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Probation : pas de prison pour la majorité des délinquants
Mis à jour le 27/08/2013 à 22:10 - Publié le 27/08/2013 à 19:28
117.999 personnes ont été condamnées à des peines pour délits, dont 98 % à des peines de moins de cinq ans d'incarcération.
98 % des condamnés pour des délits, même graves, pourraient échapper à l'incarcération avec la nouvelle « peine de probation » dessinée par la garde des Sceaux.
Proxénète, trafiquant de drogue international, récidiviste, casseur de flics, des métiers d'avenir? Si le projet de loi sur la probation épouse la version maximaliste évoquée, ces derniers jours, par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, une bonne partie de la voyoucratie n'aura peut-être plus grand-chose à craindre de la loi. C'est, en tout cas, ce qui ressort des premières évaluations du dispositif par des experts du système pénal, comme le Pr Alain Bauer, qui tire le signal d'alarme dans
Le Figaro .
À entendre ce proche de Manuel Valls, ce que concocte la Chancellerie n'est pas une simple réformette. Le seul dispositif de «contrainte pénale» ou probation, tel qu'exprimé à ce jour, concernerait plus de 98 % de l'ensemble des condamnés pour délit. Rappelons qu'il s'agit d'un système alternatif à la prison, où le juge impose, au lieu de l'enfermement, là un stage, ici une formation, ailleurs, des soins.
• Combien de personnes peuvent être concernées?
La ministre a annoncé le 24 août, à La Rochelle, sous l'ovation des militants socialistes présents: «Nous créons une peine de probation, qui est une peine en milieu ouvert, restrictive de liberté, que nous appelons la contrainte pénale», précisant que cette peine ne concernerait que les délits punis de cinq ans de prison ou moins et que les juges pourraient «bien entendu» prononcer à la place des peines de prison. Il n'empêche qu'elle ouvre grand les portes des établissements pénitentiaires. Ce que d'ailleurs elle assume: «Nous allons détruire, pulvériser les méthodes qui consistent à prétendre que le bon sens veut qu'il faut enfermer, enfermer et enfermer sans cesse, alors que cet enfermement sans cesse crée du danger pour la société», disait-elle à Marseille, le 22 août dernier.
Selon les derniers chiffres publiés par la Chancellerie en février 2013 et portant sur l'analyse des statistiques de toute l'année 2011, les condamnés à des peines pour délits ont été 117.999. Or, sur ce total, qui représente déjà 99 % de toutes les condamnations à de la prison ferme ou à du sursis, seulement 1199 l'ont été à des peines de cinq ans ou plus d'enfermement. Les autres, soit 98 %, sont potentiellement concernés par la «probation» sans prison du garde des Sceaux. Les condamnés à des peines criminelles, non visées par le nouveau dispositif, n'ont été, quant à eux, que 1258.
• Quels profils seraient susceptibles d'en bénéficier?
Le décryptage des documents de la Chancellerie éclaire sur le public des condamnés pour délit: 33.000 environ pour vol et recel, 23.000 pour infractions à la circulation routière, 8000 environ pour détention ou usage de stupéfiants, 4000 pour outrage et rébellion ou 600 pour abandon de famille.
Mais à côté de ces délits, que d'aucuns pourraient considérer comme véniels, le dispositif Taubira pourrait aussi profiter à des auteurs d'infractions beaucoup plus graves. Ainsi, en 2011, dans la catégorie des moins de cinq ans ferme, on recense plus de 16.000 condamnations pour coups et violences volontaires, plus de 1200 pour commerce et transport d'armes, plus de 1100 pour import-export de drogue - ce ne sont pas là de simples consommateurs -, près de 300 pour homicide involontaire, près de 650 pour violence sur agents et 220 pour proxénétisme.
C'est compter sans les quelque 1800 condamnés à moins de cinq ans pour atteinte et agression sexuelle. La probation, y compris pour des pervers? Pourquoi pas si le suivi est sérieux. Mais vu le volume des dossiers à traiter (déjà 180.000 condamnés en milieu ouvert à ce jour, avec des gestionnaires débordés), les victimes peuvent-elles espérer de vraies garanties? Tony Meilhon, le tueur de Laetitia Perrais, était en 2011 sous le coup d'un sursis avec mise à l'épreuve (équivalent de la probation) lors de ce meurtre qui lui a valu la réclusion criminelle à perpétuité…
• Que va-t-il se passer désormais?
Le projet Taubira peut bien sûr évoluer. Les derniers arbitrages devraient en principe être rendus le 30 août. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n'a pas seulement été prévenu des effets prévisibles de cette nouvelle politique pénale par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Au sein même de la haute magistrature, de discrets messages lui ont été adressés. L'examen du projet en Conseil des ministres aurait déjà été repoussé de septembre à octobre. Se faisant l'écho des craintes des policiers et gendarmes sur le terrain, le député UMP Éric Ciotti a écrit à l'hôte de Matignon lundi pour qu'il retire ce projet qui institue, selon lui, l'«impunité légale».