Jamel Administrateur
Messages : 14896 Date d'inscription : 25/10/2011 Localisation : Lyon
| Sujet: Dieudonné : le casse-tête de l'interdiction Dim 29 Déc - 20:12 | |
| WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Société
Dieudonné : le casse-tête de l'interdiction
Mis à jour le 29/12/2013 à 20:06 - Publié le 29/12/2013 à 19:58
La définition de la «quenelle» fera l'objet d'un débat judiciaire, à la suite d'une plainte déposée par le président de la Licra, Alain Jakubovicz. Malgré des déclarations volontaristes, le ministre de l'Intérieur reste confronté à un droit strict en matière de libertés publiques.
Ce n'est plus du fait divers ou de l'anecdote, mais presque une affaire d'État. Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur, est sorti de la prudente réserve à laquelle s'astreint depuis toujours la Place Beauvau en matière de censure. Dans une interview au Parisien doublée d'un communiqué vendredi dernier, Manuel Valls a annoncé vouloir étudier «toutes les voies juridiques» pour interdire les «réunions publiques» de l'humoriste Dieudonné, qui «n'appartiennent plus à la dimension créative mais contribuent (…) à accroître les risques de troubles à l'ordre public». «De déclaration en déclaration, il s'attaque de façon évidente et insupportable à la mémoire des victimes de la Shoah.» Une circulaire devrait donc être adressée à tous les préfets afin qu'à partir du 9 janvier prochain, date de départ d'une tournée dans 22 villes en France pour l'année 2014, ces derniers se penchent sur la possibilité d'interdire le spectacle. Dimanche soir, François Hollande a soutenu l'action de Manuel Valls: «Il faut approuver et soutenir le gouvernement et le ministre de l'Intérieur par rapport à des propos ou à des actes dont le caractère antisémite ne peut pas être nié», a déclaré le chef de l'État, au cours d'une conférence de presse. Cette annonce politique à haut risque a suivi deux événements qui se sont déroulés la semaine de Noël: la direction de Radio France a annoncé le 20 décembre qu'elle allait saisir la justice après les propos antisémites de Dieudonné visant Patrick Cohen, l'animateur vedette de la matinale de France Inter. Par ailleurs, le 25 décembre, six jeunes de 18 à 22 ans ont été mis en examen à Lyon pour leur implication dans deux «expéditions punitives» contre des personnes qu'ils accusent d'avoir fait sur Internet le salut de la «quenelle» un geste grossier, réputé antisémite ou qualifié d'«antisystème», inventé en tout cas par le même Dieudonné. Les six garçons s'étaient improvisés justiciers de la communauté juive, en participant à des violences à Lyon et Villeurbanne. Samedi soir, le footballeur Nicolas Anelka, auteur d'un doublé avec West Bromwich Albion en championnat d'Angleterre, a fêté son premier but du jour avec cette «quenelle» si controversée, précisant même dans un tweet qu'il s'agissait «juste d'une spéciale dédicace à (son) ami humoriste Dieudonné». Aussi sulfureux que soit le contexte, il n'est pas certain que le coup de sang de Manuel Valls soit juridiquement efficace. C'est en tout cas une première pour la Place Beauvau. Jacques Verdier, l'avocat de Dieudonné, s'est empressé de faire remarquer que sur la quinzaine de recours portés par les collectivités en annulation de spectacles, tous avaient été perdus. Le Conseil d'État lui-même a déjà donné tort à la mairie d'Orvault (Loire-Atlantique). Le Mrap, qui va poursuivre en justice Dieudonné pour ses propos contre le journaliste Patrick Cohen, se dit même «dubitatif» sur la démarche de Manuel Valls. La définition de la «quenelle», elle-même, fera l'objet d'un débat judiciaire, à la suite d'une plainte déposée par le président de la Licra, Alain Jakubovicz. _____________________________________________________________________________________________________ Aussi sulfureux que soit le contexte, il n'est pas certain que le coup de sang de Manuel Valls soit juridiquement efficace______________________________________________________________________________________________________ «Les préfets ont un sens suraigu de la hiérarchie, ils ont bien compris l'instruction du ministre de l'Intérieur et feront tout pour s'y soumettre, affirme l'un d'eux, mais, il va falloir avoir du costaud pour obtenir gain de cause. Autrement dit, cela peut être politiquement dangereux et en tout cas pas très adroit.» Car le droit est implacable en matière de liberté d'expression. «Ce droit est particulièrement large en ce qui concerne les spectacles humoristiques», souligne Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. «Il faut vraiment que l'atteinte à l'ordre public soit caractérisée etque l'interdiction soit proportionnée au risque», souligne-t-il. «En général, la mesure jugée la plus adaptée se limite à deux barrières et un cordon de CRS, car l'interdiction c'est la bombe atomique», affirme encore ce préfet fataliste, qui rappelle qu'«en la matière, la liberté, c'est la règle et la restriction l'exception». L'affaire est d'autant plus délicate que le pouvoir de police en matière de salles de spectacles appartient aux maires, qui ensuite demandent au préfet le recours à la force publique. En cas de carence du maire, le préfet peut se substituer à ce dernier. Nice ne s'y est pas laissé prendre, puisque la salle du Zénith Nikaïa Live a fait savoir, en amont, à l'artiste qu'elle refusait de le programmer. «Peut-être Nice figure-t-elle dans le programme de la tournée, mais il n'est pas programmé, et cela lui a déjà été signifié il y a deux mois», affirme Christian Estrosi, le maire UMP de la ville, qui s'est toujours violemment opposé à la venue de l'humoriste dans sa ville. «C'est regrettable de devoir en arriver à une circulaire. Il suffirait que tous les producteurs de spectacles prennent leurs responsabilités et estiment qu'il y a des lignes qu'il ne faut pas franchir et des principes sur lesquels il ne faut pas transiger», conclut l'élu, conscient de la fragilité du droit public en la matière. | |
|