L'opposition syrienne a élu son Premier ministre, Damas bombarde le Liban
Publié le 19.03.13 | 03h35 | mis à jour le 19.03.13 | 10h22
Réunion de la La Coalition nationale de l'opposition syrienne.
La Coalition nationale de l'opposition syrienne a élu lundi soir à Istanbul Ghassan Hitto, un cadre supérieur issu de la mouvance islamiste, premier ministre intérimaire des territoires syriens aux mains de la rébellion, tandis que l'aviation syrienne a bombardé pour la première fois lundi le Liban."Ghassan Hitto a gagné avec 35 voix sur 49", a annoncé Hicham Marwa, membre de la Coalition, au terme du dépouillement des bulletins de vote.
Né en 1964, M. Hitto était jusqu'à l'an dernier cadre supérieur dans une compagnie de télécommunications au Texas (Etats-Unis) mais a rejoint en novembre 2012 les rangs de l'opposition et s'est impliqué dans l'assistance humanitaire à la population syrienne.
Le vote est intervenu après 14 heures de consultations entre les quelque 70 membres de la Coalition, qui pour certains ont décrit Hitto comme un "candidat de consensus" satisfaisant à la fois les courants islamistes et libéraux de l'opposition.
Mais plusieurs membres de la Coalition ont refusé de participer au vote, illustrant la persistance de divisions au sein de l'opposition syrienne.
"C'est un vote transparent, un vote démocratique", a pour sa part commenté le président de la Coalition, Ahmed Moaz al-Khatib, tandis que les électeurs déposaient leur bulletin dans une urne transparente dans la salle de conférence de l'hôtel stambouliote où avait lieu la réunion.
M. Hitto y est arrivé quelques minutes plus tard, accueilli par une salve d'applaudissements.
"Nous vous disons (au peuple syrien) que nous sommes avec vous, et que si Dieu le veut, nous serons victorieux", a déclaré le nouveau premier ministre intérimaire à la presse, ajoutant qu'il saluait le "grand" peuple syrien.
"Nous allons annoncer bientôt le programme de ce nouveau gouvernement", a-t-il indiqué.
M. Hitto était opposé à 11 autres candidats. Son principal concurrent, l'ex-ministre de l'Agriculture de l'ancien président Hafez al-Assad, Assaad Moustapha, a remporté sept suffrages.
Cette élection, prélude à la création d'un gouvernement intérimaire chargé de gérer les territoires du nord et de l'est du pays conquis par les insurgés, intervient alors que l'aviation du régime de Damas a bombardé pour la première fois lundi le Liban.
"L'aviation syrienne a bombardé lundi, pour la première fois depuis le début du conflit il y a deux ans, le nord du Liban, touchant Wadi Khail, près de la ville frontalière d'Arsal", a indiqué le département d'Etat américain, qui confirmait une information de source militaire libanaise.
Une porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland, a parlé "d'escalade significative dans les violations de la souveraineté territoriale libanaise dont la Syrie se rend coupable".
La France a elle aussi dénoncé une "escalade" et une "nouvelle et grave violation de la souveraineté du Liban".
Dans un premier temps, un haut responsable militaire libanais n'avait évoqué auprès de l'AFP que des tirs de roquettes "sur la frontières entre le Liban et la Syrie", sans autre précision.
Elu par une Coalition dont la représentativité est souvent contestée par les militants sur le terrain, M. Hitto devra rapidement confirmer en Syrie même sa légitimité.
"Le premier ministre va se rendre en Syrie et avoir une série de rencontres avec les chefs de groupes rebelles qui combattent le régime d'Assad", a affirmé à l'AFP avant l'élection Samir Nashar, membre de la Coalition.
Ces rebelles délimiteront "jusqu'à quel point ils sont prêts à accepter les prérogatives du premier ministre. Cela pourrait prendre du temps", a-t-il ajouté.
Le chef élu du futur gouvernement bénéficie en tout cas du soutien de l'Armée syrienne libre (ASL), la principale force armée de la rébellion.
"Nous soutiendrons ce gouvernement et travaillerons sous son égide", a déclaré lors d'une conférence de presse avant l'élection Selim Idriss, le chef d'état-major de l'ASL.
"Nous prenons la responsabilité de protéger le gouvernement (intérimaire) dans toutes les zones libérées de Syrie, et si un ministre veut se rendre dans une zone non libérée, nous prenons la responsabilité de le protéger, jusqu'au coeur de Damas", a souligné M. Idriss.
A terme, le gouvernement intérimaire devra nécessairement être basé en Syrie, a souligné un porte-parole de la Coalition, Khaled al-Saleh, insistant sur le fait qu'"un gouvernement qui fonctionnerait via internet ou Skype, ça ne peut pas fonctionner".
M. Idriss a également garanti que l'ASL était en mesure de contrôler les armes qu'on lui confiait, alors que la France s'est dite prête à armer les rebelles avec la Grande-Bretagne, même en l'absence d'un consensus au sein de l'Union européenne.
"Nous espérons que les pays européens prendront la décision de nous donner des armes et des munitions (...) Nous leur donnons toutes les garanties que ces armes ne tomberont pas dans de mauvaises mains ou dans celles d'extrémistes", a-t-il affirmé.
A Washington, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a indiqué lundi que les Etats-Unis "ne font pas obstacle" à une telle démarche de pays européens.
De son côté, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, en condamnant "la force brutale" employée par le président Bachar al-Assad, a estimé que les gouvernements devaient agir rapidement pour éviter "une destruction complète" de la Syrie. "Aujourd'hui, le monde regarde les conséquences (de la guerre) avec horreur", a-t-il ajouté dans un communiqué marquant deux années d'affrontements en Syrie.
AFP
© El Watan