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Mobilisation historique contre le mariage pour tous
Publié le 13/01/2013 à 20:44
Des centaines de milliers de manifestants ont convergé au pied de la tour Eiffel, lieu de rassemblement des cortèges dimanche contre la mariage homosexuel.
Selon les organisateurs, près d'un million de personnes ont défilé dimanche à Paris. Ils demandent à être reçus à l'Élysée.Une marée humaine «bleu-blanc-rose» a déferlé sur Paris. Dimanche 13 janvier, la Manif pour tous, rassemblement national contre le projet de loi du mariage pour tous, a remporté le pari de la mobilisation.
Quelque 340.000 opposants au projet de loi sur le mariage homosexuel ont battu le pavé selon la Préfecture de police. Ils étaient environ un million, selon les organisateurs. Cette dernière estimation ferait du défilé la première manifestation la plus importante sur un sujet sociétal depuis trente ans. Quel que soit le chiffre retenu, la Manif pour tous arrive ainsi au-dessus du seuil de 300.000 personnes que ses organisateurs s'étaient fixé comme objectif. De quoi donner des ailes au collectif soutenu par l'Église catholique et l'UMP et emmené par la médiatique et provocatrice Frigide Barjot, autoproclamée «catho déjantée»
Démonstration de forceEn fin d'après-midi, au Champ-de-Mars, point de convergence des trois cortèges partis de place d'Italie, Denfert-Rochereau et porte Maillot, les manifestants scandaient encore leurs slogans «Les papas, les mamans, dans la rue on descend, le mariage on défend», «Taubira t'es foutu, la famille est dans la rue» ou «Tous nés d'un homme et d'une femme». Cette démonstration de force avait pour objectif premier d'obtenir, après deux mois d'attente, un rendez-vous avec le chef de l'État. «La manif sera réussie quand le président nous recevra. Il faut qu'il nous entende, qu'il suspende le projet de loi et ouvre des états généraux pour informer les Français du changement historique sur la filiation», a insisté Frigide Barjot.
Sur le podium installé dos à la tour Eiffel, l'égérie du mouvement a lu en fin de journée un «appel solennel au président de la République», reprenant l'anaphore utilisée par François Hollande dans son face-à-face télévisuel avec Nicolas Sarkozy avant l'élection présidentielle. «Vous, président de la République, ne pouvez ignorer cette foule considérable et diverse qui se lève spontanément et pacifiquement contre le projet de loi “mariage et adoption pour tous” (…)Vous, président de la République, serez-vous celui qui décrétera que l'on peut naître sans homme ou sans femme? a-t-elle scandé. Le peuple vous demande aujourd'hui de convoquer des états généraux de la famille, du mariage, de la filiation et des droits de l'enfant et, dans un geste de réconciliation nationale, de recevoir dès demain à l'Élysée ceux que les Français envoient pacifiquement devant vous.»
Dans un froid glacial, jeunes, vieux et familles avec enfants tentaient de se réchauffer en agitant des milliers de drapeaux roses au rythme saccadé de tubes techno. Nombre d'entre eux n'étaient jamais descendus dans la rue auparavant pour exprimer leur opinion. «Certains nous ont demandé ce matin comment faire pour manifester», rapporte Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita et porte-parole du collectif, «frappé par la qualité de la mobilisation, à la fois grave et festive». À ses côtés, Béatrice Bourges, à la tête du collectif pour l'enfant et également membre organisateur, se réjouissait de ce «rassemblement calme et joyeux qui a gagné les immeubles avec une multitude de drapeaux roses accrochés aux fenêtres». «La Manif pour tous ne sera pas sans lendemain. Nous ne laisserons pas la rue aux promoteurs de ce projet de loi», promettaient hier ses organisateurs, galvanisés par la foule. Ainsi, la Manif pour tous pourrait être reconduite si le chef de l'État n'accède pas à la demande de rendez-vous des «anti».
La présidence de la République a réagi dans la foulée, évoquant une manifestation «consistante» mais qui «n'empêchera pas le débat au Parlement» sur le projet de loi sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels, en séance publique à l'Assemblée nationale à partir du 29 janvier. Les pro mariage gay ont pour leur part prévu de s'exprimer dans la rue le 27 janvier.
Appel au calme et à l'humourLe cortège de l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes, distinct des trois défilés de la Manif pour tous mais programmé sur une partie de son parcours, a rassemblé 8 000 personnes selon la police. Aucun incident notable n'avait été recensé dimanche en fin de journée, une des grandes craintes des organisateurs. Soucieux de préserver l'esprit «bon enfant» et «familial» du défilé parisien du 17 novembre dernier, conscient que la bataille du mariage pour tous s'apparente aussi une «bataille de la com», les organisateurs avaient multiplié les consignes d'appel au calme et à l'humour aux manifestants. Objectif: éviter tout dérapage homophobe et toute réponse à d'éventuelles provocations de militants LGBT (lesbiens, gay, bi et trans). Mais les contre-manifestants ne sont pas venus en nombre et ont témoigné leur désaccord de manière pacifique.
Le seul incident médiatique de la journée est venu du collectif lui-même. Un de ses porte-parole, Xavier Bongibault, fondateur de l'association «Plus gay sans mariage», s'est perdu dans un parallèle confus entre Hollande et Hitler: «Dire que tous les homos ont pour seul instinct sexuel leur orientation sexuelle, c'est la ligne qui était défendue par un homme que l'Allemagne a bien connu à partir de 1933 et c'est la ligne que François Hollande défend aujourd'hui.» Xavier Bongibault est revenu plus tard sur ses propos, qui n'entachent pas le succès de l'événement, ont estimé les organisateurs. En début de soirée, le collectif de la Manif pour tous, épuisé, ému mais euphorique, annonçait que les manifestants continuaient à se joindre au rassemblement le soir tombé, sous les lumières de la tour Eiffel, dans le brouhaha des tubes techno.