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Le coup d'éclat spatial de Kim Jong-un
Mis à jour le 12/12/2012 à 19:59 | publié le 12/12/2012 à 19:09
Salle de contrôle lors du tir de la fusée Unha 3, à Cholsan, dans le nord-ouest de la Corée du Nord.
INFOGRAPHIE - Le tir réussi de la fusée Unha 3 conforte le pouvoir du jeune leader nord-coréen. Washington dénonce une provocation.Kim Jong-un a gagné ses galons. Moins d'un an après son accession au pouvoir suprême, le jeune leader de la Corée du Nord a remporté le premier grand succès de son règne. En plaçant en orbite un objet dans l'espace, comme l'a admis Washington, le Royaume ermite a rejoint de fait le club très fermé des puissances spatiales. Un exploit technologique historique pour l'un des pays les plus pauvres du monde et un coup de maître pour le dirigeant âgé de moins de trente ans. Même s'il reste à confirmer que le satellite nord-coréen fonctionne, le tir réussi de la fusée Unha 3 permet à l'héritier de Kim Jong-il de faire coup double: défier les États-Unis tout en renforçant son emprise sur l'armée et les élites de Pyongyang. «C'est un énorme succès pour Kim qui lui permet de peser face à Washington», explique Paik Wooyeal, de l'université Sungkyunkwan, à Séoul.
Grand bond en avantAprès avoir brouillé les pistes en annonçant lundi un probable report, Pyongyang a pris ses voisins de court en lançant avec succès sa fusée à trois étages, mercredi matin, bravant des températures sibériennes tout comme les résolutions de l'ONU qui lui interdisent l'usage de la technologie balistique. Alors qu'en avril dernier, l'engin avait explosé au bout de quelques secondes, cette fois le premier étage s'est détaché comme prévu au-dessus de la mer Jaune puis le projectile a poursuivi sa course par-dessus l'archipel japonais d'Okinawa avant de s'abîmer à l'est des Philippines, selon la trajectoire annoncée par le Comité coréen de technologie spatiale. Une véritable gifle pour la riche Corée du Sud rivale, championne du high-tech mais dont la tentative de mise sur orbite d'un satellite a une nouvelle fois échoué le mois dernier. Un triomphe salué avec fracas par la propagande à Pyongyang, où des camions armés de haut-parleurs ont diffusé la «bonne nouvelle» sur les avenues staliniennes de la capitale.
Le décollage d'Unha 3 est un rappel à l'ordre pour Barack Obama, fraîchement réélu, qui a misé jusqu'ici sur une stratégie d'isolement du trublion nord-coréen. L'absence d'ouverture diplomatique durant la campagne présidentielle américaine a déçu Pyongyang qui rêve d'un marchandage en tête à tête avec la première puissance mondiale et d'un traité de paix pour garantir la sécurité de son régime. «La fusée a pour objectif de mettre d'entrée la pression sur le prochain secrétaire d'État américain. Et éventuellement de négocier en position de force», explique Woo Jung-yeop, expert au Asan Institute. Le succès du tir complique la donne pour l'Administration américaine puisqu'elle permet à Pyongyang de faire un grand bond en avant dans sa quête d'un missile intercontinental capable de menacer directement le territoire américain.
La Maison-Blanche a immédiatement dénoncé un acte «hautement provocateur» et promis des «conséquences», en coordination avec ses alliés de la région. À Séoul, le président Lee Myung-bak a tenu une réunion d'urgence pendant que Tokyo dénonçait un acte «intolérable». Même la Chine, seul allié de Pyongyang, a exprimé son regret mais appelé la région au «calme». Pourtant au-delà de ce chœur de condamnation, le front anti-Pyongyang manque d'options pour presser un régime déjà bardé de multiples sanctions onusiennes. «La réalité, c'est que les États-Unis ne peuvent rien faire. Ils ne vont pas bombarder Pyongyang! Et la Chine ne punira pas son allié», prédit Paik. Déjà, à Washington les faucons ont lâché les premières banderilles contre la Maison-Blanche, dénonçant une politique «d'apaisement». «Pyongyang ne comprend que la force et l'action», a déclaré Ileana Ros-Lehtinen, présidente de la commission des Affaires étrangères au Congrès.
Éviction brutaleLe coup de poker spatial réussi de Kim Jong-un survient à point nommé sur la scène intérieure pour solidifier son pouvoir à l'heure où il tente de mettre au pas la puissante armée. «Il mène des purges, il a créé beaucoup de mécontents. Ce succès va lui permettre de renforcer son leadership auprès des élites», juge Paik. Car depuis l'été, et l'éviction brutale du chef de l'armée Ri Young-ho, le tout jeune «grand dirigeant» s'attaque aux prébendes des militaires, cœur du pouvoir de Pyongyang, au risque de déclencher des résistances susceptibles de déstabiliser son pouvoir.
La percée technologique de la fusée lui permet également d'asseoir son prestige auprès de ses 23 millions de sujets, dont un nombre croissant sont conscients du décrochage économique béant de leur pays face à ses voisins. Dans la manche de Kim, la carte nationaliste reste l'un des derniers atouts.