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Syrie : pourquoi la plupart des pays émergents sont contre une intervention
Le 05.09.2013 à 16h46 • Mis à jour le 05.09.2013 à 18h42 | Par Service international
Ouverture du sommet du G20 au palais Constantin à Saint-Pétersbourg, le 5 septembre.
La crise syrienne n'est pas officiellement à l'ordre du jour de la réunion du G20 qui doit se dérouler, jeudi 5 et vendredi 6 septembre, à Saint-Pétersbourg, en Russie. Mais l'éventualité d'une intervention militaire contre le régime de Damas risque fort de bouleverser l'agenda, et révéler une nouvelle fois le fossé béant entre la Russie, pays hôte et soutien indéfectible à Bachar Al-Assad, et les Etats-Unis et leurs alliés, qui entendent "punir" Damas pour l'attaque chimique du 21 août perpétrée dans la banlieue de la capitale syrienne.
Ce sommet sera aussi l'occasion pour les pays émergents membres de l'organisation de faire entendre leurs positions.
- L'Arabie saoudite et la Turquie soutiennent une éventuelle intervention
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, le 20 août à Ankara.
Particulièrement audibles sur le sujet,
l'Arabie saoudite et
la Turquie apparaissent en pointe dans le soutien, voire la participation, à une éventuelle intervention. Riyad fait depuis longtemps figure de parrain du Conseil national syrien, la principale coalition anti-Assad, à qui elle fournit armes et argent. Ankara, quant à elle, plaide pour qu'une telle intervention ait pour objectif de renverser le régime, et pas seulement de sanctionner l'usage d'armes chimiques.
Pour le reste, les émergents plus lointainement concernés par le dossier syrien oscillent entre la méfiance et une franche hostilité vis-à-vis des velléités d'intervention occidentales.
- L'Inde appelle à un dialogue politique "inclusif"
Le premier ministre indien Manmohan Singh, le 22 mai 2012 à New Dehli.
L'Inde ne soutiendra pas en l'état une action militaire contre la Syrie. Mardi 3 septembre, New Delhi a réitéré sa position de principe selon laquelle
"il n'y aucune solution militaire au conflit" et a appelé à un dialogue politique
"inclusif" associant le gouvernement de Damas et les forces d'opposition. Nourri du mauvais souvenir de la Libye, où l'intervention occidentale a été jugée par New Delhi – qui s'était abstenu au Conseil de sécurité – comme outrepassant le mandat des Nations unies, la ligne indienne sur la Syrie n'a jusqu'à présent pas été remise en cause par l'attaque chimique sur la Ghouta.
Tout en rappelant son soutien aux conventions internationales prohibant l'usage des armes chimiques, qui ne doivent être
"bafouées par personne", New Delhi préfère
"attendre les résultats complets" de l'enquête de la mission des Nations unies avant de se prononcer sur la récente tragédie. Allergique à l'unilatéralisme américain, l'Inde a toujours défendu le rôle incontournable de l'ONU comme plateforme de règlement des crises internationales. Quelle serait dès lors son attitude dans l'hypothèse où la responsabilité de Damas serait mise à jour par les enquêteurs onusiens ? New Delhi refuse pour l'instant de se placer dans une telle hypothèse, révélant son malaise à l'égard de toute forme d'interventionnisme occidental menaçant la souveraineté des Etats.
- Pour le Brésil, une intervention serait une "violation du droit international"
Dilma Roussef, en septembre 2010 à Brasilia.
Au
Brésil, le remplacement du ministre des affaires étrangères, Antonio Patriota, par Luiz Alberto Figueiredo, fin août, n'a pas modifié d'un iota la position des autorités. Deux jours après sa nomination, le nouveau chef de la diplomatie a affirmé, le 28 août, que le pays ne soutiendra pas une intervention militaire sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Selon cet ancien représentant du Brésil aux Nations unies, il s'agirait d'
"une violation du droit international et de la charte de l'ONU". M. Figueiredo a toutefois précisé que l'usage d'armes chimiques est
"intolérable" et
"inacceptable", ajoutant que la communauté internationale attendait les conclusions du groupe d'observateurs onusiens. En bon diplomate, il a ajouté que le Conseil de sécurité était
"paralysé" sur la question, un révélateur, selon lui, de la nécessité d'entreprendre des réformes de l'ONU. Depuis des années, le Brésil et d'autres pays émergents défendent un élargissement et une modification des règles de représentativité.
- Pour l'Argentine, "une action militaire ne ferait qu'aggraver la situation"
La présidente argentine Cristina Kirchner, le 7 février.
L'Argentine, qui exerce la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies, rejette de façon plus véhémente une éventuelle intervention militaire des Etats-Unis et de ses alliés contre la Syrie.
"Une action militaire ne ferait qu'aggraver la situation", estime le ministère des affaires étrangères argentin. Tout en considérant
"inexcusable" l'utilisation d'armes chimiques, le gouvernement de Cristina Kirchner juge
"qu'on ne peut pas continuer à introduire des armes dans les zones en conflit et ensuite se lamenter qu'il y ait des morts".
"L'Argentine ne proposera jamais, ni ne soutiendra une intervention militaire étrangère. Le gouvernement et le peuple argentin ne seront pas complices de nouvelles morts." Buenos Aires appelle tous les pays membres de l'ONU à
"rejeter "une éventuelle action militaire contre la Syrie, rejoignant ainsi la position de la plupart des pays du sous-continent américain.
- Pour le Mexique, seul l'ONU peut "adopter des mesures collectives"
Le président mexicain Enrique Pena Nieto, élu en juillet 2012.
Le
Mexique, lui, dit sa méfiance pour une intervention qui se ferait sans la bannière de l'ONU, tout en demandant des preuves formelles de l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien. Le 28 août, José Antonio Meade, ministre des affaires étrangères, a souligné
"l'importance que se termine l'enquête menée par la mission des Nations unies sur le supposé usage d'agents chimiques en Syrie". Selon lui,
"le Conseil de sécurité de l'ONU est l'unique institution habilitée à adopter des mesures collectives dans le cas d'une menace à la paix et à la sécurité internationales. La recherche d'une solution au conflit syrien doit s'attacher pleinement aux principes et dispositions contenues dans la charte de l'ONU, particulièrement ceux liés à l'usage de la force".
- L'Afrique du Sud met en garde contre "la grave violation du droit international"
Jacob Zuma, en août 2011.
L'Afrique du Sud est elle aussi opposée à toute intervention militaire en Syrie et réclame une solution politique, sans pour autant mettre à l'ordre du jour un changement de régime. Le président, Jacob Zuma, avait publiquement dit sa
"préoccupation", le 29 août à Pretoria, devant
"l'usage d'une rhétorique ouvrant la voie à une action militaire" et mis en garde contre
"la grave violation du droit international" que celle-ci constituerait. Le 3 septembre, il a estimé que
"l'Afrique du Sud n'est pas qualifiée pour déterminer le type de punitions qui doivent être infligées à des pays qui utilisent des armes chimiques contre leur population" et redit la nécessité de trouver une solution dans le cadre des Nations unies. La ligne sud-africaine est en cohérence avec ses prises de position passées. Dans le dossier libyen, l'Afrique du Sud avait condamné l'intervention militaire des Occidentaux de manière d'autant plus virulente qu'elle avait eu le sentiment de s'être fait berner après avoir voté initialement en faveur de la résolution de l'ONU qui autorisait la prise de contrôle de l'espace aérien libyen, mais qui, selon Pretoria, n'avait pas pour but un changement de régime.
- L'Indonésie appelle à ne pas "aggraver la situation en Syrie"
Susilo Bambang Yudhoyono , le président indonésien, lors d'une conférence le 5 octobre 2010 à Djakarta.
L'Indonésie, elle, préfère jouer la carte de la prudence. Marty Natalegawa, ministre des affaires étrangères, a officiellement condamné l'utilisation d'armes chimiques en Syrie mais n'a pas porté d'accusations directes contre Damas.
"La communauté internationale ne peut permettre aucune nouvelle aggravation de la situation en Syrie" a-t-il déclaré, avant d'appeler à soutenir
"l'enquête des Nations unies sur l'utilisation présumée d'armes chimiques". Jakarta souhaite avant tout une résolution du conflit qui passerait par le Conseil de sécurité de l'ONU et la poursuite des négociations de paix lors d'une conférence dite Genève 2.