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LE LIBAN SANS GOUVERNEMENT EN PLEINE CRISE SYRIENNE : Najib Mikati démissionne
Dimanche 24 Mars 2013 -
Le départ de Mikati ouvre la voie à une nouvelle crise politique au Liban
A sa sortie du palais présidentiel, M. Mikati a appelé à «l'ouverture d'un dialogue pour la formation d'un gouvernement de salut national dans cette étape difficile».
Le Liban se retrouve hier sans gouvernement après la démission surprise du Premier ministre Najib Mikati à un moment troublé de son histoire en raison des profondes divisions que suscite dans ce pays la guerre civile qui ravage la Syrie voisine.
Le chef d'un gouvernement où le mouvement chiite Hezbollah, allié de Damas, était en position de force, a présenté officiellement hier sa lettre de démission au chef de l'Etat qui va demander au gouvernement d'expédier les affaires courantes. A sa sortie du palais présidentiel, M.Mikati, un sunnite de 57 ans, originaire de Tripoli dans le nord, a appelé à «l'ouverture d'un dialogue pour la formation d'un gouvernement de salut national dans cette étape difficile».
Formé en juin 2011, soit trois mois après le début de la rébellion en Syrie, le cabinet était un attelage étrange. Les partis favorables à Bachar al-Assad étaient majoritaires avec les chiites d'Amal et du Hezbollah, leurs alliés chrétiens dirigés par l'ex-général Michel Aoun et de manière surprenante le chef druze Walid Joumblatt, pourtant contempteur implacable du régime de Damas. Il était la cible permanente du mouvement du 14 mars, un regroupement anti-syrien dirigé par l'ancien Premier ministre sunnite Saad Hariri et ses partenaires chrétiens des Forces Libanaises de Samir Geagea. Même si le gouvernement avait adopté officiellement une politique de «dissociation» avec la guerre à Damas, c'est malgré tout l'affaire syrienne qui indirectement est à l'origine de sa chute. En effet, M.Mikati a voulu imposer la prolongation du mandat du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI, police), le général Achraf Rifi, qui aura 60 ans en avril et doit donc partir à la retraite. «Dans quelques jours, une grande institution de sécurité risque de sombrer dans le vide car son directeur général doit prendre sa retraite. J'avais jugé important dans cette phase délicate qu'il continue dans ses fonctions (...) mais j'ai constaté que le Conseil des ministres ne me suivait pas dans cette voie», a-t-il dit en annonçant la démission du gouvernement. Or cet officier sunnite, très anti-syrien, est la bête noire du Hezbollah.
Ce sont les FSI qui ont joué un rôle déterminant dans l'enquête ayant conduit à l'inculpation par le Tribunal international de quatre membres du mouvement chiite impliqués dans l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. D'ailleurs deux journaux, Al Akhbar et As-Safir ont révélé hier que M.Mikati avait envoyé un message à Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, pour l'avertir se sa démission si le puissant mouvement n'acceptait pas la prolongation du général Rifi dans ses fonctions. M. Nasrallah lui aurait répondu laconiquement: «Fais ce que bon te semble». Autre point qui l'a poussé à jeter l'éponge, son insistance à tenir les élections en juin.
Cependant, les partis chrétiens veulent auparavant changer la loi électorale datant de 1960 qu'ils jugent défavorables à leur communauté. Or, aucune solution consensuelle n'a été trouvée jusqu'à présent. En tout cas, la presse libanaise croit qu'un nouveau gouvernement n'est pas pour demain.
Le quotidien An Nahar, proche de l'opposition hostile à Damas, s'attend à une «longue crise» alors qu'al-Akhbar, de l'autre bord politique, pense que «la démission de Mikati signifie la fin de la politique de dissociation». «Cette démission projette le Liban dans la crise syrienne et on peut
s'attendre à des tensions sécuritaires non seulement sur la frontière avec la Syrie mais aussi à l'intérieur du pays.
Le chaos politique risque d'être long», explique le journal. Al-Moustaqbal, propriété de la famille Hariri, assure que «Mikati a voulu sauter de la barque de Bachar al-Assad car il sent qu'elle coule», et pour al-Joumhouriya, proche de l'opposition, «le plus important, c'est que le statu quo est brisé et qu'il revient aux partis de mettre sur pied un gouvernement de consensus national».