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Syrie : l'accord du Congrès américain est loin d'être acquis
Mis à jour le 05/09/2013 à 08:20 - Publié le 05/09/2013 à 07:44
Le chef de l'État major Martin Dempsey, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel Chuck Hagel et le secrétaire d'État John Kerry lors de la réunion de la commission des Affaires étrangères du Sénat.
La commission des Affaires étrangères du Sénat américain a approuvé un projet de frappes militaires contre le régime du président syrien Bachar el-Assad. Les sénateurs de la commission ont voté par 10 voix contre 7 en faveur d'une intervention «limitée» en Syrie, d'une durée maximale de 60 jours avec la possibilité de la prolonger à 90 jours.
Un suspense haletant plane toujours sur la nature de la réponse qu'apportera la semaine prochaine le Congrès américain à la demande d'autorisation de la force que lui réclame Barack Obama. Ce mercredi, tandis que le président, de passage à Stockholm, appelait la communauté internationale à ne pas laisser l'utilisation d'armes chimiques par Assad impunie -le puissant Comité des relations étrangères du Sénat a approuvé sa requête d'action militaire, limitant la durée d'autorisation à 60 jours, avec une possibilité d'extension de 30 jours.
- Citation :
- «Cela reste un coup de poker énorme pour le président ».
Le présentateur de MSNBC, Chris Matthews.
Mais il l'a fait par un vote de 10 voix contre 7 qui révèle avec éclat les divisions profondes des élus, même au sein de cette enceinte restreinte où les interventionnistes sont traditionnellement beaucoup plus puissants que les sceptiques. En d'autres termes, Obama n'est pas encore sorti du bois. Mardi pendant une longue session avec le secrétaire d'État John Kerry, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel et le chef de l'État major Martin Dempsey, les sénateurs du Comité avaient pourtant semblé pencher pour l'action militaire sans ambiguité, malgré des questions vigoureuses, notamment sur la stratégie post frappes, les risques d'embourbement et la nécessité d'exclure tout engagement de troupes au sol. Mais les opposants à l'utilisation de la force ont été très vocaux ce mercredi pendant la poursuite des débats. Le sénateur Rand Paul, un candidat potentiel à la présidence, solidement positionné sur le créneau libertarien de droite qu'avait occupé son père Ron Paul avec un grand succès pendant les primaires républicaines de l'an dernier, a jugé «ne pas voir d'intérêt national américain» dans «la tragédie qui se déroule en Syrie». Élément beaucoup plus surprenant, le jeune sénateur américano-cubain Marco Rubio, qui se présentait jusqu'ici comme l'héritier intellectuel de John McCain et avait prononcé des discours remarqués sur l'exceptionnalisme américain et sa mission de supergrand, a voté non lui aussi. Il a lui aussi des ambitions présidentielles.
Le vote plus que mitigé du Comité annonce une bataille serrée au Sénat, et surtout à la Chambre dominée par les républicains, dont la base est en divorce de plus en plus clair avec sa direction. Lundi, Obama avait reçu l'appui du speaker républicain de la Chambre John Boehner, et celui du leader de la minorité démocrate Nancy Pelosi. «Cela reste un coup de poker énorme pour le président», commentait mardi sur la chaîne libérale MSNBC le présentateur Chris Matthews. Beaucoup d'experts, comme Richard Haas ou Ian Bremmen, continuent toutefois à croire que la parole présidentielle, dont il ne faut pas sous estimer l'effet, finira par emporter les réticences. Le président s'est lui-même dit «confiant» sur ses chances d'arracher un vote en faveur d'une action militaire limitée lors de son passage à Stockholm.
- Citation :
- 6 Américains sur 10 sont opposés à des frappes unilatérales contre la Syrie.
Mais l'incertitude persiste. Lors d'une réunion du Comité pour les affaires extérieures de la Chambre, ce mercredi après midi, les trois lieutenants de Barack Obama ont été beaucoup plus chahutés par les élus qu'ils ne l'avaient été au Sénat. Le journaliste David Corn, du journal en ligne Mother Jones rappelait ce mercredi soir sur MSNBC que le rapport de force entre les isolationnistes emmenés par le libertarien Rand Paul et les interventionnistes moralistes incarnés par le sénateur McCain s'était largement inversé à droite. «Il y a encore cinq ans, le camp de McCain dominait le parti républicain, aujourd'hui, «les interventionnistes sont en train de se faire chasser du Capitole» par de nouveaux venus issus des rangs du Tea party, concentrés sur les questions intérieures et hostiles à de nouvelles aventures extérieures, a-t-il dit.
Choisir l'engagement plutôt que l'indifférenceAutre casse tête pour Obama: Les démocrates sont aussi très nombreux à refuser sa logique d'intervention, comme par exemple le sénateur Chris Murphy, qui a voté non, au Comité sénatorial des relations extérieures, parce qu'il estime qu' «une immixtion américaine rendra les choses pires qu'elles ne sont». En coulisses la Maison Blanche a pourtant mis une pression colossale sur ses troupes libérales pour les mobiliser.
Signe de l'hésitation qui traverse l'opinion américaine, et du défi qui se pose au président pour convaincre son peuple, les débats du Congrès s'accompagnent de polémiques passionnées à travers toute l'arène publique. Le président a pris position pour la morale et a appelé l'Amérique à assumer ses responsabilités de puissance exceptionnelle, et d'agir pour préserver la norme internationale d'interdiction des armes chimiques. «La chose à faire n'est pas de ne rien faire, a-t-il dit à Stockholm, rappelant, plus tard dans la journée, lors d'un hommage au diplomate Raoul Wallenberg, sauveur de milliers de juifs, que la communauté internationale devait prendre exemple sur ceux qui avaient choisi l'engagement plutôt que l'indifférence.
Ceux qui refusent les frappes expliquent toutefois que les bons sentiments ne doivent pas prendre le pas sur la réflexion. «Nous devons avoir une conversation sereine sur les limites que nous devons poser à l'utilisation de notre force militaire», dit le sénateur Murphy. Signe révélateur, plusieurs éditorialistes de la chaine MSNBC, d'ordinaire acquise au président, exprimaient ce mercredi leurs doutes dont le présentateur Chris Hayes et la présentatrice vedette Rachel Maddow. Près de 6 Américains sur 10 sont opposés à des frappes unilatérales contre la Syrie, selon un sondage ABC-
Washington Post.