Le Monde.fr | 30.01.2014 à 18h14 • Mis à jour le 31.01.2014 à 11h40 | Par Patrick Roger
C'était l'engagement de campagne présidentielle n°14 de François Hollande : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG [contribution sociale généralisée] dans le cadre d'un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). » L'annonce d'« une remise à la plat de la fiscalité » faite par Jean-Marc Ayrault, mi-novembre 2013, a pu laisser penser à sa réactulisation.
Il n'en sera rien. Au moment où est installé par le premier ministre, vendredi 31 janvier à Matignon, le groupe de travail chargé de rendre, début avril, des propositions sur l'évolution de la fiscalité des ménages, la perspective d'une fusion de l'impôt sur le revenu (IR) et de la CSG semble moins que jamais à l'ordre du jour. « Ce n'est pas dans les têtes de chapitre », indique diplomatiquement Bercy, ne souhaitant pas écarter d'emblée le sujet avant que les travaux aient commencé.
UN RAPPORT DISSUASIF
Les membres du groupe de travail – personnalités qualifiées et parlementaires – se verront toutefois remettre, dès l'ouverture de leur mission, un épais rapport (300 pages avec les annexes) sur « les conditions de mise en œuvre d'une fusion progressive de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée », qui ne laisse guère de doute sur l'inopportunité, aux yeux de ses auteurs, d'une telle réforme.
Sa préparation a été confiée à un groupe de travail interadministratif regroupant la direction de la législation fiscale, la direction de la Sécurité sociale, l'inspection générale des affaires sociales, la direction générale des finances publiques, la direction générale du Trésor, la direction du budget et l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale.
Le rapport rappelle que le nouvel impôt issu de l'IR et de la CSG devra respecter les règles constitutionnelles qui lui assignent d'être global, progressif et familiarisé. Il souligne que le remplacement des diverses assiettes actuelles par une assiette unique occasionnerait d'importants transferts et étudie les différentes modalités de définition et de prise en compte du foyer, du quotient familial à un barème spécifique aux couples. Il se penche enfin sur le choix du barème du nouvel impôt en examinant plusieurs hypothèses.
PAS DE SOLUTION MIRACLE
En ce qui concerne la fusion elle-même, le rapport souligne qu'elle serait « complexe » et que « sa réalisation nécessiterait une mise en œuvre par étapes ». Il retient plusieurs scénarios. Un : une imposition issue de la CSG qui se substituerait progressivement, sur au moins trois ans, aux deux impôts sous leur forme actuelle. L'IR disparaîtrait à mesure que croîtrait le nouvel impôt progressif et familiarisé construit à partir de la CSG. Ce scénario recèle, note-t-il, « des risques budgétaires non négligeables ».
Deux : la fusion n'interviendrait qu'à l'issue d'une évolution préalable de l'IR et pourrait aboutir dans un délai de quatre ans. L'IR verrait dans une première étape son assiette élargie puis, dans un second temps, serait instaurée une retenue à la source.
La fusion de l'IR ainsi réformé et de la CSG interviendrait dans un troisième temps. « La réforme serait longue, n'éviterait pas l'existence d'une année de transition et reporterait certains choix importants et sensibles ainsi que la réalisation des effets redistributifs les plus forts de la fusion », estime le rapport.
« RISQUE D'ACCEPTABILITÉ PAR LE CORPS SOCIAL »
Trois : le successeur de la CSG deviendrait un acompte de l'impôt fusionné. Selon ce scénario, la fusion pourrait être réalisée en deux ans, sans mise en œuvre d'un prélèvement à la source de l'IR. Toutefois, « il induit des remboursements d'autant plus nombreux si la CSG n'était pas rendue progressive, particulièrement pour les contribuables les plus modestes, qui subiraient par conséquent un désavantage de trésorerie ».
La conclusion du rapport est limpide. Tout d'abord, il souligne qu'en tout état de cause la réforme serait longue et qu'« elle n'est possible au sein d'une mandature que si elle démarre tôt ». De ce point de vue, le retard pris au début de la législature la rend d'autant plus improbable. Surtout, le rapport souligne que cette réforme « comporterait des risques qui ne doivent pas être sous-estimés ».
« La mise en œuvre de la fusion de l'IR et de la CSG présente des risques significatifs à plusieurs égards, conclut-il : un risque d'acceptabilité par le corps social (…), un risque budgétaire (…) et un risque opérationnel (…). Alors qu'aujourd'hui les contributions sociales sont bien acceptées, facilement recouvrées et peu « mitées », le risque de détériorer l'efficacité globale du système fiscal ne doit pas être sous-estimé. » L'engagement n°14 de François Hollande a du plomb dans l'aile.