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 Yahia Zoubir, professeur en relations internationales : «L'Algérie aurait dû entreprendre une action militaire»

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Jamel
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Jamel


Messages : 14896
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MessageSujet: Yahia Zoubir, professeur en relations internationales : «L'Algérie aurait dû entreprendre une action militaire»   Yahia Zoubir, professeur en relations internationales : «L'Algérie aurait dû entreprendre une action militaire» Icon_minitimeMar 15 Jan - 11:20

Yahia Zoubir, professeur en relations internationales : «L'Algérie aurait dû entreprendre une action militaire» Logo3

Actualités : YAHIA ZOUBIR, PROFESSEUR EN RELATIONS INTERNATIONALES :

«L’Algérie aurait dû entreprendre une action militaire»


Yahia Zoubir, professeur en relations internationales : «L'Algérie aurait dû entreprendre une action militaire» 15012013
Le professeur YAHIA ZOUBIR

Entretien réalisé par Tarek Hafid

Enseignant en relations internationales et directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management Marseille, le professeur Yahia Zoubir décrypte les deniers événements qui se sont produits au Mali. Selon lui, au risque d’être accusée de connivence avec des groupes terroristes, l’Algérie s’est retrouvée dans l’obligation d’ouvrir son espace aérien aux chasseurs français engagés au Mali. Le reniement des engagements politiques de la part d’Ansar Dine a été l’élément majeur du changement de position des autorités algériennes.

Le Soir d’Algérie : En accordant l’autorisation de survol de son espace aérien à l’aviation française, l’Algérie soutient-elle indirectement l’opération militaire engagée par ce pays au Mali ?

Yahia Zoubir :
Cela ne fait pas de doute, c’est même un soutien logistique direct puisqu’il facilite considérablement cette intervention. L’opinion publique algérienne semble être opposée à cette décision. Il semblerait cependant que les autorités algériennes aient été exaspérées par le changement d’attitude d’Ansar Dine qui a soutenu Aqmi dans son incursion vers le sud du Mali. La stratégie de l’Algérie consistait à séparer les terroristes de ceux qui ont des revendications légitimes, c'est-à-dire les Touareg, les Songhaïs et les Arabes qui ne sont pas impliqués dans le terrorisme. Mais l’Algérie s’est retrouvée face à un sérieux dilemme car elle a toujours été contre la partition du Mali. Au début du conflit, Ansar Dine disait : nous voulons l’instauration de la Charia dans les régions du Nord mais nous sommes contre la division du Mali. Or, ces deux dernières semaines, ce groupe s’est engagé dans une initiative de prise du pouvoir. Donc si l’Algérie s’était opposée à cette opération militaire française, elle aurait été accusée de connivence avec Ansar Dine ou avec les terroristes comme l’ont suggéré certains dans un passé récent. Le gouvernement algérien s’est retrouvé dans une position où il n’avait d’autre choix que de soutenir l’intervention militaire française pour empêcher la destruction de l’Etat malien. Objectivement, l’Algérie ne s’est jamais réellement opposée à une intervention militaire. Elle a toujours déclaré qu’elle soutenait une lutte sans merci contre le terrorisme, d’où la décision de créer le Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cémoc). Donc dans l’absolu, cette situation n’a rien de surprenant. Ce qui est surprenant, c’est la précipitation dont a fait preuve la France d’autant plus qu’il était prévu de donner la priorité à une approche politique pour essayer de dissocier entre les organisations qui ont des revendications politiques et les groupes terroristes. La décision d’Ansar Dine de se joindre à Aqmi et au Mujao pour envahir le sud a totalement changé la donne, forçant ainsi un changement dans la position algérienne et déclenché une nouvelle situation sur le terrain. Même les Etats-Unis, qui ont pourtant soutenu la France dans l’intervention échouée en Somalie, semblent avoir été pris par surprise concernant l’intervention au Mali.

L’option d’un dialogue inclusif, avec la participation active d’Ansar Dine, a-t-elle été une erreur des autorités algériennes ?

Il faut reconnaître que c’est une approche difficile, mais elle a eu tout de même l’aval des Etats-Unis. L’Algérie a tenté de donner la priorité au dialogue politique avant de s’engager dans une aventure militaire dont les conséquences peuvent être désastreuses pour la région. Quoi qu’il en soit, l’option politique demeure d’actualité car même avec l’opération militaire, les revendications politiques des populations du Nord doivent être prises en charge sinon l’instabilité perdurera encore plus longtemps. Il faudrait aussi connaître les répercutions que ce conflit militaire va engendrer. Pour l’Algérie, l’étape actuelle consiste à fermer hermétiquement ses frontières. Elle avait déjà commencé à les renforcer, ce qui présuppose qu’elle s’attendait à une intervention militaire de la France.

Vous avez précisé que la France a agi dans la précipitation. Pourquoi le président Hollande a-t-il agi aussi rapidement pour engager ses troupes au Mali ?

Il est certain que cette intervention favorise la position de François Hollande d’un point de vue interne. Cet engagement militaire a surpris ses adversaires. Hollande, qui a toujours été accusé d’être indécis, a démontré qu’il peut agir avec fermeté. Comme aux Etats-Unis, on juge très souvent un président par sa capacité à prendre des décisions graves, telles qu’envoyer des soldats vers des terres étrangères. Généralement, le président reçoit le soutien non seulement de la population mais aussi celui de l’opposition, sans oublier celui des pays de la Cédéao, de l’Union européenne et des Etats-Unis. Hollande a obtenu cette mobilisation. La classe politique, ainsi que les Français en général, vont se focaliser beaucoup plus sur la politique étrangère que sur les problèmes internes. Aussi, la France a des intérêts à défendre dans cette région et cela inclut aussi la protection de ses citoyens au Mali. Le gouvernement français utilise cet argument pour protéger d’autres intérêts non destinés à la population et de justifier l’intervention militaire. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi l’opposition n’a pas critiqué l’échec de l’opération commando en Somalie. Le gouvernement peut arguer qu’il a agi fermement pour libérer son otage, un membre des services de renseignement.

Certaines informations font état d’une forte résistance des djihadistes. Le spectre d’une «guerre longue et difficile» se profile déjà. La France a-t-elle les capacités de s’engager dans un tel conflit ?

Je pense que la France risque fort bien de s’embourber dans ce conflit. Il est important de rappeler tout d’abord que cette situation est en partie le résultat de l’engagement de la France en Libye. Tous les groupes présents au Mali — MNLA, Ansar Dine, Aqmi et Mujao — ont profité de la crise libyenne pour s’équiper en armements sophistiqués. Nul ne connaît l’issue de cette opération. Avec son économie actuelle, la France ne pourra pas gérer une guerre à long terme sans conséquences internes.

Quelles seraient les conséquences d’un échec de cette opération ?

Tout dépendra de sa durée. Le risque est qu’il y ait une mobilisation des djihadistes à un niveau international. A ce titre, il faudra suivre de près la réaction de certaines milices libyennes qui pourraient rejoindre le front antioccidental au Mali. Il faut également s’attendre à des attaques terroristes dans les pays occidentaux, à commencer par la France. Sur le plan régional, il y a un risque sérieux de déstabilisation. Voyez l’Afghanistan, les opérations militaires durent depuis plus de onze ans et rien n’a été réglé pour autant. L’initiative de l’Algérie visant à séparer les organisations politiques des groupes terroristes était une démarche rationnelle mais elle est venue un peu tard. Les autorités algériennes auraient dû intervenir militairement avec les pays du champ dans le cadre du Cémoc. L’Algérie aurait dû nettoyer le nord du Mali pour protéger ses frontières. Elle aurait pu prendre le «drive’s seat» alors que maintenant elle est forcée d’intervenir aux côtés des forces étrangères à la région ; elle avait clamé haut et fort qu’elle ne souhaitait pas une telle situation. A présent, elle l’a à ses portes. Il ne fait aucun doute que le président Hollande a réussi son coup en ce sens qu’il a forcé la main aux Etats-Unis et à l’Algérie pour les impliquer dans ce conflit. L’Algérie fait face à un des plus graves dangers depuis son indépendance.

L’Algérie a péché par légalisme ?

Un peu, elle a poussé la notion de non-ingérence au-delà de ses limites. Elle aurait dû entreprendre une action militaire légitime pour aider son voisin qui le lui demandait. La Mauritanie n’était-elle pas bien intervenue au Mali ? L’Algérie aurait dû faire de même puisqu’elle avait l’aval des autorités maliennes. A quoi alors a servi le Cémoc ?

T. H.
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