Le Monde.fr | 27.05.2014 à 06h02 • Mis à jour le 27.05.2014 à 09h00 | Par Denis Cosnard
Le ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, en octobre 2013.
Anand Mahindra va-t-il enfin se lancer ? En février, le patron du deuxième groupe industriel indien, Mahindra, s'interrogeait sur une éventuelle implantation dans l'Hexagone. « Notre groupe n'a pas encore investi en France, mais en Allemagne, en Espagne, en Italie, car nous avions des craintes sur le climat des affaires ici », avait-il expliqué à l'occasion d'une visite à l'Elysée, tout en se disant prêt à réviser son jugement : « Nous étudions un investissement au moment où je vous parle. »
Depuis, les réflexions se poursuivent activement, mais aucune décision n'a encore été prise. « L'Inde est une cible compliquée », soupire un responsable français au fait du dossier. Un exemple symptomatique.
Alors que les pays émergents ont lancé une grande vague d'investissements hors de leurs frontières, la France peine à les attirer. C'est ce que montre le baromètre annuel sur l'attractivité des pays d'Europe publié mardi 27 mai par le groupe de conseil EY (ex-Ernst & Young).
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« LA FRANCE NE DÉCROCHE PLUS »
Globalement, le nombre d'implantations étrangères en France est reparti à la hausse en 2013, avec 514 nouveaux projets contre 471 l'année précédente, selon ce pointage, un peu plus restrictif que celui effectué par l'Agence française pour les investissements internationaux. Après deux années de recul, « la France ne décroche plus », commente Marc Lhermitte, associé d'EY et l'un des auteurs de l'étude.
Malgré cette reprise, la France n'a pas retrouvé son niveau d'avant-crise. Un retard qui contraste avec le tonus du reste de l'Europe. Dans l'ensemble des 42 pays européens pris en compte, EY a recensé 3 955 implantations étrangères en 2013 (hors acquisitions), un record historique. Elles devraient conduire à la création de plus de 165 000 emplois.
L'Éco du soir: l'attractivité de la France: Hollande appelle les grands patrons étrangers - 17/02
Emmanuel Lechypre revient dans sa chronique éco quotidienne sur l'attractivité de la France. Lors de la première réunion du Conseil stratégique de l'attractivité, le chef de l'État promet d'ores et déjà une stabilité et une simplicité aux investisseurs étrangers.
Le mouvement a en particulier profité au Royaume-Uni et à l'Allemagne, les deux grands pays concurrents de la France. La progression des investissements internationaux y a été plus rapide que dans l'Hexagone. Si bien que « l'écart continue de se creuser », souligne l'étude.
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LES CHIFFRES SONT CRUELS
Jusqu'en 2010, la France était le deuxième pays européen en termes d'implantations étrangères. Aujourd'hui, le Royaume-Uni poursuit sa course en tête, notamment grâce aux investisseurs américains et indiens. Mais l'Allemagne le suit de près.
Entre les périodes 2004-2008 et 2009-2013, elle a vu son flux d'implantations internationales doubler. « Grâce aux réformes lancées par le chancelier Gerhard Schröder, l'Allemagne a amélioré sa compétitivité et totalement transformé son attractivité, analyse M. Lhermitte. En temps de crise, quand il faut faire des choix et que la concurrence s'aiguise entre les pays, l'Allemagne présente un atout décisif : au-delà de ses forces industrielles et de son marché intérieur, elle dispose d'une sorte de Commonwealth, une zone d'influence qui couvre les pays de l'est et la Russie. »
La France, elle, est désormais redescendue à la troisième marche du podium européen. Et elle se trouve particulièrement à la peine quant il s'agit d'attirer des projets venus d'Inde, de Chine, du Brésil, etc. Les chiffres sont cruels. En 2013, les groupes issus des pays émergents ont annoncé 313 implantations en Europe. Dans 107 cas, soit plus d'un tiers, ils ont choisi l'Allemagne.
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FAIRE VENIR DAVANTAGE DE PAYS ÉMERGENTS
A l'image de l'indien Samvardhana Motherson, qui a entamé la construction d'une deuxième usine d'équipements automobiles à Schierling, en Bavière, avec 500 emplois à la clé. Le Royaume-Uni a également tiré son épingle du jeu, avec 87 investissements de pays émergents. L'Hexagone, lui, reste à la traîne, terre d'élection de seulement 19 projets, essentiellement chinois.
« Le premier défi est de faire venir davantage d'investissements des pays émergents », avait reconnu François Hollande le 17 février en réunissant un Conseil de l'attractivité. Le sujet est toujours d'actualité. Autres signaux inquiétants : la France a aussi du mal à capter les implantations de centres de recherche, de même que les sièges sociaux.
Dans ce domaine, elle se classe derrière ses deux rivaux britannique et allemand, mais également derrière les Pays-Bas et l'Irlande. A l'origine de toutes ces difficultés, selon les professionnels : l'image de la France en matière de fiscalité et de coût du travail, mais aussi la complexité croissante de la législation. « Et le décret Montebourg qui soumet un certain nombre d'investissements étrangers à l'autorisation du gouvernement ne va pas simplifier les choses », estime M. Lhermitte. « Les entreprises étrangères ne s'y retrouvent plus », ajoute David Jonin, avocat chez Gide Loyrette Nouel.
Récemment, un de ses clients envisageait de créer plusieurs centaines d'emplois en France. « La perception plus ou moins réaliste des méandres à venir dans les relations sociales a conduit à un changement pur et simple de stratégie », indique M. Jonin. Pour desservir le marché tricolore, le groupe a préféré ouvrir des centres logistiques dans plusieurs pays frontaliers. « Au total, 50 emplois au maximum seront créés sur notre territoire... »
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