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Pourquoi la bataille d'Alep s'éternise
Mis à jour le 13/08/2012 à 20:27 | publié le 13/08/2012 à 20:08
Un rebelle de l'Armée syrienne libre posté dans un appartement d'Alep, mardi.
Malgré sa puissance de feu, l'armée régulière ne parvient pas à prendre un avantage décisif sur les insurgés.La bataille d'Alep continue, avec son lot quotidien de morts et de destructions sous les pilonnages de l'artillerie et de l'aviation syrienne. Mais l'armée régulière ne progresse que lentement malgré sa puissance de feu supérieure. Les révolutionnaires de l'Armée syrienne libre se seraient repliés de certaines de leurs positions, notamment du quartier de Salaheddine, mais restent présents dans d'autres faubourgs de l'est de la ville dans lesquels ils sont entrés par surprise le 22 juillet dernier.
La dynamique de la bataille reste celle d'une révolution, plus que celle d'un affrontement militaire. L'enjeu est moins le contrôle du terrain que celui de la population. Le régime syrien doit prouver aux habitants d'Alep qu'il représente toujours le gouvernement légal, et qu'il est en mesure de chasser de la ville les groupes armés. Les insurgés doivent gagner le soutien de la population, seul moyen pour eux de renverser le régime.
Pour le moment aucun des deux camps n'a réussi à prendre un avantage décisif sur l'autre dans cette guerre psychologique.
D'un point de vue militaire, le gouvernement syrien bénéficie d'un énorme avantage matériel. Disposant d'artillerie lourde, de blindés, d'hélicoptères et d'avions, l'armée régulière peut frapper à distance les insurgés. Mais cette puissance a ses limites. Le combat de rue annule en partie la supériorité de l'armée. Les exemples ne manquent pas d'insurgés motivés et mobiles capables de résister longtemps dans les ruines d'une grande ville.
Taux de désertion préoccupantUne autre limite de l'armée syrienne est son manque d'unités fiables. La troupe est à l'image de la population: majoritairement sunnite, sans être forcément gagnée à l'insurrection, elle n'offre pas les garanties de fiabilité suffisante pour l'employer directement dans des opérations décentralisées, encore moins pour l'utiliser directement dans la répression. Les taux de désertion, sans être massifs, restent suffisamment élevés pour être préoccupants. Une chose est de pilonner une ville à distance, tactique habituelle de l'armée syrienne depuis les bombardements de Beyrouth pendant la guerre civile libanaise. Une autre est de lancer son infanterie dans des combats de rue où seuls des soldats motivés, entraînés à agir de façon autonome et décentralisée, sont efficaces.
Les révolutionnaires, eux, ont d'autres limites. Outre leur manque criant d'armes et de munitions, les insurgés ne parviennent pas à gagner à eux la population. Après être entrés dans des quartiers d'Alep qui leur étaient déjà acquis d'avance, comme Salaheddine, Sahrour, Tariq al-Bab ou Nasaken Hanano, majoritairement sunnites, les insurgés n'ont jamais vraiment réussi à gagner à leur cause le reste de la ville. Sceptiques, inquiets, attentistes, ou tout simplement partisans de la légalité, la majorité des habitants d'Alep n'ont pas rejoint la révolution.
Ni les révolutionnaires ni l'armée régulière n'ont pour l'instant les moyens de l'emporter. Les destructions et les victimes civiles jouent contre les deux camps. Le gouvernement peut difficilement prétendre incarner la légalité en pilonnant à l'artillerie lourde la deuxième ville du pays. Il risque, en outre, de fournir à la communauté internationale l'occasion de se mobiliser, si les destructions augmentent et le bilan civil s'alourdit.
Un précédent dangereuxLes révolutionnaires, de leur côté, peuvent difficilement prétendre protéger la population contre les chabiha, les milices irrégulières de Bachar el-Assad, si leur présence prolongée entraîne des destructions massives. Les exécutions sommaires commises par les insurgés, débordement classique des guerres civiles et des révolutions, ne font rien pour améliorer leur image auprès de la majorité syrienne, attentiste ou légaliste.
La situation n'est pourtant pas figée. Selon la règle de la guerre contre-insurrectionnelle, le régime perd quand il ne gagne pas, alors que les insurgés gagnent quand ils ne perdent pas. Bachar el-Assad doit à tout prix reprendre rapidement Alep. Son gouvernement a déjà pratiquement perdu le contrôle de trois des quatre frontières du pays: le nord avec la Turquie, le sud avec la Jordanie, et l'est avec l'Irak. La chute d'une ville aussi importante serait un précédent dangereux.
Les révolutionnaires, eux, font face aux problèmes de toutes les insurrections. Si le contrôle des campagnes peut être assuré de façon décentralisée, par des petits groupes armés recrutés localement, mener des offensives contre une armée régulière nécessite un commandement centralisé et une organisation logistique dont les insurgés manquent toujours. Politiquement, leur absence de programme clair pour l'après-Bachar et leur manque de coordination avec leurs représentants à l'extérieur jouent contre eux. Le recrutement presque exclusivement musulman et sunnite des insurgés leur fournit le soutien quasi automatique d'une partie des faubourgs des grandes villes syriennes. Mais il inquiète les autres communautés, et les empêche d'étendre leur influence au-delà de leurs coreligionnaires.