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Pourquoi Notre-Dame-des-Landes cristallise les tensions
Mis à jour le 23/11/2012 à 22:28 | publié le 23/11/2012 à 15:42
FOCUS - Retour sur le projet d'aéroport du Grand-Ouest vieux de 50 ans, les raisons qui ont motivé sa naissance et les arguments opposés par ses détracteurs.L'opposition à la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, s'est radicalisée depuis quelques mois.
Le Figaro vous propose de faire le point sur les enjeux de ce projet soutenu par le gouvernement et les élus locaux ainsi que sur les arguments opposés par ses détracteurs.
• Quelle est l'histoire du projet?C'est en 1965 que naît l'idée d'un aéroport du Grand-Ouest. Une zone d'aménagement différé (ZAD) de 1225 hectares est créée à Notre-Dame-des-Landes, à 20 km de Nantes, en 1974. Le projet s'intègre alors dans un plan national d'aménagement visant à créer des «métropoles d'équilibre» pour contrebalancer l'hypercentralisation du pays. Le projet reste toutefois dans les limbes pendant près de 30 ans avant de refaire surface au début des années 2000. Tous les élus, de droite comme de gauche, à l'échelon local ou national, soutiennent alors l'initiative.
Lorsque le Grenelle de l'environnement prévoit en 2007 le gel de toute création d'aéroport en France, le député-maire de Nantes Jean-Marc Ayrault n'a d'ailleurs aucun mal à obtenir le soutien du premier ministre François Fillon, ancien président de la région Pays de la Loire. Le projet d'aménagement est maintenu au motif qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une nouvelle infrastructure mais plutôt du «transfert» d'installations existantes motivé par des «raisons environnementales». Le projet est finalement reconnu «d'utilité publique» en 2008. L'État signe en décembre 2010 un contrat de concession avec Vinci avec pour objectif une mise en service en 2017. Le coût du projet est chiffré à 580 millions hors taxes.
• Pourquoi un nouvel aéroport?L'aéroport de Nantes-Atlantique serait, avec 3,5 millions de passagers prévus en 2012, proche de la saturation. «Les prévisions de saturation pour 2020, avec 4 millions de passagers, risquent de se vérifier plus rapidement», explique au
Monde Eric Delobel, directeur général adjoint chargé du futur aéroport chez Vinci Airports.
Les partisans du transfert estiment que le nouvel aéroport permettra aussi de résoudre les problèmes de sécurité et de nuisances sonores posés par les 10.000 survols annuels à basse altitude (moins de 500 mètres) du centre-ville nantais. Cela permettrait aussi de préserver la faune et la flore du lac de Grand Lieu, classé Natura 2000, et survolé à basse altitude par la moitié des avions qui atterrissent.
Le dernier argument est d'ordre économique. L'aéroport du Grand-Ouest est perçu comme «un accélérateur d'accessibilité et de croissance», un projet générateur d'emplois assurant un meilleur rayonnement européen et international de la région. La délocalisaton de l'aéroport existant permettrait par ailleurs de récupérer les 600 hectares qu'il occupe à des fins d'urbanisation (la communauté de communes estime pouvoir loger 16.000 personnes dans l'espace libéré).
• Pourquoi ça coince?Les agriculteurs des cinquante exploitations agricoles qui devaient être impactées par le projet se réunissent dès 1972 au sein de l'Association de défense des exploitants concernés par l'aéroport (Adeca). Ils sont rejoints en 2000, quand le projet est remis au goût du jour, par l'Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport (Acipa) fondée par neuf riverains. L'opposition est d'abord motivée par le refus de quitter cette terre agricole faite de bocages et qui avait paradoxalement été protégée par le statut de zone d'aménagement différée (ZAD) décrétée en 1974 en vue de l'établissement de l'aéroport. Détournant l'acronyme ZAD, la zone d'implantation de l'aéroport est rebaptisée «Zone à défendre».
Les écologistes ne tardent pas à rejoindre le combat pour défendre un lieu riche en biodiversité et manifester leur opposition à une forme de promotion du transport aérien - jugé néfaste pour l'environnement. En 2007, l'ensemble des opposants se regroupent au sein d'une «coordination». Devant le refus de l'État et de la région de revoir leur copie, la lutte se radicalise peu à peu. Elle attire notamment l'attention des anticapitalistes adeptes d'opérations spectaculaires telles que l'actuelle occupation des lieux.
• Quels sont les arguments des opposants?Pour eux, le projet est «anachronique». Il a été pensé à une époque, les années 60-70, où les problématiques environnementales n'étaient pas les mêmes. La région fait face aujourd'hui à une disparition inquiétante des terres agricoles. L'aéroport AGO conduirait à la disparition de 1650 hectares et d'une centaine d'emplois agricoles (une majeure partie des exploitants aurait pourtant réussi à trouver un accord avec Vinci).
D'autre part, à une période où tout est fait pour limiter l'utilisation de la voiture, l'éloignement de Nantes et le manque de desserte ferroviaire poseraient problème (bien qu'une ligne de tram-train soit envisagée pour relier le centre-ville au nouvel aéroport dès 2017).
Au-delà des arguments purement écologiques, c'est l'intérêt même de l'établissement d'un nouvel aéroport qui est remis en cause. La saturation évoquée par les partisans du projet ne tient pas la route, selon ses opposants. À la fois parce qu'elle serait basée sur des estimations trop hautes de l'évolution du trafic aérien et parce qu'ils sous-estiment les capacités de l'actuel aéroport.
Ils mettent en avant certains aéroports dans le monde, tels que Gatwick, en Angleterre, qui parviennent à faire voyager 10 fois plus de voyageurs avec la même surface. Au moment de l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll, le trafic à Nantes a été multiplié par trois sans que cela ne pose de problème, soulignent-ils dans
Le Monde . Ils signalent enfin que d'autres aéroports régionaux, à Rennes ou Anger, sont sous-utilisés et pourraient absorber une partie du trafic.
Les 560 millions d'euros que coûterait le nouvel aéroport (4 milliards en comptant les projets ferroviaires et autoroutiers, selon
Le Canard enchaîné) constitueraient donc à leurs yeux une dépense inutile.