Le Monde.fr | 29.04.2014 à 19h45 • Mis à jour le 30.04.2014 à 10h49 | Par Mathilde Damgé
Les « petites retraites » françaises seront finalement épargnées par le plan d'économies de Manuel Valls. Mais de quoi parle-t-on réellement ?
L'Assemblée nationale donne son avis, mardi 29 avril, sur le plan d'économies de 50 milliards de Manuel Valls. L'un des points de discussion les plus marquants a porté sur les petites retraites. Le plan d'économies prévoyait le gel, pendant un an, des pensions du régime de retraite de base, un effort similaire étant demandé aux retraites complémentaires. Seul le minimum vieillesse (791,99 euros pour une personne seule) était épargné par le gel.
Voir la vidéo : Valls confirme une « mesure forte » en faveur des retraités modestes
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1 200 euros
Face à la fronde au sein de la majorité à l'annonce du plan, le gouvernement a finalement décidé d'épargner les petites pensions de retraite jusqu'à 1 200 euros. Les modalités ne sont pas encore définitivement arrêtées mais le projet privilégie la piste de la cotisation sociale généralisée (CSG), qui serait appliquée à un taux plus faible en dessous de ce seuil.
Un geste qui ne semblait pas possible jusqu'ici. En octobre 2013, lors de l’examen de la réforme des retraites, le gouvernement avait refusé de les épargner au motif qu'il était impossible de connaître le détail des pensions des retraités (qui peuvent en toucher plusieurs), exception faite des bénéficiaires du minimum vieillesse, bien identifiés par les caisses.
Mais qui sont les « petites retraites » ? Le montant de 1 200 euros est-il pertinent ? Qui sera concerné ?
1 563 euros
La moyenne des pensions était de 1 256 euros en 2011. Mardi matin, la député PS des Hautes-Alpes et économiste Karine Berger se basait sur ce chiffre pour affirmer que près d'un retraité sur deux ne serait donc pas concerné par la mesure.
Mais la médiane, c'est-à-dire la limite qui sépare la population en deux parties égales, s'élève à 1 563 euros. Ce qui signifie que moins de la moitié des retraités seront réellement épargnés par le gel. Ils sont seulement 43 % – soit environ 6 millions de personnes – à toucher moins de 1 200 euros par mois.
Ce chiffre, proche du revenu médian des actifs (1 712 euros en 2011), prouve que les seniors français sont traités de façon relativement égalitaire par rapport au reste de la population : « A la fin des années 2000, les plus de 65 ans percevaient en moyenne un revenu correspondant à 86,2 % de celui de la population. C'est en France, en Israël, au Luxembourg, au Mexique et en Turquie, où leur revenu avoisinait 95 % de la moyenne nationale, que les personnes âgées étaient les mieux loties. A l’inverse, en Australie et en Corée, leur revenu représentait à peine les deux tiers de la moyenne nationale », affirme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Et les services publics de santé améliorent aussi le revenu des retraités, ajoute l'OCDE. C'est particulièrement vrai en France, où ces services accroissent leur revenu de près de 18 %, contre 16 % en Suède.
Pierre et pauvreté
Le Conseil d'orientation des retraites s'est penché sur la question du dénuement des retraités en début d'année et sur les écarts entre « petites » (autour de 1 000 euros) et des « grosses » retraites (de 2 000 à 3 000 euros) : pour la tranche d'âge de 65 ans et plus, le taux de pauvreté a diminué depuis 2010 pour atteindre 9,3 % en 2011.
La pauvreté des retraités inférieure à celle des actifs
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« Des années 1970 au milieu des années 1990, le niveau de vie des plus de 65 ans, porté par des retraites de plus en plus complètes, avait progressivement rattrapé celui des personnes d'âge actif. Depuis 1996, en moyenne, les niveaux de vie des plus de 65 ans et des personnes d'âge actif évoluent parallèlement », soulignent Céline Arnold et Michèle Lelièvre, de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.
Alors que les salaires des actifs augmentent plus vite que les pensions, la pierre permet notamment aux retraités de ne pas voir l'écart de revenus se creuser. En effet, en France, les trois quarts des retraités possèdent leur logement.
En 2009, en tenant compte des loyers imputés (c'est-à-dire l'équivalent de ce qui serait versé si les personnes étaient locataires), le taux de pauvreté s'élèverait à 13,8 % pour les personnes actives contre seulement 8 % pour les personnes âgées – à comparer à 12,8 % contre 10,4 % lorsque l'on n'en tient pas compte, ont calculé les chercheuses.
Renforcement des inégalités chez les personnes âgées
Mais les situations individuelles sont plus contrastées, en raison notamment de l'augmentation des revenus de patrimoine, un phénomène particulièrement marqué chez les personnes âgées.
On voit sur le graphique suivant que les 20 % des ménages âgés les moins dotés (les deux premiers déciles) en patrimoine, hors immobilier, détiennent 90 % de leur richesse sous forme de livrets. Ces derniers offrent moins de revenus que les valeurs mobilières, comme les actions en Bourse par exemple, qui sont privilégiées par les ménages plus aisés.
Patrimoine financier des ménages âgés (65 ans et plus) par tranche de patrimoine brut total détenu
Dans le même temps, les personnes âgées sont de plus en plus présentes dans la partie la plus pauvre de la population. « La pauvreté des seniors reste concentrée – et s'est même accrue – chez les femmes de plus de 75 ans, souvent veuves et qui, sur les générations concernées, ont peu travaillé », expliquent Céline Arnold et Michèle Lelièvre.