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La bataille des allocations familiales
Mis à jour le 19/02/2013 à 09:36 | publié le 18/02/2013 à 19:48
Pour augmenter les recettes de l'État, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, suggère de fiscaliser les prestations familiales.
La proposition du président PS de la Cour des comptes Didier Migaud de fiscaliser les prestations familiales est accueillie avec prudence à gauche. La droite s'y oppose.Le ballon d'essai fait son chemin. Après la suggestion formulée dimanche par Didier Migaud de fiscaliser les prestations familiales pour augmenter les recettes de l'État, la majorité n'a pas mis longtemps à embrayer lundi. D'abord par la voix de David Assouline, qui, en utilisant le mot clé «légitime» et l'expression «pas tabou», a signifié que le débat était effectivement ouvert chez les socialistes. «Il y a des arguments pour, des arguments contre. En tous les cas, il n'est pas tabou de considérer que le rapport entre le niveau de revenus et le niveau des allocations familiales» puisse être «posé», a déclaré le porte-parole du PS, pour qui «c'est un débat légitime».
Légitime, mais pas encore mûr. À en croire du moins le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, qui a rappelé qu'une mission d'évaluation était en cours sur le sujet. En fonction de ses conclusions, «nous prendrons nos décisions», a-t-il dit. Même prudence du côté du président du groupe PS à ­l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux. «J'attends le rapport qui va être rendu. Tout ce qui permettra dans les prestations familiales d'avoir plus de justice - le gouvernement s'y est déjà engagé -, je souhaite que l'on aille plus avant», a-t-il déclaré.
Au sommet de l'État, on sait le sujet sensible, voire explosif. À Matignon, ainsi, on dit attendre le rapport Fragonard pour ne pas avoir à répondre. Mais, lundi, déjà, le PCF s'est insurgé, dans un communiqué, contre cette idée, estimant que la politique familiale n'est «pas une variable d'ajustement».
En attendant, ballon d'essai ou pas, à droite les réactions ne se sont pas fait ­attendre non plus. Sur Europe 1, Jean-François Copé y a vu «la énième goutte d'eau qu'on va enlever de la mer, en faisant croire qu'on va réduire le déficit». Mais «cela ne vaut pas politique économique mobilisatrice», a-t-il ajouté. Invitée du «Talk Orange-Le Figaro», Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes et secrétaire générale de l'UMP, a déploré la «méthode» du gouvernement. Mais pourquoi pas «une vraie réflexion sur les allocations familiales», a-t-elle lancé.
Un instrument de répartitionCandidate à la candidature UMP à ­Paris pour les municipales, Nathalie Kosciusko-Morizet a estimé pour sa part que les allocations familiales ne devaient pas devenir un instrument de répartition. «Quand on veut faire d'un instrument de politique familiale un instrument de justice fiscale, on passe à côté de ses objectifs, il y a de meilleurs moyens de ­faire», a-t-elle observé. Plus direct, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, aujourd'hui député des Yvelines, a jugé qu'«il (fallait) arrêter l'entreprise de destruction massive de tout notre système social, de notre politique familiale».
Concrètement, au siège de l'UMP, dans un document de travail de deux pages, on distingue déjà «trois raisons» pour s'opposer à ce projet. Estimant que «le gouvernement bricole des expédients pour tenter de limiter la casse financière qui se profile»,on peut y lire que «fiscaliser les allocations familiales, c'est augmenter les impôts, alors même que la Cour des comptes recommande d'arrêter les taxes et de baisser la dépense publique (…), c'est encore et toujours ponctionner les classes moyennes, qui sont déjà les premières victimes des hausses d'impôts décidées par François Hollande - taxations des heures supplémentaires et de l'épargne salariale, hausse de l'impôt sur le revenu pour 16 millions de ménages (…). Enfin, c'est encore fragiliser notre politique de la famille, qui est pourtant enviée dans toute l'Europe pour son efficacité!» Dans ce document de travail de l'UMP, les rédacteurs concluent: «S'il y a une politique que les Allemands nous envient, c'est bien celle-là! Après avoir raboté le quotient familial, François Hollande veut toucher les allocations familiales. Ce n'est pas responsable.»
Du côté du Front national, Florian Philippot, un de ses dirigeants, a jugé «inadmissible» l'hypothèse d'une fiscalisation des allocations, pointant plutôt «la mauvaise dépense publique» de l'État. Le FN prône la suppression de ces allocations aux familles étrangères (hors UE) résidant en France.