Le HuffPost avec AFP | Publication: 31/05/2014 10h45 CEST | Mis à jour: 31/05/2014 12h05 CEST
INTERNATIONAL - Les appels au boycott se multiplient contre des hôtels de luxe appartenant à Brunei en raison de la charia instaurée dans le sultanat. Parmi ces établissements, le Meurice et le Plaza Athénée à Paris.
En cause : l'introduction progressive depuis début mai par le puissant sultan Hassanal Bolkiah, l'une des plus grandes fortunes mondiales, de la loi islamique dans ce petit État situé sur l'île de Bornéo.
La nouvelle législation de Brunei (moins de 400.000 habitants en 2011) prévoit l'amputation de membres pour les voleurs, la flagellation pour la consommation d'alcool ou l'avortement, ainsi que la lapidation pour divers crimes.
Depuis plusieurs semaines, des appels au boycottage des hôtels chapeautés par le sultanat se succèdent. Ils ont reçu vendredi l'appui du commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht. Le commissaire "soutient la campagne de sensibilisation contre la loi inacceptable sur la charia, via le boycottage des hôtels Dorchester par de nombreuses personnalités internationales", a annoncé son porte-parole John Clancy, sur son compte Twitter.
Les Nations unies ont également exprimé leur "profonde inquiétude" et l'ONG Human Rights Watch a dénoncé des "châtiments moyenâgeux".
Avant elles, étaient intervenus notamment le patron de Virgin, le milliardaire britannique Richard Branson, le PDG du groupe de luxe Kering (Gucci, Saint Laurent...), François-Henri Pinault, le comédien britannique Stephen Fry, ou l'animatrice de télévision américaine Ellen DeGeneres.
Plusieurs centaines d'annulations
La célèbre rédactrice en chef de Vogue aux Etats-Unis, Anna Wintour, avait auparavant déclaré qu'elle ne pouvait "en conscience" continuer de descendre au Meurice à Paris bien qu'elle l'affectionne, "de même que les rédacteurs en chef de Vogue", et ce, malgré le "fort impact que la situation peut avoir sur l'équipe" du palace de la rue de Rivoli. Et d'évoquer le risque que les hôtels Dorchester soient "désertés au profit de la concurrence" pendant les prochaines "fashion week(s)" à Londres, Milan et Paris.
Le groupe compte en effet dix hôtels de luxe où se bouscule une clientèle riche et souvent en vue : les palaces parisiens Plaza Athénée et Meurice, le Dorchester et 45 Park Lane à Londres, le Principe di Savoia à Milan, mais aussi le Coworth Park à Ascot, le Richemond à Genève, l'Eden à Rome, ainsi que le Bel-Air et le Beverly Hills Hotel à Los Angeles. Le groupe Dorchester appartient à l'Agence d'investissement de Brunei, un fonds souverain contrôlé par le sultanat du Brunei.
Selon France Info, plusieurs centaines d'annulations, notamment de célébrités américaines ont été enregistrées pour le Plaza Athénée ou le Meurice à Paris. À Los Angeles, depuis le début du boycott, le Beverly Hills Hotel aurait déjà perdu plus d'un million d'euros.
"Réactions hypocrites"
Interrogé par l'AFP vendredi, le directeur général de Dorchester Collection, François Delahaye, s'est dit "stupéfait de voir l'ampleur que cette affaire prend", en s'inquiétant de son impact pour les 3500 salariés. "C'est de l'acharnement. Et les seules personnes qui vont être affectées par ce boycott, ce sont les 3500 salariés du groupe, certainement pas le sultan", a-t-il estimé.
"Je ne suis pas en train de défendre la charia, loin de là", a souligné François Delahaye. "Mais qu'est-ce qu'un aubergiste a comme poids face à une décision politique et religieuse ?". Par ailleurs, "si on devait sanctionner tous les hôtels de prestige qui ont des capitaux là où sévit la charia, il n'y aurait plus beaucoup d'hôtels de prestige où descendre", selon lui.
Le responsable de Dorchester Collection a dénoncé certaines "réactions hypocrites": "M. Pinault nous boycotte alors que beaucoup de marques de luxe de son groupe vendent dans des pays où on pratique la charia. Avant de donner des leçons aux autres, on balaie devant sa porte". Il a rappelé qu'aucun des pays où sont implantés les hôtels du groupe n'appliquent la charia.
"La Dorchester Collection est une entreprise où règnent des valeurs", a-t-il fait valoir. "Beaucoup de nos hôtels sont dirigés par des femmes".
Russel Crowe contre le boycott
L'acteur américain Russel Crowe a indiqué sur Twitter qu'il ne comptait pas boycotter les hôtels du groupe pour ne pas menacer l'emploi de ses salariés, "des personnes avec des familles, qui travaillent dur". L'acteur propose en revanche de boycotter le pétrole en provenance de Brunei.
Aux États-Unis, le conseil municipal de Beverly Hills a adopté une résolution enjoignant le sultanat asiatique de vendre l'hôtel Beverly Hills et d'autres propriétés qu'il possède dans la ville.
Une porte-parole de la diplomatie américaine a évoqué en début de semaine l'inquiétude des États-Unis après l'instauration de la charia à Brunei, tout en précisant que Washington ne s'associait pas à l'appel au boycott de ces hôtels.