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Menaces de mort sur le juge Gentil et trois personnalités
Mis à jour le 28/03/2013 à 19:21 - Publié le 28/03/2013 à 12:25 De gauche à droite: Jean-Michel Gentil, Jean-Pierre Elkabbach, Olivier Schrameck.
VIDÉO - Certaines des lettres du corbeau sont antérieures à la mise en examen de Nicolas Sarkozy.
Le parquet de Paris a ouvert jeudi une enquête préliminaire pour «menaces de mort en lien avec une entreprise terroriste» après la découverte d'inquiétants courriers, accompagnés d'une balle, adressés notamment au juge Jean-Michel Gentil, qui a récemment mis en examen Nicolas Sarkozy, ainsi qu'aux journalistes Jean-Pierre Elkabbach et Michaël Darmon et au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, Olivier Schrameck.
L'affaire suscite d'importants remous politiques, une partie de la gauche accusant les sarkozystes d'être à l'origine du déchaînement du corbeau, puisque les amis de l'ex-chef de l'État ont critiqué publiquement la décision du juge Gentil. Seulement voilà: Jean-Pierre Elkabbach et Michaël Darmon ont reçu leur lettre de menace le 20 mars. Et la mise en examen de l'ancien chef de l'État, suivie des réactions de son camp, n'est tombée que le 21 au soir. Le juge Gentil, pour sa part, a reçu sa lettre, une semaine plus tard, le 27 mars.
Difficile de soutenir que le corbeau ait été activé par les propos d'Henri Guaino, député UMP des Yvelines et sarkozyste du premier cercle, qui dénonçait l'attitude militante, selon lui, du magistrat. Tout au plus le corbeau a-t-il pris prétexte des propos du député pour, dans un second temps, orienter sa vindicte contre le magistrat bordelais.
Se réclamant d'un mystérieux collectif baptisé Interaction des forces de l'ordre (IFO), le corbeau parle dans un style hargneux et décousu de «gaucho bourgeois richissime», de «sale propagande de cinquième colonne, type nazie, pour le compte des socialo-soviétiques».
Poursuivant une logorrhée délirante, ordurière et raciste, il dénonce les «amis gauchos de Canal+», brocarde le «socialo-communiste Bruce Toussaint». Et interpelle notamment Jean-Pierre Elkabbach, à «Europe 1, la Radio rouge» en lui demandant: «le collectivisme serait-il dans vos gènes?» ou «voulez-vous, à nouveau que les gens vous désignent par sales youpins?»
Dans sa lettre au juge Gentil, le scripteur anonyme s'acharne sur le «Syndicat de la magistrature (…) groupuscule de juges rouges révolutionnaires (…)». «Vous êtes physiquement bien protégé», lance l'auteur au magistrat, «mais l'un des vôtres va disparaître.»
«Les cartouches jointes, pour armes automatiques, sont à blanc. Les autres seront réelles», assure l'IFO revendiquant des relais à Paris, Melun, Rouen, Caen et Cherbourg.
Les missives, a priori toutes dactylographiées sur un seul feuillet, sont actuellement expertisées. Ainsi que les pochettes en plastique où étaient glissées les munitions à blanc. Mais le corbeau a d'emblée prévenu: «Nos envois ne comportent ni empreintes ni traces ADN. Inutile d'en rechercher». «Chaque lettre est “personnalisée” mais la phraséologie d'extrême droite, antimédia, antisémite, est commune», relève Michaël Darmon dont le patronyme est mal orthographié, avec un «t» à la fin. «Je reçois cinq ou six lettres d'injures par an mais celle-ci lance des menaces contre mon entreprise et moi-même. C'est pourquoi j'ai porté plainte. Les enquêteurs prennent l'affaire au sérieux. J'ai décliné une protection policière mais je fais attention», précise encore le journaliste d'i-Télé.
Outre la brigade de répression de la délinquance de la PJ parisienne, la sous-direction antiterroriste (SDAT) de Paris a été saisie en raison, précise une source proche du dossier, du «profil institutionnel des cibles».
Un dispositif analogue avait été mis en place lors de la longue traque lancée contre la «cellule 34» qui avait envoyé en 2009 une série de lettres menaçant de mort Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand ou encore Bernard Kouchner. Cette année-là, en septembre, la police avait fini par capturer un quinquagénaire aigri à Hérépian, village des hauts cantons de l'Hérault.
Aujourd'hui, au vu de l'affaire, une partie de la gauche s'en prend violemment à l'équipe Sarkozy. «J'observe quand même qu'il y a une responsabilité des amis de M. Nicolas Sarkozy là-dessus», a assuré l'ex-garde des Sceaux socialiste, Élisabeth Guigou, sur Public Sénat. Relayant la position du Syndicat de la magistrature, classé à gauche, position qualifiée d'«effrayante» par Henri Guaino.