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Égypte : soutien massif des islamistes au président Morsi
Publié le 01/12/2012 à 18:34
Samedi, au Caire.
Des dizaines de milliers de militants Frères musulmans et salafistes ont manifesté samedi au Caire pour soutenir le projet de Constitution. Publié vendredi, le texte devrait être soumis à référendum dans les quinze jours après son approbation par le président.Ils n'étaient pas trois millions, comme l'a clamé un orateur enthousiaste. Mais les Frères musulmans et les salafistes ont réussi leur pari en rassemblant plus de 50.000 personnes autour de l'université de Gizeh, pour soutenir le président Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans, et le projet de Constitution publié en hâte vendredi par la Commission constituante, entièrement composée d'islamistes depuis le départ de ses membres libéraux
Les manifestants pro-Morsi avaient reporté leur rassemblement, prévu mardi, pour ne pas causer de friction avec l'importante manifestation des libéraux, opposés à la Constitution, qui se réunissaient le même jour sur la place Tharir, lieu symbolique de la révolution anti-Moubarak. Samedi, les islamistes ont choisi de rester autour de l'université, à dix minutes de la place Tahrir où quelques milliers de personnes continuaient de camper pour réclamer le retrait de la Constitution, qu'ils jugent trop religieuse et dangereuse pour les libertés.
Les islamistes ont indéniablement réussi leur démonstration de force. À 16 heures, quatre heures après le début du rassemblement, des marches continuent d'arriver de plusieurs quartiers du Caire. Les manifestants viennent aussi de toutes les régions, amenés par des bus qui stationnent dans les avenues proches. La manifestation déborde largement de la vaste place de l'université. Le ton et l'allure des manifestants contrastent avec ceux de la place Tharir, mélange d'hommes et de femmes, de bourgeois, de gens du peuple et de chrétiens. Ici, la foule est presque entièrement masculine, populaire et majoritairement barbue.
On scande et chante «Égypte islamique! Égypte islamique!»Il y a aujourd'hui deux Égypte. Celle de l'université s'embarrasse moins de précautions oratoires que le président, qui cherche à rassembler. Des drapeaux égyptiens flottent au dessus des têtes, avec l'inscription «il n'y a de Dieu que Dieu» rajoutée au milieu. Il y aussi les drapeaux noirs des salafistes. On scande et chante «Égypte islamique! Égypte islamique!» Ou «le peuple veut la charia de Dieu!» (la loi islamique). On conspue les juges, qui font grève, et la Haute Cour constitutionnelle, qui s'apprête à retoquer la «proclamation» qui, actuellement, donne provisoirement des pouvoirs étendus au président. «Morsi, supprime la Cour constitutionnelle!» s'écrie un militant des «Frères» au micro de la tribune. On dénonce les médias: une affiche rassemblant les portraits des principaux présentateurs de journaux télé est frappée à coups de chaussures. On s'attaque aussi aux leaders de l'opposition, parfois dans un style particulier: une banderole montre le président Morsi flanqué de «ses six femmes», à savoir les chefs de l'opposition coiffés de perruques… Une moquerie courante pour ridiculiser l'adversaire.
La quasi-totalité de la galaxie islamiste, majoritaire aux élections législatives, est présente: les Frères musulmans et leur Parti de la justice et de la liberté, le Mouvement salafiste et sa traduction politique, le parti al-Nour «(La lumière») et même le parti Wasat, («Le centre») qualifié de «modéré.» Les salafistes avaient oeuvré pour une version encore plus dure de la Constitution, mais malgré leurs réticences, ils ont décidé de soutenir le président.
«Pain, liberté, charia islamique!»Difficile parfois de distinguer qui est qui: les salafistes ne portent pas tous la barbe longue et la robe courte «comme au temps du Prophète.» Et les militants des «Frères», à la barbe courte, tiennent souvent le même langage que les intégristes. «On a essayé tous les systèmes occidentaux, le socialisme, le capitalisme, que sais-je…Pourquoi ne pas essayer l'État islamique? Les gens en ont peur, mais ils ne l'ont pas essayé…» dit un commerçant d'Alexandrie, sympathisants des Frères musulmans, et fier de montrer sa carte d'identité: il s'appelle Mohammed Morsi, comme le président.
Toutefois, certains appartiennent visiblement à une tendance plus moderniste: «Un État normal avec un fond islamique, pas une théocratie», proteste Mohammed Chaaban, un pharmacien de la région du Fayoum, à 160 km au sud du Caire. Mais les orateurs qui se succèdent sur les tréteaux lancent des mots d'ordre bien plus radicaux dans la sono saturée: «Soyez patients! Ce sera la victoire de Dieu, pas la nôtre! Le peuple a pris sa décision, il veut la charia!» crie le meneur de jeu. Un des fondateurs du Mouvement salafiste d'Alexandrie, Cheikh Mohammaed Ismail al-Muqadim, présentateur sur une chaîne religieuse, détourne le slogan de la révolution anti-Moubarak: «Pain, liberté, charia islamique!» clame-t-il.
Pour lui comme pour tous les manifestants, c'est ici, à l'université, que sont les vrais révolutionnaires. Ceux de la place Tahrir sont noyautés, dit-il, par les anciens du régime Moubarak. Deux Égypte pour une révolution. Les partisans de Morsi sont convaincus de gagner. «Il y aura 70 % de ‘oui ‘ au référendum» assure Mohammed Chaaban, le pharmacien du Fayoum.