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Hollande-Barroso : l'affrontement au G8
Mis à jour le 17/06/2013 à 23:39 - Publié le 17/06/2013 à 19:16De gauche à droite au sommet du G8 en Irlande, Herman Van Rompuy, Barack Obama, José Manuel Barroso et David Cameron. Les discussions ont été dominées par l'opposition entre Russes et Occidentaux sur la Syrie.
Le chef de la Commission européenne juge «réactionnaire» la position française sur «l'exception culturelle».
«Réactionnaires» contre «libéraux», les gros mots sont lâchés. José Manuel Barroso, sûrement agacé d'avoir détrôné Angela Merkel au rang de bouc émissaire n° 1 du PS, a accusé lundi la gauche française d'être culturellement «réactionnaire».
La charge, lancée dans un quotidien anglophone - l
'International Herald Tribune - a surpris de la part d'un chef de l'exécutif européen plutôt réputé pour son centrisme, sa rondeur et… sa langue de bois. Dans l'interview, le président Barroso recourt par deux fois à l'épithète «réactionnaire», directement tirée de son passé maoïste au Portugal. La première pour éreinter «une mouvance antiglobalisation» qu'il dénonce régulièrement. La seconde pour attaquer «un courant qui se proclame de gauche mais qui est en fait extrêmement réactionnaire sur le plan culturel». Plus tard, un porte-parole a tenu à préciser que José Manuel Barroso ne s'en était pris nommément ni à la France ni à ses dirigeants.
De l'Élysée jusqu'au ministère de la Culture, l'attaque a fait l'effet d'une bombe, surtout au moment où l'Europe aurait dû s'offrir unie au regard de Barack Obama. Diplomatiquement, François Hollande a accordé le bénéfice du doute: «Je ne veux pas croire que le président de la Commission ait pu tenir des propos sur la France qui seraient ainsi formulés», a-t-il dit depuis Lough Erne, scène irlandaise du sommet du G8. «Je lui ai dit que ses déclarations avaient suscité, comment dire, un certain émoi, une certaine surprise», a ensuite confié François Hollande devant des journalistes, après une rencontre avec José Manuel Barroso qui, selon lui, «s'en est expliqué».
Plus offensive, Aurélie Filippetti avait quant à elle dénoncé dans la journée les propos «inacceptables» tombés d'une Commission «isolée dans sa logique ultralibérale». Du PS ont monté des appels à la démission.
Une victoire à la PyrrhusIl s'agit d'abord de régler les comptes d'une négociation déchirante, vendredi dernier à Luxembourg. Elle a vu la France mise en minorité sur la question de «l'exception culturelle». Face à la Commission et au Royaume-Uni, mais aussi face à des pays jusqu'ici plus conciliants comme l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Ce n'est qu'en agitant son droit de veto que Paris a obtenu que le secteur audiovisuel soit exclu d'un futur accord de libre-échange avec les États-Unis.
Pour beaucoup hors des frontières françaises, c'est une victoire à la Pyrrhus: l'exception culturelle est garantie, sous réserve, avec les États-Unis, et risque de l'être encore moins dans de futures négociations. Le commissaire Karel de Gucht met du sel sur la plaie en répétant que s'il ne peut pas négocier l'audiovisuel, «rien ne l'empêchera d'en discuter» avec Washington. Depuis Berlin, la chancelière enfonce le clou. Elle explique que seule la susceptibilité française a empêché l'UE de s'entendre sur un mandat qu'elle voulait «le moins exclusif possible».
«Je l'ai dit dès le départ et je le dirai à la fin (des négociations avec Washington), il n'est pas question que l'exception culturelle puisse être dans la négociation», a rétorqué François Hollande lundi, après sa rencontre avec José Manuel Barroso.
Le PS prône la confrontation avec l'axe «libéral» Barroso-Cameron-MerkelDerrière cette passe d'armes Bruxelles-Paris se profilent deux batailles qui risquent de s'envenimer entre l'Élysée d'un côté, la Commission et peut-être Berlin de l'autre. La première sera livrée la semaine prochaine lors d'un sommet européen. Le huis clos doit valider l'appel urgent aux réformes et à la discipline budgétaire que Bruxelles a lancé mi-mai au gouvernement Ayrault. François Hollande a déjà donné le ton, répliquant que ce n'est pas à l'équipe Barroso «de dicter (à la France) ce qu'elle a à faire». Au sommet des 27 et 28 juin, c'est Angela Merkel qui tiendra la baguette de l'austérité. En attendant, le PS laisse accroire que tout est de la faute de Bruxelles, pour épargner peut-être un axe franco-allemand péniblement ressuscité treize mois après l'alternance à l'Élysée.
Le second front est celui des élections au Parlement de Strasbourg, dans un an. La droite et la gauche européennes veulent en faire un vrai duel politique, parce que ce scrutin pourrait pour la première fois déterminer le nom… du patron de la Commission. Le PS français l'a bien compris, qui vient d'adopter ce week-end le texte de combat, «Notre Europe». Il prône ouvertement la confrontation avec l'axe «libéral» Barroso-Cameron-Merkel. Les anathèmes du jour le confirment: il ne sera bientôt plus question de prendre des gants