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Le débat de l'entre-deux-tours sans impact sur le résultat
Mis à jour le 01/05/2012 à 19:48 | publié le 30/04/2012 à 16:42 Le plateau sur lequel s'affronteront mercredi François Hollande et Nicolas Sarkozy.
VIDÉO- Rituel du second tour, le face-à-face télévisé n'a jamais, depuis son apparition en 1974, modifié le rapport de force entre les candidats. Décryptage.C'est l'apogée de la campagne du second tour. Depuis sa création en 1974, le débat de l'entre-deux-tours a marqué les esprits, délivrant quelques-unes des répliques les plus connues de la vie politique comme le fameux «Vous n'avez pas le monopole du cœur» de Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand en 1974. Mais cette aura est inversement proportionnelle à l'influence du face-à-face télévisé. Jamais le débat n'a permis de modifier le rapport de force entre les candidats. Quelle que soit la performance des intéressés, quelle que soit l'intensité du débat.
VIDEO : INAhttp://www.ina.fr/presidentielles/duels-presidentiels/video/I00017840/valery-giscard-d-estaing-vous-n-avez-pas-le-monopole-du-coeur.fr.html
En 1981, François Mitterrand domine Valéry Giscard d'Estaing. Crédité de 51,5% des intentions de vote, le socialiste ne décolle pourtant pas. Bis repetita avec le débat sous tension de 1988, l'ascendant que François Mitterrand prend sur Jacques Chirac ne trouve pas d'écho dans les sondages qui le maintiennent entre 54 et 55%. Constance identique en 1995, débat souvent considéré comme le plus apathique de la Ve République, Jacques Chirac reste entre 52 et 53%. Même l'édition 2007 où Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal adoptent des postures opposées - lui le calme, elle une combativité mordante - ne provoque pas de fluctuation notable. Au lendemain du premier tour, Ségolène Royal est créditée le 26 avril 2007 par l'Ifop de 46% des voix, de 47,5% le 30 avril, puis au lendemain du débat du 2 mai de 47% des voix. Soit une perte de 0,5% d'intentions de vote. C'est peu vu le regard sévère que les sondés de l'Ifop portent sur la socialiste. Seuls 38% l'ont jugée convaincante contre 59% pour l'ancien ministre de l'Intérieur. La performance de la présidente de la région Poitou-Charentes lui vaut même de perdre 13 points de sympathie.
VIDEO : INAhttp://www.ina.fr/video/VDD11039843/debat-2007-segolene-royal-nicolas-sarkozy-les-petites-phrases.fr.html
Le débat conforte les électeurs dans leurs opinionsPolitologues et sondeurs estiment qu'au maximum le face-à-face peut faire glisser 200 à 300.000 voix. Pas de quoi décider une présidentielle, même celle de 1974, qui fut celle où la différence de suffrages entre les candidats fut la plus serrée: 424.000 contre 1.065.000 en 1981, 2,5 millions en 1988, 1,5 million en 1995 et 2,2 millions en 2007. Plus l'avance du favori sur le challenger est marquée, plus le débat a une influence marginale, résume au
figaro.fr Christophe Piar (1), maître de conférences à Sciences Po.
Plus que de faire changer d'opinion, un débat conforte l'électeur dans son choix. «Celui qui est considéré comme le vainqueur du débat est toujours le favori des sondages», note Christian Delporte (2), spécialiste de la communication politique. «L'électeur retient ce qu'il a envie d'entendre et estime que son champion a été le meilleur.» «Aucune étude ne démontre un “effet débat” sur les indécis qui se décident plutôt selon une logique de vote de soutien au vainqueur ou vote de soutien au perdant», souligne le chercheur.
Un débat tardif et consensuelLe débat d'entre-deux-tours constitue avant tout un «un élément majeur de la dramaturgie de la campagne qui passionne les médias», observe Christian Delporte. Le duel intervient trop tardivement, à quelques jours du deuxième tour, pour peser. Les opinions sont déjà cristallisées pour 80% des électeurs. Or dans les pays où les débats ont lieu bien en amont du scrutin, rappelle Christophe Piar, leur effet est plus tangible. En 2010, la première confrontation entre David Cameron, Gordon Brown et Nick Clegg révèle ce dernier. Au final, son parti, les libéraux-démocrates, raflera 5 points de plus aux législatives britanniques que ce que prédisaient les enquêtes d'opinion du début de campagne.
«L'électeur est plus sensible à la persuasion que quand on essaie de le convaincre ouvertement», nuance Christophe Piar. «La manière dont les médias couvrent l'actualité a plus d'influence sur l'opinion qu'un débat. Particulièrement celui de l'entre-deux-tours, qui est le summum de la communication et du contrôle.» À cela, il faut aussi ajouter le ton traditionnellement consensuel de ce duel. Jusqu'à présent, l'enjeu était de «séduire» les électeurs centristes, ce qui conduisait les candidats à rapprocher leurs positions. 2012 pourrait cependant marquer une rupture, suggère le politologue. «Le débat du 2 mai est inédit car il s'agit de rassembler les électeurs de Marine Le Pen, ce qui pourrait amener les duellistes à insister sur leurs divergences.» Une occasion potentielle de réévaluer l'impact réel du débat.
(1) Christophe Piar est l'auteur de
Comment se jouent les élections. Télévision et persuasion en campagne électorale, INA Éditions, 313 p.
(2) Christian Delporte est l'auteur des
Grands Débats politiques, ces émissions qui ont fait l'opinion, Flammarion/INA Éditions, 448 p.