LE MONDE | 30.04.2014 à 11h32 • Mis à jour le 30.04.2014 à 11h33
Manuel Valls à l'Assemblée nationale, le 29 avril.
Edito du « Monde ». Devant l’Assemblée nationale, mardi 29 avril, le premier ministre a mis tout son poids dans la balance. Le vote sur le programme de stabilité budgétaire jusqu’en 2017 et le plan de 50 milliards d’euros d’économies qu’il comporte n’est pas un « vote à blanc », consultatif et indicatif, a-t-il martelé à l’adresse des députés socialistes. C’est un vote, a insisté Manuel Valls, qui « conditionne à la fois la légitimité du gouvernement, sa capacité à gouverner avec sa majorité et surtout la crédibilité de la France ».
Ainsi, le chef du gouvernement voulait un « moment de vérité ». Il l’a obtenu. Et la vérité est rude : le gouvernement a fait adopter son plan, mais il n’a plus de majorité absolue assurée pour mener sa politique. Seuls 265 députés l’ont approuvée et 41 des 67 abstentionnistes sont des socialistes, ces frondeurs qui refusent, peu ou prou, la potion amère qui leur est proposée. Si l’on reprend les termes mêmes de M. Valls, c’est bien sa légitimité qui est entamée et sa capacité à gouverner qui est entravée.
VALLS VOULAIT FONCER, IL VA DEVOIR NÉGOCIER PIED À PIED
La « nouvelle étape » du quinquennat annoncée par le chef de l’Etat au lendemain de la déroute de son camp aux municipales s’engage donc sur des bases on ne peut plus fragiles. L’avertissement s’adresse évidemment à François Hollande. Celui-ci paie au prix fort deux ans d’hésitations, de louvoiements, d’exercice incertain de son autorité et, par-dessus tout, d’absence de résultats convaincants sur le front du redressement économique et de la baisse du chômage. Une partie de son camp n’hésite plus, désormais, à le contester, voire à le défier.
Mais il s’adresse tout autant au premier ministre. Manuels Valls a fait tout ce qu’il pouvait pour convaincre ses « amis ». Il s’est courageusement « mouillé ». Il a assumé sans détour la rigueur budgétaire. Sur les petites retraites, les mesures en faveur des plus pauvres ou des ménages modestes, il a fait des concessions qu’il espérait suffisantes pour convaincre bon nombre des récalcitrants. Sans succès.
Il voulait foncer. Il va devoir négocier pied à pied, sur chaque texte ou chaque réforme. Dès juin 2012, la gauche de la gauche – communistes et mélenchonistes – s’était placée en dehors de la majorité gouvernementale. Après les municipales de mars, ce sont les écologistes qui ont fait dissidence, et ils viennent de le confirmer. Désormais, c’est la gauche du Parti socialiste, et au-delà, qui critique une politique économique qu’elle juge non seulement injuste, mais inefficace. A ses yeux, la crédibilité de la France ne saurait se jouer au détriment de l’identité de la gauche.
La difficulté est d’autant plus grande : rien ne garantit que le plan présenté par Manuel Valls soit à la hauteur des défis que le pays doit relever. Bref, le programme de stabilité économique a ouvert une séquence d’instabilité politique aussi imprévisible que périlleuse. Au bout du compte, c’est tout le quinquennat de François Hollande qui se retrouve cul par-dessus tête : le président de la République annonçait deux ans d’efforts, avant trois ans de réconfort. Ce sont, en réalité, trois ans d’épreuves qui l’attendent. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.