WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Société Groupes extrémistes : le casse-tête de la dissolution
Mis à jour le 07/06/2013 à 22:17 - Publié le 07/06/2013 à 19:32
Serge Ayoub (à gauche), le leader des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, le 12 mai, place des Pyramides à Paris.
Après la mort de Clément Méric, Beauvau examine la meilleure manière d'éradiquer certains groupuscules.
« Tailler en pièces ces mouvements d'inspiration fasciste et néonazie qui font tort à la République»: la formule choc, lancée par Jean-Marc Ayrault au lendemain du meurtre de Clément Méric, étudiant de Sciences Po et militant antifasciste frappé par des skinheads désignés comme «proches» des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), est sans détour. Et la volonté de tordre le cou à certains groupuscules est manifeste. Mais l'entreprise d'éradication ne peut se faire sans méthode tant la tâche est délicate. Sans attendre, le premier ministre a demandé à Manuel Valls et à son homologue à la Chancellerie, Christiane Taubira, «d'étudier toutes les possibilités», en agissant «de façon démocratique et sur la base du droit».
Dans l'arsenal juridique mis à sa disposition, la Place Beauvau va dégainer l'article 212.1 du Code de la sécurité intérieure visant les mouvements prônant la «discrimination, la haine, la violence envers une personne ou un groupe de personnes». Issu de la loi sur les ligues votée en janvier 1936, ce texte cible en particulier les «groupes de combats» et les «milices privées». Il liste sept cas de dissolution des structures qui «provoquent à des manifestations armées dans la rue», «qui ont pour but (…) d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement». Ou encore qui «provoquent la discrimination, à la haine et à la violence envers une personne ou un groupe de personnes» en fonction «de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».
«Pour l'instant, nous passons au crible avec une grande attention la situation des JNR, ainsi que celle du mouvement Troisième Voie qui lui est lié», confie le ministère de l'Intérieur qui rappelle «ne pas être obligé d'attendre la fin d'une enquête judiciaire pour déclencher une procédure administrative». En clair, la Place Beauvau pourrait frapper du poing sur la table très vite, en tout cas avant la comparution du meurtrier présumé de Clément Méric et de ses complices devant un tribunal. «Ce genre de dossier ne se fonde pas sur un seul fait, aussi dramatique soit-il, précise-t-on de même source. Les structures dans le collimateur sont connues des services depuis bien longtemps. Nous n'avons pas découvert leur existence jeudi dernier…»
«Examiner d'autres cas»En marge d'une réunion des ministres européens de l'Intérieur à Luxembourg, Manuel Valls a annoncé vendredi qu'il présenterait «dans les prochains jours des éléments qui, je l'espère, permettront de dissoudre une ou des organisations». Soucieux de ne «pas procéder par amalgame», le ministre se déclare attentif à ce que «chaque dossier soit étayé» pour que «la justice apporte une réponse pénale à chaque acte qui est individuel».
Par ailleurs, Place Beauvau, on précise «ne pas s'interdire d'examiner d'autres cas». Dans le collimateur, à plus long terme, d'éventuels groupuscules de gauche ultra mais aussi le mouvement du Printemps français. Même si son interdiction semble «très compliquée d'un point de vue juridique», juge un analyste.
La loi de 1936 a déjà permis la dislocation de quelque 89 associations et «groupements de fait» grenouillant aussi bien dans les sphères radicales de gauche comme de droite ou dans le fondamentalisme religieux. Pour l'heure, aucune mesure n'a été prise depuis l'accession de François Hollande au pouvoir. La dernière en date, en 2012, visait Forsane Alizza, alias les «Cavaliers de la Fierté» qui entendait établir la charia sur le sol français. En 2006, la Tribu Ka, groupuscule antisémite dont l'objectif était de «remettre le peuple dit “noir” à la tête de l'humanité», avait subi le même sort. Quatre ans auparavant, le groupuscule d'extrême droite Unité radicale avait lui aussi été interdit après qu'un de ses membres, Maxime Brunerie, avait tiré sur Jacques Chirac sur les Champs-Élysées. «Mais, comme nous l'avons déjà constaté dans d'autres circonstances, le mouvement renaquit de ses cendres quelques mois plus tard sous un autre label, les Jeunesses Identitaires, observe un policier. La dissolution ne garantit en rien la disparition d'une association. Une des seules mesures efficaces est la liquidation des biens et le gel des avoirs financiers…»«En cas de reconstitution de ligue dissoute, les auteurs sont interpellés, placés en garde à vue et traduits devant la justice», prévient la Place Beauvau. En théorie, ils encourent trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.
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Serge Ayoub, le leader des JNR, entendu après la mort de Clément MéricQuarante-huit heures après l'agression de mercredi soir rue Caumartin à Paris qui a coûté à la vie de Clément Méric, Serge Ayoub s'est présenté vendredi dans les locaux du Ier district de police judiciaire. Chef file et figure tutélaire des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) et du mouvement Troisième Voie, groupuscule d'extrême droite dont plusieurs gardés à vue sont désignés comme «proches», celui qui se fait aussi appeler Batskin a nié toute responsabilité dans cette affaire. Entendu en qualité de simple témoin, il a rejeté la responsabilité de la rixe mortelle sur l'extrême gauche. Dans le même temps, trois suspects, un homme et deux femmes, ont été relâchés. Cinq autres suspects sont toujours en garde à vue. Deux auraient reconnu avoir frappé la victime. Parmi eux figure un skinhead de 20 ans, auteur présumé du ou des coups mortels. La police mise aussi sur l'audition de témoins et l'exploitation des images de vidéosurveillance, ainsi que sur l'autopsie de la victime, pratiquée vendredi, pour établir les responsabilités dans l'altercation survenue mercredi entre deux groupes de jeunes, les uns d'extrême droite, les autres d'extrême gauche.