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Des moines harcelés par des extrémistes juifs à Jérusalem
Publié le 29/11/2013 à 09:08
Abbaye de la Dormition à Jérusalem.
La police israélienne, informée des incidents les plus sérieux, a procédé à quelques arrestations.
Crachats, pneus crevés, graffitis blasphématoires: les moines bénédictins de l'abbaye de la Dormition, à Jérusalem, sont depuis plusieurs mois la cible d'un harcèlement incessant. Début octobre, la tension est montée d'un cran lorsqu'une quinzaine de tombes ont été vandalisées dans un cimetière protestant attenant au monastère. «Nous ne sommes plus dans le cadre d'une simple querelle de voisinage, s'inquiète le Frère Nikodemus, porte-parole de la communauté, et nul ne sait comment tout cela va finir…»
Les douze moines et la vingtaine d'étudiants qui ont élu domicile au sommet du Mont Sion, à deux pas de la Vieille Ville, imputent leurs tourments à de jeunes extrémistes juifs qui gravitent autour de l'école talmudique voisine. À entendre les religieux, certains étudiants de la Yeshiva Diaspora tolèreraient mal la proximité du monastère sur ce site auquel les deux religions accordent une grande importance. «À la nuit tombée, on ne peut plus sortir sans se faire cracher dessus ou sans qu'un jeune éméché nous dise de retourner dans notre pays», raconte le Frère Nikodemus.
La police israélienne, informée des incidents les plus sérieux, a procédé à quelques arrestations. Début octobre, deux élèves de la Yeshiva Diaspora ainsi que deux jeunes colons récemment bannis de Cisjordanie en raison de leur comportement violent ont été interpellés dans le cadre de l'enquête sur la profanation du cimetière luthérien. À en croire les moines, cependant, les suspects ont aussitôt été relâchés et les autorités ne montrent qu'un empressement limité à réprimer ces agissements.
Selon les riverains, c'est l'atmosphère du quartier tout entier qui s'est progressivement viciée au cours des derniers mois. Fin mai, des inconnus ont crevé les pneus de plusieurs voitures garées devant l'abbaye et tagué, sur ses murs, «Jésus est un singe». Une autre inscription faisant référence à «Havat Maon», un avant-poste illégal démantelé quelques jours plus tôt en Cisjordanie, semble pouvoir être imputé à des colons mécontents. Début novembre, par ailleurs, des inconnus ont grièvement blessé un employé palestinien du restaurant attenant à la Yeshiva Diaspora. Les policiers ont interpellé dans la foulée trois élèves de l'école talmudique.
«Certains jeunes en perte de repères»
«Il s'agit d'un malentendu, proteste le rabbin Avraham Goldstein, directeur de l'établissement. Depuis la fondation de la Yeshiva Diaspora en 1966, nous nous attachons à délivrer un message de paix et d'harmonie entre les religions. Je n'imagine pas un instant que nos étudiants aient pu se rendre coupable de pareilles violences…» Poussé dans ses retranchements, le rabbin concède tout juste que la Yeshiva Diaspora attire «certains jeunes en perte de repères». Mais il réfute toute implication dans la dérive violente de certains d'entre eux.
À entendre le rabbin Goldstein, l'agressivité de ces «brebis égarées» pourrait être liée aux craintes de voir remis en cause le statu quo qui régit le Cénacle voisin, enjeu de revendications concurrentes. Les disciples de la Yeshiva Diaspora, convaincus que l'édifice a été bâti sur le tombeau du Roi David, sont très inquiets à l'idée que des chrétiens puissent à l'avenir être autorisés à célébrer des messes à l'étage supérieur, lieu où la tradition affirme que se tint le dernier repas du Christ et de ses apôtres.
«Nous n'avons aucun problème avec le fait que des chrétiens prient dans ce lieu, assure le rabbin Goldstein, mais la célébration de messes porteraient, à nos yeux, atteinte à son caractère sacré.» Un faux problème, selon le Frère Nikodemus. «Notre abbaye n'a aucune revendication de ce type et je refuse de considérer que nos agresseurs agissent au nom de motivations religieuses, assure le porte-parole de l'Abbaye de la Dormition. La vérité, c'est qu'il n'y pas de problèmes entre chrétiens et juifs sur le Mont Sion. Juste une situation d'anarchie alimentée par une poignée d'extrémistes.»