Le Monde.fr | 22.01.2014 à 13h06 • Mis à jour le 22.01.2014 à 15h16 | Par Marie Charrel
« Le fardeau total de l'endettement reste néanmoins à un niveau très élevé », rappelle Janet Henry, chef économiste Europe chez HSBC, à Londres.
C'est une bonne nouvelle. D'après les chiffres publiés par Eurostat, mercredi 22 janvier, la dette publique de la zone euro s'est établie à 92,7 % du PIB à la fin du troisième trimestre 2013, contre 93,4 % au trimestre précédent. « Il s'agit de la première baisse en termes absolus depuis le quatrième trimestre 2007 », précise l'office des statistiques européennes. Pour l'ensemble de l'Union européenne, le ratio est en revanche en hausse, passant de 86,7 % à 86,8 % du PIB.
Dans le détail, la dette publique a continué de grimper dans sept des dix-huit pays membres de la zone euro : Danemark (45,7 % à 46,3 % du PIB), Estonie (9,8 % à 10 %), Grèce (168,8 % à 171,8 %), Espagne (92,2 % à 93,4 %), Chypre (98,6 % à 100,6 %), Luxembourg (23 % à 27,7 %) et Autriche (75,2 % à 77,1 %).
La dette a revanche baissé en Allemagne (79,8 % à 78,4%), au Portugal (131,3 % à 128,7 %), en Belgique (105,2 % à 103,7 %) et même en France (93,6 % à 92,7 %).
Ratio d'endettement des pays de la zone euro
Pourquoi la dette baisse-t-elle ?
Dans certains des pays où l'endettement public est en recul, cette réduction est en partie due à quelques astuces budgétaires. C'est notamment le cas en Belgique, où la vente de la participation de l'Etat dans le capital de la banque Fortis a permis d'accélérer le redressement des finances publiques.
Mais dans la plupart des autres pays, la baisse de l'endettement est liée à la conjonction de trois phénomènes :
D'abord, les mesures de consolidation budgétaire menées par les gouvernements. Après des années de rigueur, le Portugal et l'Irlande récoltent par exemple le fruit de leurs efforts. Ensuite, la baisse des taux d'intérêt payés par ces pays, observée depuis septembre 2013, a facilité le processus de désendettement. Mais surtout, le timide retour de la croissance dans la zone euro a également permis de soulager les finances publiques.
« Le fardeau total de l'endettement reste néanmoins à un niveau très élevé », nuance Janet Henry, chef économiste Europe chez HSBC, à Londres. Et sur l'ensemble de l'année 2013, l'endettement global des pays restera en hausse.
La crise des dettes souveraines dans la zone euro est-elle donc terminée ?
Il est encore un peu tôt pour l'affirmer. Mais, à première vue, le pire est derrière nous. Depuis que Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a, en juillet 2012, promis qu'il ferait « tout ce qui sera nécessaire » pour éviter l'explosion de la zone euro, les taux d'intérêt que paient les Etats pour placer leurs obligations se sont progressivement détendus. Cela signifie que les investisseurs ne croient plus au risque de faillite imminente des Etats.
Mercredi 22 janvier, le taux des obligations espagnoles à dix ans sont ainsi tombés à 3,69 %, les italiennes à 3,83 %, les portugaises à 5,06 %, et les irlandaises à 3,26 %. Au plus fort de la crise, ces taux dépassaient les 6,5 %.
Mais l'optimisme des investisseurs, que certains économistes jugent un peu prématuré, ne doit pas masquer un autre phénomène, plutôt inquiétant : le tassement de l'inflation dans la zone euro. Celle-ci est en effet tombée à 0,8 % en décembre, bien loin de l'objectif de 2 % de la BCE. Certains pays, notamment la Grèce, sont même tombés en déflation, car les prix reculent (- 2,9 % en novembre et - 1,7 % en décembre 2013).
« Le problème, c'est que plus l'inflation est basse, plus les taux réels auxquels se financent les Etats est élevé », rappelle Patrick Artus, chef économiste chez Natixis. Ce qui ralentit leur processus de désendettement. Mercredi 15 janvier, Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, a d'ailleurs appelé les Etats à lutter contre « l'ogre » déflation, probablement le plus grand danger qui pèse aujourd'hui sur la reprise européenne.
Lire : Christine Lagarde pointe un « risque croissant de déflation »
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/21/le-fmi-entrevoit-une-acceleration-de-la-reprise-mondiale_4351683_3234.html
Si l'on ajoute à cela la croissance faible – elle serait de 1 % en 2014, selon le FMI – le risque de nouvelles tensions sur les dettes souveraines n'est donc pas totalement exclu. « Le processus de désendettement sera, dans le meilleur des cas, très lent », commente Mme Henry.
Lire : Le FMI entrevoit une accélération de la reprise mondiale
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/21/le-fmi-entrevoit-une-acceleration-de-la-reprise-mondiale_4351683_3234.html
Que peuvent faire les pays pour accélérer le redressement de leurs finances publiques ?
La question est délicate. Ces dernières années, les pays membres de la zone euro ont mené des plans d'austérité sévères afin de résorber déficit et dette publics. Problème : la baisse des dépenses et la hausse des impôts ont mécaniquement pesé sur la demande des ménages, par ailleurs pénalisés par les taux de chômage élevé, et qui ont drastiquement réduit leur consommation. En d'autres termes : les mesures de rigueur contribuent à affaiblir la croissance et donc, les recettes fiscales récoltées par l'Etat, limitant par là l'efficacité des plans d'ajustement.
C'est ce qui explique pourquoi, malgré les efforts colossaux mis en œuvre au Portugal, en Irlande ou en Espagne (baisse des salaires dans la fonction publiques, coupes massives dans les dépenses…), la dette publique a malgré tout de continuer de grimper en 2012 et 2013.
La bonne nouvelle, c'est que ces efforts commencent enfin à porter leurs fruits. Outre la baisse de la légère baisse de la dette publique fin 2013, le déficit public de la zone euro devrait baisser de 3,7 % à 3,2 % du PIB entre 2012 et 2013, selon les estimations de HSBC. Dans le détail, il devrait passer de 10,6 % à 7,2 % du PIB en Espagne, de 4,8 % à 4,2 % en France, de 4,5 % à 3 % au Portugal. Pour autant, nombre de ces Etats, en particulier le Portugal, la Grèce et l'Irlande, ont prévu de poursuivre les mesures de rigueur en 2014, même si elles seront moins sévères.
Dans tous les cas, le seul outil qui permettra d'accélérer vraiment la résorption des dettes à l'avenir sera le retour d'une croissance plus vigoureuse.