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Bonnes et mauvaises graisses : faire la part des choses
Publié le 15/01/2013
Le Nutella a récemment été épinglé pour sa forte teneur en huile de palme.
AVIS D'EXPERT - Mangeons-nous trop gras ? L'huile de palme est-elle à bannir ? L'analyse du Pr Jean-Marie Bourre, membre de l'Académie de médecine et auteur de «La nouvelle diététique du cerveau» (éd. Odile Jacob).
Les graisses, ou lipides, viennent d'être officiellement réhabilitées.
Enfin, le «gras» n'est plus mis à l'index dans les recommandations alimentaires, au contraire. Et nous découvrons, encore une fois, que nous vivions depuis de nombreuses années sur des dogmes de santé publique nés de la confusion trop courante entre interdiction et modération. Ces nouvelles préconisations renvoient aussi au bien-être, tournant enfin le dos au dogmatisme de la toxico-pharmaco-nutrition! En effet, il n'est pas question de remettre en cause la lutte contre les excès de graisses pour prévenir certains cancers, le syndrome métabolique (qui associe notamment obésité, diabète, hypertension, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie), les maladies cardio-vasculaires, et même la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Mais les nouvelles préconisations dénotent des modifications majeures dont il faut désormais tenir compte pour équilibrer notre alimentation.
Pour ce qui est de la contribution énergétique, on a enfin supprimé l'objectif présupposé idéal, mais irréalisable, compte tenu de nos habitudes alimentaires, de restreindre à 30 % des apports en calories les graisses de notre alimentation. C'est d'autant plus réaliste que, facteur aggravant, ce seuil trop bas constituait une source de déficit en certaines graisses indispensables, oméga-3 particulièrement, ainsi qu'en vitamines A, E et D qui, naturellement dissoutes dans les graisses, les enrichissent.
Il est donc désormais recommandé d'élever la part des graisses à 35-40 % des calories alimentaires, soit 60 à 90 grammes quotidiens, selon le sexe et la taille, moyennant quoi la consommation moyenne des Français ne devrait plus désormais être considérée comme excessive. Notez que, par définition (réglementaire!), une huile constitue un corps gras qui se trouve liquide à partir de 15 °C, alors qu'une graisse est solide.
Tous les acides gras saturés ne sont pas équivalentsIl a longtemps été de tradition d'opposer les mauvais acides gras saturés, générateurs de cholestérol, qu'on trouve dans les graisses solides, le plus souvent cachées (beurre, crème, lard et saindoux et autres graisses animales…) aux bons acides gras insaturés: les monoinsaturés qui font la réputation notamment de l'huile d'olive et de ses bienfaits dans le régime méditerranéen, et aussi les polyinsaturés, comme les oméga-3, réputés pour leur action protectrice sur la fonction cardio-vasculaire, que nous devons obligatoirement trouver dans les aliments car notre organisme ne sait pas les fabriquer, tout comme les minéraux, les oligo-éléments et les vitamines. Les oméga-3, associés aux oméga-6, n'étaient-ils pas d'ailleurs autrefois dénommés vitamine F?
Le cholestérol en excès peut boucher les artères, ne le négligeons jamais, mais n'oublions pas non plus que
les corps gras contribuent aussi à notre bonne santé, et donnent fréquemment bon goût et saveur à ce que nous mangeons. Les nouvelles recommandations alimentaires reviennent donc sur certains dogmes culinaires: si l'huile d'olive garde toutes ses vertus, il est conseillé de ne pas en abuser ; en revanche, les produits laitiers, en particulier les fromages, acides gras saturés autrefois bannis, sont revus à la hausse pour notre plus grand plaisir. Surtout, certains gras sont dits «essentiels», ; c'est le cas des oméga-3, dont les bénéfices reconnus pour la santé doivent inciter à les inviter beaucoup plus souvent dans nos assiettes: poissons gras (saumon, sardine, maquereau, hareng), huiles de noix et de colza, sans oublier les œufs, à condition qu'ils soient proches des «sauvages», pondus par des poules convenablement nourries. Attention toutefois aux poissons d'élevage qui, alimentés industriellement, contiennent de moins en moins d'oméga-3, au risque de rendre obsolète la prescription de consommer au moins deux fois par semaine du poisson (dont au moins une fois du poisson gras), afin de diviser par deux le risque d'infarctus (et plus encore le risque d'AVC!)
La palme de l'opprobre?Tous les acides gras saturés ne sont pas équivalents. Ainsi, l'acide palmitique est pointé du doigt, comme le plus à risque, en particulier pour les maladies cardio-vasculaires, au point que certains ont bruyamment proscrit l'huile de palme, jusqu'à présent largement utilisée en restauration collective et dans l'industrie agroalimentaire.
Pourquoi donc incriminer l'huile de palme? Parce qu'elle contient environ 50 % d'acide palmitique, un acide gras que nous fabriquons en quantité, surtout si notre alimentation est trop chargée en graisses, mais aussi en sucres. Cet acide s'accumule dans le tissu adipeux, une particularité physiologique que nous partageons avec les mammifères, la consommation alimentaire venant en quelque sorte en supplément de l'acide fabriqué par notre organisme, et le «trop» est rapidement atteint, en particulier lorsque les entrées énergétiques alimentaires sont supérieures aux dépenses… Mais, s'il est vrai que ce surplus vient plus vite avec l'huile de palme qu'avec les autres graisses et huiles alimentaire, l'acide palmitique n'est pas pour autant toxique!
D'abord,
l'huile de palme n'a rien à voir avec certains acides gras «trans», dont il est avéré qu'ils sont nocifs pour la santé, quand ils résultent d'une hydrogénation partielle, principalement industrielle, de graisses insaturées liquides à température ambiante. Mieux, c'est cette huile de palme qui a permis de réduire l'utilisation des «trans» dans les produits transformés. Issue de la chair du fruit du palmier à huile, c'est une graisse «concrète», c'est-à-dire solide à température ambiante, ce qui favorise effectivement son utilisation industrielle, d'autant qu'elle est six fois moins chère que le beurre. Quant à l'acide palmitique, s'il augmente certes le taux de cholestérol plus que d'autres acides gras saturés, il ne saurait être dangereux aux très faibles quantités d'huile de palme que nous ingérons, de trois à quatre grammes par jour et par Français, sur une consommation totale moyenne recommandée de 80 grammes de matière grasse…
Il n'y a guère d'aliment mauvaisInitialement, la mise à l'index de l'huile de palme reposait sur la déforestation, notamment en Indonésie, provoquant la disparition des orangs-outangs. Mais, comme les corps gras sont indispensables en cuisine partout dans le monde, l'huile de palme a alors été souvent remplacée par celle de soja… Ce qui a multiplié par sept la déforestation, en Amazonie notamment! En effet, le palmier à huile est beaucoup plus productif que les oléagineux classiques. Pour punir quelques Indonésiens et Malaisiens peu scrupuleux, faudrait-il ruiner les paysans en Afrique, en Nouvelle-Calédonie, et bien d'autres encore? Peut-on laisser interdire l'emblématique pâte feuilletée? À moins de revenir à un fondamental culinaire: le beurre…
Mais, les vieilles lunes ont la vie dure et on ne manquera pas d'opposer comme toujours le gras animal, dogmatiquement néfaste, aux graisses végétales, auréolées de tous les bienfaits… Même si le palmier est végétal, alors que l'huile de chair de poisson est un médicament remboursé par la Sécurité sociale!
Il n'y a guère d'aliment mauvais, mais veillons à les consommer toujours avec modération, méfions-nous de leur mauvaise utilisation et soyons vigilants, afin que les étiquettes parlent plus et plus clairement, pour ne pas se priver, en connaissance de cause et avec modération, de l'onctuosité conférée par les graisses et huiles à d'innombrables préparations culinaires…