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Hollande offre à l'Algérie de sceller «la paix des mémoires»
Mis à jour le 21/12/2012 à 15:46 | publié le 20/12/2012 à 20:56
François Hollande à la tribune du Palais des nations d'Alger, devant les représentants des deux chambres du Parlement algérien.
Le chef de l'État mise sur «la vérité» pour apaiser la relation franco-algérienne. «L'histoire, même quand elle est tragique, douloureuse, doit être dite. Je vais la dire ici.» François Hollande avait promis de dire la «vérité» sur le passé de la France en Algérie sans basculer dans la repentance. Il est passé à l'acte jeudi matin à la tribune du Palais des nations d'Alger, devant les représentants des deux chambres du Parlement algérien.
«Nous devons la vérité à tous ceux pour qui notre histoire commune reste douloureuse, blessée avec des cicatrices qui peinent, cinquante après, à se refermer, qui veulent ouvrir une nouvelle page», a-t-il affirmé. «Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom, la colonisation. Je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien.» Et de revenir sur les massacres commis par la France, en particulier sur celui de Setif, le 8 mai 1945. «À Setif, la France a manqué à ces valeurs universelles qu'elle a contribué à faire éclore.»
«Nous devons le respect à toutes les mémoires»«Nous devons le respect à toutes les mémoires, et donc la vérité sur la violence, sur l'injustice, sur la torture», a insisté le président. Ce mot, les autorités françaises ne l'avaient pas encore employé ainsi.
François Hollande propose aux Algériens et aux Français de contribuer ensemble à établir les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la guerre d'Algérie en ouvrant toutes les archives aux historiens pour que «cette vérité puisse être connue de tous. Cette paix des mémoires repose sur la connaissance et la divulgation de cette histoire.»
Pour se tourner vers l'avenir, le chef de l'État évoque les liens humains qui unissent les deux pays. Les 700.000 Algériens vivant en France et ceux qui ont «contribué à façonner la France». Mais aussi les rapatriés, ces «Français nés en Algérie qui gardent le pays dans leur cœur et qui sont partis dans les conditions que l'on connaît avec un déchirement dont ils ne se sont pas remis».
À la fin de ce discours, la délégation française, ravie, se lève pour applaudir le président. François Hollande a su trouver «le bon équilibre», explique le ministre Kader Arif, d'origine algérienne. «Il n'a pas besoin d'être dans l'excès ou dans l'extravagance du verbe», assurait l'avocat Jean-Pierre Mignard, ami de François Hollande, juste avant l'intervention. Le président n'a pas cherché d'effet rhétorique ni n'a insisté sur les mots. Ce qu'il a dit «était suffisant», estime le député des Bouches-du-Rhône Patrick Mennucci.
Main dans la mainCôté algérien, on est un peu plus réservé. Si les parlementaires se sont levés pour saluer le discours de François Hollande, les applaudissements n'ont pas été fracassants. La vérité dont a parlé le chef de l'État n'est perçue que comme une étape, même si elle va dans la bonne direction. «Quand on veut dire la vérité, il faut aller au bout», explique un député algérien. Pour autant, nul ne pose la question de la repentance en tant que telle. «Le mot vérité vaut reconnaissance. La reconnaissance des méfaits de la colonisation, c'est une avancée importante», insiste Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs. Elle émet cependant des réserves sur l'un des dossiers épineux du moment, l'hypothèse d'une intervention militaire au Mali.
Après une décennie de déception (le traité d'amitié de 2003, qui n'a jamais été signé) ou de tension (à cause de la loi de 2005 sur les «aspects positifs de la colonisation»), François Hollande est là pour apaiser les relations avec l'Algérie. «L'expression “nouvel âge” n'est pas mal», concède l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui avait été chargé par le gouvernement d'une mission en Algérie pour y préparer des accords économiques.
«Faire l'histoire à notre tour»À Tlemcen, pour la dernière étape de son voyage, François Hollande a posé les derniers actes de cette volonté de réconciliation, main dans la main avec Abdelaziz Bouteflika. «Avec le sentiment de faire l'histoire à notre tour», a déclaré le chef de l'État, lors d'un discours à l'université. L'hommage au président algérien est appuyé, notamment pour son rôle dans la pacification du pays. «Vous avez eu une enfance douloureuse, vous avez vécu dans des années de trouble, vous avez parfois grandi dans la peur», a-t-il lancé à destination des jeunes Algériens. «Mais à l'image de l'Algérie, vous êtes sortis victorieux de ce combat. Vos parents se sont réconciliés et le mérite en revient au président Bouteflika.»
Tout au long de son déplacement, François Hollande s'est montré très positif vis-à-vis du régime algérien. Pas de critiques, même si les policiers installés tous les cent mètres sur le parcours du cortège officiel rappellent la nature du pouvoir à Alger.
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Chirac en 2003, Sarkozy en 2007En mars 2003, à Alger, Jacques Chirac parle de «la conquête et de l'affrontement, la colonisation, avec ses ambitions, ses rêves, ses rendez-vous manqués, ses injustices, ses passions…»
Le 27 février 2005, l'ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, déclare sur la répression sanglante de Sétif: «Je me dois d'évoquer une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt soixante ans: une tragédie inexcusable.»
En décembre 2007, à Constantine, Nicolas Sarkozy affirme que «le système colonial était injuste par nature et il ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation»… «Je n'oublie ni ceux qui sont tombés les armes à la main pour que le peuple algérien soit de nouveau un peuple libre, ni les victimes d'une répression aveugle et brutale, ni ceux qui ont été tués dans les attentats, ni ceux qui ont dû tout abandonner.»