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Ayrault : les Sages ne font «que reporter la décision»
Mis à jour le 29/12/2012 à 19:45 | publié le 29/12/2012 à 15:43
Jean-Marc Ayrault, le 18 décembre dernier à Matignon.
Le premier ministre a annoncé que le gouvernement présenterait un «dispositif nouveau» après la censure du Conseil constitutionnel. Mais la mesure emblématique de François Hollande devra être sérieusement remaniée.Après la décision du Conseil constitutionnel d'annuler la taxation exceptionnelle de 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros par an, le premier ministre a annoncé que le gouvernement présenterait dans le cadre de la prochaine loi de finances de 2014 un «dispositif nouveau». Recommencer à zéro est en effet la seule possibilité laissée au gouvernement s'il veut mettre en oeuvre sa mesure. Toute décision du Conseil constitutionnel est incontournable. Elle s'impose à toutes les autorités administratives et juridictionelles et il n'y a pas de recours possible. Nicolas Sarkozy avait, sans succès, tenté de contourner l'avis des Sages en 2008. Il avait demandé à la Cour de cassation de rendre applicable la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés, alors que la mesure venait d'être censurée par le Conseil constitutionnel. Le président de la Cour de cassation avait refusé, rappelant que les décisions des sages s'imposent à toutes les juridictions.
«Difficile politiquement de conjugaliser la taxation»Présenter un nouveau dispositif donc, mais comment faire pour qu'il ne soit pas à nouveau invalidé par les sages? Le premier ministre a assuré que ce nouveau texte serait «conforme aux principes posés par la décision du Conseil constitutionnel». Selon lui, ce sont les revenus de 2013 qui seront de fait taxés.
«Cela ne fait que reporter la décision», a-t-il jugé. «Il ne s'agit pas de faire une polémique permanente autour de la fiscalité», a poursuivi le premier ministre. Mais «nous souhaitons maintenir» cette mesure «parce qu'elle symbolise la nécessité que l'effort soit le plus équitablement partagé». «Ce n'est pas une mesure qui va durer toute la vie, a-t-il aussi rappelé, mais c'est une mesure qui doit durer le temps nécessaire au redressement de nos comptes publics et au redressement de notre pays». Elle «symbolise la volonté de justice fiscale du gouvernement», a ajouté Ayrault tout en assurant qu'il ne s'agissait pas d'une «guerre fiscale». Le premier ministre estime que la censure des Sages est avant tout «symbolique mais pas sévère» du budget 2013. La taxe à 75% n'est supprimée que «temporairement», a-t-il fait valoir.
Le Conseil constitutionnel a reproché à cette taxation de s'appliquer aux personnes physiques et non au foyer, qui est la base de prélèvement de l'impôt sur le revenu. Concrètement, avec cette taxation, un couple, dont chaque membre percevrait un revenu de 900.000 euros, se trouverait exempté, tandis qu'un autre, dont un seul membre gagnerait 1,2 million d'euros et l'autre rien, devrait l'acquitter, ce que les Sages jugent injuste. «Respecter la décision du Conseil constitutionnel en conjugalisant la taxation à 75% est facile à imaginer en droit, mais plus difficile politiquement», explique Guy Carassone, constitutionaliste, au
Figaro. Deux possibilités s'offrent au gouvernement, indique le constitutionaliste:
• Taxer à 75% les foyers gagnant plus de 2 millions d'euros par an. «Mais il y en a très peu», poursuit le spécialiste. La taxation exceptionnelle dans sa version initiale devait déjà toucher seulement environ 1 500 personnes, qui auraient payé en moyenne 140.000 euros à ce titre
• Taxer à 75% les foyers gagnant plus d'1 million par an. «Mais il y en a beaucoup plus que ceux visés initialement par la mesure», indique Guy Carcassone. A titre indicatif, il y aurait en France selon l'outil développé par l'économiste Thomas Piketty plus de 30.000 Français gagnant plus de 500.000 euros par an, donc susceptibles d'être visés, s'ils sont en couple avec quelqu'un gagnant autant qu'eux.
Quelle que soit la solution choisie, la mesure emblématique de François Hollande change de substance. Sans compter qu'un nouveau texte apportera de nouvelles oppositions, et que le Conseil constutionnel pourra à nouveau être saisi.