagner un ami à la mairie pour une légalisation. Comme il connaissait quelqu’un, cela n’a pas duré, mais juste à la sortie des bureaux, il remarque qu’un seul document sur les deux a été légalisé.
Il revient, et demande la légalisation du second. « Ah ! Non, celui-là on ne le légalise pas. «Pourquoi.» (….) Il va voir le chef du bureau. Celui-ci répond : «Je suis nouveau, je vais vérifier avec le chef de service » Deux secondes après, il rebrousse chemin et confirme : «on ne le légalise pas » Mais je ne comprends pas : «la légalisation, c’est juste pour confirmer les signatures, pas le contenu» Rien à faire !
Hors de lui, mon ami voulait voir le PAPC. Je lui suggérais naïvement : « Et si avant, on essayait une annexe ? » Il marche. On prend le véhicule et direction une annexe de la périphérie de la ville. On entre. Il n’y avait presque personne. Les locaux étaient neufs, bien entretenus et propres. Il ne manque que la climatisation et on se croirait ailleurs, d’autant plus que l’accueil était franchement au-delà des espérances.
Et là, surprise. Lorsque mon ami, remit ses papiers, ils furent aussitôt légalisés. L’ensemble de l’opération, n’a pas duré cinq minutes. Je tançais mon ami : « Tu vois, tu n’as eu besoin de personne ! »
Alors, c’est le personnel de l’APC de la ville qui fait dans le zèle ou c’est l’annexe qui enfreint les directives? Moi, personnellement, je ne saurais y répondre. Ce qui est sur, c’est qu’il y a un anachronisme certain et grave.
C’était assez rempli pour ce lundi, même si le tour fait en ville ne m’apprit rien de ce que j’aurai pu oublier. Monotonie, circulation stressante, embouteillages et bouffe partout. Cela augure bien l’approche du mois de consommation, le Ramadhan.
Le mardi a été partagé entre le crime de Sidi-Lahcène et les habitants de Oued Sbaa qui profitant de la visite du Wali, reviennent à la charge contre leur Maire. A voir ce que font les habitants depuis son élection, l’on se demande comment a-t-il fait pour être élu !
Ah ! Il a eu aussi la nouvelle concernant l’état de santé du Président. Depuis plus de 50 jours qu’il est malade ce n’est qu’aujourd’hui, qu’on daigne lui rendre visite, ce n’est pas très respectueux, il me semble.
djillali@bel-abbes.info N.B. Toute ma gratitude à mon Ami Slim qui a accepté de faire plaisir aux lecteurs en illustrant la chronique. Merci, Mnawwar.